Intervention de Raymond Couderc

Réunion du 8 octobre 2013 à 14h30
Traité sur le commerce des armes — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Raymond CoudercRaymond Couderc :

Jusqu’à ce traité, il n’existait que des embargos, relevant du cas par cas, et répondant à des problèmes particuliers posés par le commerce des armes depuis ou vers certains pays. Par exemple, l’interdiction de l’importation et de l’exportation d’armes fait partie du régime de sanctions contre l’Iran. Mais il s’agit d’engagements politiques, et non juridiques.

Ces engagements sont des preuves de transparence, pris depuis le début des années 1990, qui n’ont abouti qu’à des dispositifs d’incitation à coopérer en faveur de la lutte contre la dissémination des armes légères et de petits calibres.

Or nous savons bien que ce sont les trafics d’armes de petits calibres qui font le plus de morts à travers le monde. Nous en sommes les témoins quotidiens, tant dans des crises régionales qui se transforment en conflits, et qui poussent l’ONU à envoyer des soldats pour éviter de véritables guerres civiles, que dans nos banlieues, où il est très facile de se procurer des armes de guerre.

Mes chers collègues, vous me permettrez de profiter de cette tribune pour revenir sur ce que représente le commerce des armes dans le monde. Je le ferai en évitant de sombrer dans la caricature, trop facile, intellectuellement malhonnête et, au final, loin de la réputation de notre assemblée.

Les producteurs d’armes ne sont pas les auteurs de crimes. Un monde désarmé est un objectif qu’il faut viser, mais l’idéal doit aussi s’ancrer dans la réalité. Grâce à ce traité, les exportateurs et les acheteurs auront une plus grande responsabilité.

Oui, le commerce des armes constitue un volet important de l’économie mondiale. Le chiffre d’affaires des grands groupes d’armement mondiaux s’élève à 307 milliards d’euros, hors la Chine. Pour la seule année 2011, cela équivaut à plus d’un tiers du chiffre d’affaires des neuf plus gros constructeurs automobiles mondiaux.

Ainsi, hors groupes chinois, dont on ignore clairement les chiffres – et c’est là aussi l’un des problèmes majeurs de l’efficacité à terme du traité sur le commerce des armes –, le classement des 100 plus grands vendeurs d’armes est dominé par les groupes américains et européens, qui pèsent respectivement 60 % et 29 % du marché, et en monopolisent les 17 premières places.

La France, et nous ne devons pas en avoir honte, prend part à ce commerce en pleine croissance. En effet, les industries françaises ont enregistré en 2011 une hausse de 27 % de leurs prises de commandes, ce qui représente 6, 5 milliards d’euros. Cela situe la France « parmi les cinq premiers exportateurs mondiaux ».

Le commerce des armes est donc une industrie très importante, dans le monde et dans notre pays, au regard tant du volume financier qu’il engendre que du fait de la particularité du produit vendu et de son utilisation.

Toutefois, il faut le rappeler avec force, la France s’est dotée depuis longtemps d’une réglementation et d’un dispositif législatif de contrôle extrêmement rigoureux. Ce dispositif est fondé sur un système d’autorisations par étapes et une concertation interministérielle continue.

De plus, dès 2006, la France s’est fortement investie dans le processus visant à établir un traité international sur le commerce des armes. Donc, oui, la France est l’un des plus gros producteurs mondiaux, mais elle prend toute sa part de responsabilité. En matière de contrôle et d’exportation, elle se pose comme un modèle.

C’est aussi pour ces raisons qu’elle a participé activement aux réunions du comité préparatoire, qu’elle soutient la mise en œuvre rapide de ce traité, et qu’elle a œuvré en faveur d’une définition du champ d’application des matériels et des activités aussi large que possible.

Je veux rappeler que la France, depuis longtemps, s’est engagée en faveur des grands principes, tels que les droits de l’homme, le droit international humanitaire et le développement économique et social, principes regroupés sous l’appellation « règle d’or » par nos négociateurs.

Aussi, c’est tout naturellement, et devant l’importance de ces chiffres et la multiplication des crimes commis contre des civils à travers le monde, que la France, avec plusieurs États – le Royaume-Uni, par exemple – et des ONG, s’est mobilisée depuis 2006 pour favoriser la mise en place d’un traité sur le commerce des armes.

Par ailleurs, depuis 2008, la France et les États européens appliquent la position commune 2008/944/PESC, qui définit les règles régissant le contrôle des exportations de technologie et d’équipements militaires. En cela, l’Europe est un excellent élève, le seul au monde à avoir mis en place une procédure juridique efficace.

À un moment où l’euroscepticisme est de mise, où il devient une posture politique, soyons fiers que l’Union européenne se distingue par l’existence de règles contraignantes portant sur tous les armements conventionnels, qui soient communes à tous ses États membres. Ce fut d’ailleurs l’un des axes de la Présidence française en 2008.

Ce traité, fruit d’un long processus de négociation au sein des Nations unies, a été adopté à une très large majorité par l’Assemblée générale des Nations unies, le 2 avril 2013.

Il convient aussi de nous féliciter du large soutien des États sud-américains, mais aussi de celui d’une majorité des États d’Afrique subsaharienne, qui, tout en étant victimes de transferts d’armes déstabilisants, en sont également les acteurs principaux.

À ce titre, il importe de souligner que certaines de ces régions ont adopté un régime de contrôle du désarmement comportant des règles communes. La CEDEAO l’a fait en Afrique de l’Ouest pour les armes légères.

Pour autant, ces règles devront s’appliquer à tous, sous peine d’instaurer une concurrence déloyale entre les pays ayant signé et appliquant le traité, et les autres.

Parmi les contraintes qui s’exerceront sur elle, la France devra obtenir l’adhésion du plus grand nombre au traité, en particulier celle des principaux acteurs du commerce des armes.

Pour faire face aux réalités du monde, en matière de prolifération des armes comme de protection des populations civiles victimes de celles-ci, il est primordial que le traité sur le commerce des armes réponde à plusieurs critères.

Ce traité doit être un traité de régulation et non un traité d’interdiction. Il s’agit là d’une harmonisation par le haut de règles adoptées par tous les États producteurs ou importateurs, ainsi que par les pays « de transit ». La lutte contre les trafics d’armes illicites ne peut être conçue sans une régulation du commerce licite.

Aussi, la Chine, la Russie, ou ses anciens satellites, qui ont gardé sur leurs sols des chaînes de production d’armes, aujourd’hui réactivées – je pense notamment à l’Ukraine et au Kazakhstan, qui deviennent des sous-traitants –, devront eux aussi prendre leur part de responsabilité en ratifiant ce traité. La signature n’est pas suffisante.

Ce traité doit être ratifié par un maximum d’États, sinon par la totalité des États. Cela permettra une réelle régulation, et évitera une distorsion des règles commerciales appliquées et applicables par les différents États, selon qu’ils aient signé ce traité ou non. Seule l’universalité du traité pourra lui permettre d’atteindre ses objectifs premiers, principalement au regard des droits de l’homme. J’espère d’ailleurs que la France, par sa diplomatie et son influence, saura convaincre ses alliés et travaillera à une ratification rapide de ce traité par le plus grand nombre.

C’est pour toutes ces raisons que le groupe UMP votera en faveur de cette ratification. §

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