Nous en revenons à un débat que nous avons déjà eu en première lecture sur le sujet.
Pour ma part, je trouve certains des propos tenus sur cet article 1er – on a parlé de « privatisation de la justice », de « confusion », de « dérive », de« déviance »… – quelque peu excessifs. Pour leurs auteurs, les associations ne devraient pas être mises en situation d’ester en justice en matière de corruption.
Permettez-moi de répéter ce que Mme la garde des sceaux vient de rappeler : dans de nombreux cas, les associations loi 1901 ont le droit d’ester en justice et de se porter partie civile. Lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, il a été rappelé qu’il en est ainsi en matière de pédopornographie, de pédocriminalité, d’atteintes sexuelles commises par des Français contre des mineurs à l’étranger, de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, et même d’agissements contraires à la protection des animaux. Notre code de procédure pénale prévoit donc plusieurs situations où les associations peuvent déclencher l’action publique. Et chacun sait que le parquet a tout loisir de déclencher l’action publique quand il le souhaite.
Qu’est-ce qui pourrait justifier sur le fond que le droit des associations à soutenir les victimes de la pédophilie, de violences sexuelles, de discrimination raciale ou sexiste ne soit pas applicable aux affaires de corruption, alors même que cela peut fort bien être une forme de perversion du suffrage universel, dans les matières visées aux articles L. 106 à 109 du code électoral, sans parler des trafics d’influence et des affaires de blanchiment, qui sont irrecevables du point de vue civil ? Il s’agit, dans tous les cas, d’une rupture caractérisée du pacte républicain qui nous lie par l’impôt et le droit ! Il me semble d’ailleurs que l’actualité récente a montré qu’il y avait de quoi faire à cet égard.
Les dispositions de l’article 1er ne nous apparaissent donc absolument pas scandaleuses.
Du reste, je ne peux manquer de souligner qu’en votant cet article nous aurions simplement trois ans de retard ! En effet, le 9 novembre 2010, la Cour de cassation a donné droit d’ester en justice à l’association Transparency international France, dont le président est l’ancien directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, M. Daniel Lebègue, dans l’affaire dite « des biens mal acquis », visant un certain nombre de dictateurs des pays d’Afrique ayant détourné à leur profit et à celui de leur famille ou de leurs amis une part importante de l’exploitation des richesses de leur pays respectif.
Vous le voyez, la réalité dépasse d'ores et déjà les préventions et précautions que certains ici entendent mettre en œuvre !
De deux choses l’une : soit nous votons la suppression de l’article 1er, et nous préservons ainsi une sorte de tabou, quitte à encourager la corruption ; soit nous votons contre sa suppression, et nous permettrons une nouvelle avancée du droit.