Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 8 octobre 2013 à 14h30
Lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière – procureur de la république financier — Article 15

Christiane Taubira, garde des sceaux :

Le Gouvernement est défavorable à ces amendements. Le sujet est extrêmement sérieux. Les interrogations sont légitimes.

J’entends les propositions qui sont formulées, mais elles ne satisfont pas l’exigence de lisibilité de l’action publique en matière de lutte contre la fraude fiscale et la délinquance économique et financière.

Monsieur Mercier, je comprends vos inquiétudes quant à la possibilité de saisir le procureur financier au titre de l’article 40 du code de procédure pénale, mais rien dans le texte ne l’interdit. Le procureur financier est un procureur de la République. Il relève du statut des magistrats du ministère public défini par l’ordonnance du 22 décembre 1958. Rien ne l’empêche de recevoir les plaintes et les dénonciations. Vous n’avez donc aucune raison d’être préoccupé à cet égard.

J’en viens à la question des compétences concurrentes. Je le répète, ce ne sont pas des compétences de rivalité. En réalité, il s'agit simplement de reconnaître une même compétence à plusieurs parquets. C’est déjà le cas dans certains domaines, et les conflits de compétence sont réglés par le procureur général, ou par plusieurs procureurs généraux si différents ressorts sont concernés.

Je rappelle que nous parlons de magistrats du ministère public. Ce sont des personnes auxquelles nous confions, par le droit, la haute responsabilité de représenter la société et de défendre ses intérêts, auxquelles nous confions, par le droit, la capacité d’ouvrir des enquêtes préliminaires, auxquelles nous confions, par le droit, le devoir de requérir au nom de la société, auxquelles nous confions, par le droit, la responsabilité de veiller au respect des libertés individuelles. Puisque ces magistrats sont capables d’assumer des responsabilités aussi importantes, aussi lourdes, ne pouvons-nous penser qu’ils sont également capables d’arbitrer les conflits de compétence ?

L’intérêt de la compétence concurrente, qui, je le répète, n’est pas une compétence rivale, c’est de gagner du temps sur les procédures. S’il est bon que les procédures puissent aller à leur train et aussi vite que possible pour ce qui concerne les affaires ordinaires, qu’elles soient civiles ou pénales, il est plus important encore qu’elles ne fassent pas l’objet de manœuvres dilatoires ni ne subissent de retards parce qu’il faut complètement recommencer le processus à cause d’une réflexion ou d’une construction insuffisantes.

La compétence concurrente ne présente que des avantages. C’est d'ailleurs ainsi, je le répète, que fonctionne la section antiterroriste du parquet de Paris. Or aucune affaire n’a été marquée par un comportement irresponsable des procureurs, quel que soit le lieu de déclenchement de la procédure. Il n’y a jamais eu aucune rivalité avec les autres parquets concernés.

J’entends la réflexion sur le fonctionnement du ministère public. Je la partage de manière régulière avec les procureurs généraux ; voilà une quinzaine de jours, j’étais devant la conférence des procureurs généraux. Les magistrats m’ont donné de multiples exemples de procédures ayant commencé dans une juridiction avant d’être transférées à la suite d’échanges entre procureurs généraux. Ils savent le faire !

Par ailleurs, je vous rappelle que j’ai installé une commission présidée par Jean-Louis Nadal, procureur général honoraire près la Cour de Cassation, et qui travaille à la modernisation du ministère public. Le parquet financier profitera de ce travail.

Il faudra certes du temps pour s’habituer au nouveau dispositif ; je le comprends tout à fait. Mais je crois que ce système fonctionnera bien, d’autant que, comme l’a souligné M. le rapporteur, le Gouvernement lui a dédié des moyens humains et financiers.

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