Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 8 octobre 2013 à 14h30
Lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière – procureur de la république financier — Article 15

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

Je reprendrai rapidement les arguments que nous avions développés lors de la première lecture et qui restent les mêmes, la situation n’ayant guère changé.

Le procureur financier constituerait une juridiction particulière. Par principe, j’ai toujours été très réservé quant à la multiplication des juridictions spécialisées. L’expérience montre que, en général, elles ne produisent pas de bons résultats ; elles en produisent même souvent de dangereux.

Nous pensons que la création d’un tel procureur n’est pas le meilleur moyen de lutter contre la délinquance fiscale, économique et financière. La réalité, nous la connaissons tous. On a besoin non pas d’un procureur financier, mais de moyens suffisants et adaptés, ainsi que de modes d’arbitrage efficaces pour trancher les conflits de compétence. Or vous créez un instrument qui permettra à ceux qui sont poursuivis de soulever – je l’ai déjà dit tout à l'heure, mais c’est une vérité – le maximum de difficultés de procédure.

Le dispositif est loin de régler les problèmes de compétence. Vous nous parlez de concurrence, mais je ne suis pas sûr que, en matière judiciaire, la concurrence soit une bonne chose. Le nouveau procureur financier sera source de nouveaux conflits de compétence.

En fait, on isole la lutte contre la fraude fiscale et la délinquance économique et financière. Cela va à l’encontre du constat fait par les magistrats eux-mêmes, qui observent une interconnexion entre les différents types de crimes et délits, dont beaucoup appellent une approche globale et non sectorisée.

Le procureur financier est censé renforcer la visibilité de la lutte contre la fraude fiscale et la délinquance économique et financière, mais ce nouveau parquet ne fera qu’ajouter de la complexité au système actuel, tout en créant de nouveaux risques de conflits de compétence.

Contrairement à ce qui a été affirmé, le procureur financier ne sera aucunement plus indépendant que les autres. Ses garanties statutaires seront les mêmes que celles dont bénéficie le procureur de la République de Paris. Il ne sera pas réellement plus spécialisé que les magistrats de la section financière du parquet de Paris.

Ce nouvel instrument est un objet du parquet très identifié, qui générera beaucoup plus de difficultés qu’il ne résoudra de problèmes. Nous le savons presque tous, madame le garde des sceaux. Je ne crois pas que l’on fera avancer la lutte contre la fraude fiscale et la délinquance économique et financière, sur laquelle nous sommes globalement tous d'accord, par cet outil dont on se demande encore aujourd'hui qui a pu l’imaginer. On voit parfois apparaître dans les textes des systèmes qui compliquent les choses au lieu de les faire progresser.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion