Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 8 octobre 2013 à 14h30
Lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière – procureur de la république financier — Article 1er

Christiane Taubira, garde des sceaux :

Je reprendrai quelques-uns des arguments que j’ai développés lors de la discussion générale.

Dans notre code de procédure pénale, la possibilité pour des associations de se constituer partie civile existe déjà dans plusieurs domaines contentieux. Ce n’est donc pas une innovation.

Par ailleurs, la faculté est réservée aux associations agréées selon des critères transparents, énoncés dans un décret en Conseil d’État, qui existent depuis au moins cinq ans, et dont l’objet social est relatif aux incriminations concernées, limitativement énumérées.

La possibilité existe déjà pour les associations luttant contre le racisme et les discriminations, dans les mêmes conditions, c’est-à-dire si elles sont agréées et existent depuis au moins cinq ans. De même, les associations ayant pour objet de protéger l’intégrité des enfants peuvent déclencher l’action publique dans les cas de maltraitance ou de pédopornographie.

Nous consolidons la jurisprudence récente de la Cour de cassation, qui a tout de même permis à une association importante et fiable de déclencher l’action publique dans des procédures relatives à des biens mal acquis. Quelle que soit votre sensibilité politique, vous auriez regretté que cela ne fût point possible !

Par conséquent, lorsque les victimes ne sont pas identifiées ou identifiables, la victime étant la société tout entière, le procureur pourra très bien déclencher l’action publique ; rien ne lui interdira de le faire. En revanche, si l’action publique n’est pas déclenchée par le ministère public, elle pourra l’être par une association agréée se proposant par ses statuts de lutter contre la corruption et déclarée depuis au moins cinq ans.

Comme je l’ai dit tout à l'heure, les articles 2-1 à 2-22 du code de procédure pénale ont prévu la possibilité, pour des associations, de déclencher l’action publique. Le code est très précis sur ce point : aux termes de l’article 2-3, « toute association, inscrite auprès du ministère de la justice dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, est recevable dans son action même si l’action publique n’a pas été mise en mouvement par le ministère public ». Ces dispositions sont claires ! Nous nous inscrivons donc dans un cadre d’ores et déjà explicitement défini dans le code de procédure pénale.

Par conséquent, la question est simple : sommes-nous vraiment déterminés à lutter contre la fraude fiscale et la délinquance économique et financière ? En ce cas, nous devons nous en donner les moyens et créer les conditions pour rendre une telle lutte possible.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez accepté de protéger les repentis et les lanceurs d’alerte. Autrement dit, vous avez accepté de protéger des acteurs qui contribuent à lutter contre ce type d’infractions. Dès lors, pourquoi empêcher des associations reconnues, agréées et stables de déclencher l’action publique en la matière ?

On ne peut pas se contenter de souligner l’urgence de la lutte contre la corruption, la fraude fiscale et la délinquance économique et financière, dans un contexte de grand désarroi des citoyens, qui rencontrent des difficultés économiques et ont le sentiment que l’horizon est brouillé, sans se donner les moyens de rendre la lutte effective et efficace : on se réduirait ainsi à énoncer une pétition de principe. Il faut au contraire donner aux associations les moyens de lutter contre ces incriminations.

Le Gouvernement est donc défavorable à ces deux amendements.

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