Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il ne se passe pas un jour sans que l’actualité nous informe des ravages commis par les armes à feu. Très récemment, l’attentat du Wesgate à Nairobi a été perpétré par des terroristes armés qui n’ont pas hésité à tuer de sang-froid, à bout portant, plusieurs dizaines de personnes, hommes, femmes et enfants.
Régulièrement, les ONG s’emploient à faire le terrible recensement des victimes, en majorité civiles, de violences par armes à feu : elles seraient près de 500 000 chaque année dans le monde, sans compter les nombreux blessés.
Je pense aussi aux enfants-soldats. Certains États ou organisations criminelles n’hésitent pas à foudroyer l’innocence de milliers d’enfants en leur mettant des fusils entre les mains. Ils alimentent la « liste de la honte » tenue par le secrétaire général de l’ONU.
La circulation incontrôlée des armes est un véritable fléau : en effet, entre 40 et 60% du commerce des armes légères est illicite. Il est urgent d’apporter des réponses au problème des transferts d’armes irresponsables.
Certes, l’utopie d’un monde sans armes n’est pas à l’ordre du jour. Personne n’est naïf et nous sommes loin du précepte un peu simpliste de Victor Hugo : « Ôtez l’armée, vous ôtez la guerre ».
Dans le monde, et en particulier dans la zone Asie-Pacifique, les budgets militaires ne cessent de progresser. Disons-le sans détour : la France est très dynamique s’agissant du commerce légal des armes, qui constitue un soutien non négligeable à notre industrie. Cette réalité économique nous conduit à figurer parmi les cinq premiers exportateurs de matériel de défense. Toutefois, ce poids n’est pas un handicap lorsque l’État et les industriels partagent des exigences fortes en termes de contrôle, ce qui est le cas.
Par ailleurs, notre pays a toujours été mobilisé en faveur du maintien de la paix et de la sécurité dans le monde. Nous avons toujours pris une part active aux initiatives visant à la non-prolifération ou au contrôle des armes. À cet égard, l’énergie déployée par le Président de la République sur la question de l’utilisation des armes chimiques en Syrie illustre le souci qui guide l’action diplomatique de la France.
Nos dirigeants ont toujours œuvré avec responsabilité pour faire avancer les grands traités et les conventions internationales. Je pense au traité d’interdiction complète sur les essais nucléaires ou encore à la convention sur l’interdiction des armes à sous-munitions.
Dans cet esprit, nous avons très tôt soutenu le projet de traité sur le commerce des armes, qui s’est enfin concrétisé avant l’été. J’en profite pour saluer le travail accompli en amont par plusieurs ONG. Elles ont mené une campagne de sensibilisation exemplaire, comme bien souvent, d’ailleurs.
Le processus de négociation a été relativement long et il faut reconnaître que le ralliement des États-Unis au traité l’a accéléré. Il a fallu de la persévérance pour vaincre quelques États réticents, en particulier tous ceux qui, sous le coup de sanctions internationales, sont inquiets du progrès.
L’essentiel reste son adoption à une très forte majorité de l’Assemblée générale des Nations unies, le 2 avril dernier. Il s’agit d’une victoire politique, même si de grands pays comme la Russie, l’Inde et la Chine n’y ont pas apporté leur soutien. Depuis son adoption, au moins 107 pays l’ont signé, dont les États-Unis à la fin du mois dernier. L’enjeu réside aujourd’hui dans sa ratification.
Notre pays est parmi les premiers à décider sa mise en œuvre. Monsieur le ministre, nous devons nous féliciter de cette promptitude : elle honore la France. De la même manière, un vote positif, dont je ne doute pas, honorera notre Parlement.
Les orateurs précédents l’ont rappelé, le texte du traité vise deux objectifs : réguler le commerce légitime entre États et prévenir les trafics illicites. Dans les deux cas, la ratification du traité ne devrait bouleverser ni le droit français, ni le droit européen. L’étude d’impact jointe au projet de loi est sur ce point sans équivoque.
En effet, le principe général de prohibition, de fabrication et de commerce des matériels, armes et munitions, fonde la législation française. Comme vous le savez, mes chers collègues, il en résulte un régime très rigoureux d’autorisation et de délivrance des licences, que nous avons d’ailleurs renforcé par l’adoption de la loi du 22 juin 2011 relative au contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre et de matériels assimilés.
Le traité s’articule également très bien avec nos engagements européens, notamment ceux qui découlent de la position commune du Conseil de l’Union européenne du 8 décembre 2008. Le traité et la position commune convergent en effet vers un principe fondamental consistant à apprécier l’autorisation d’exporter au regard du risque de violation des droits de l’homme. Il s'agit, bien entendu, du point fondamental du traité sur le commerce des armes posé à l’article 6. C’est pour cette raison essentielle que mon groupe approuve totalement ce nouvel instrument juridique.
Certains regrettent l’absence de mesures de coercition. Bien entendu, ce traité ne réglera pas tout et ne fera pas taire, dès demain, le bruit des armes. Mais, à n’en pas douter, il s’agit d’une étape. Comme le disait François Mitterrand, parlant des pays en guerre, trop nombreux : « La paix n’est pas à préserver. Elle est d’abord à conquérir ». Le droit international participe de cette conquête et, avec lui, la France se situe à son avant-garde.
Mes chers collègues, si nous adoptons le projet de loi visant à la ratification de ce traité, ce dont je ne doute pas, nous serons ainsi parmi les premiers à ouvrir la voie à l’établissement d’une régulation des armes classiques. Selon nous, tout autre vote qu’un soutien à ce traité ne serait pas une position responsable. C’est pourquoi les membres de mon groupe l’approuveront sans réserve.