M. Reiner a posé une question portant sur notre interprétation du « risque prépondérant », auquel se réfère l’article 7 du traité.
Comme le sait M. Reiner, la France est déjà tenue par un engagement très strict, qui est la position de l'Union européenne, sorte de code de conduite qui définit des règles communes régissant le contrôle et l’exportation de technologies et d’équipements militaires.
Le texte européen demande aux États de ne pas autoriser une exportation d’armes s’ils jugent qu’il existe un risque manifeste qu’elles puissent être utilisées à des fins contraires aux droits de l’homme et au droit international humanitaire. Dès lors qu’un risque est « manifeste », pour reprendre la terminologie européenne, il est à notre sens forcément prépondérant. C’est donc autour de ce concept que l’on peut répondre à la question posée par M. Reiner.
M. Reiner s’est également interrogé sur les transferts d’armes à titre gratuit, et M. Desessard a, lui aussi, abordé ce sujet. Je précise que les transferts à titre gratuit ne sont pas formellement cités dans le traité parce que certains pays, notamment la Chine, s’y sont opposés. Cependant la France, à l’instar de la plupart des autres pays de l’Union européenne, considère que les cessions gratuites sont couvertes par le traité.
M. Reiner a aussi soulevé une question liée à l’article 26, qui dispose que le traité est sans préjudice des obligations souscrites par les États parties. Cet article a été inséré à la demande de grands États importateurs, qu’il était crucial d’inclure dans le consensus. Vous noterez que les obligations dont il est question doivent être cohérentes avec le traité. Il n’y a donc pas de contradiction entre l’article 26 et le reste.
M. Bockel, comme d’autres sénateurs, s’est demandé si le traité n’allait pas handicaper nos industriels. Comme vous l’avez tous noté, celui-ci ne vise pas à supprimer le commerce des armes, mais il l’encadre, en soumettant les États exportateurs à des règles communes. C’est vrai également, bien sûr, pour la France.
Mme Demessine a posé une question qui a été relayée par d’autres, en particulier MM. Tropeano, Desessard et Couderc : qui ratifiera le traité ? A-t-il des chances d’être ratifié notamment par les grands pays ?
L’état de nos informations est le suivant : tous les pays de l’Union européenne, qui représentent ensemble environ 30 % des exportations de modèles d’armement, ont signé le traité et se sont engagés à le ratifier rapidement. Nos principaux partenaires dans le domaine de la défense – le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Italie – sont aussi avancés que nous dans le processus de ratification, mais il ne faut pas prendre de retard. Hors d’Europe, – M. Couderc, notamment, a soulevé la question – la situation est plus contrastée. Plus de deux tiers des États de l’ONU – 113 signatures à la date du 3 octobre dernier – ont signé le traité, mais il manque de grands exportateurs, en particulier la Chine et la Russie.
Pour la Chine, il y a des raisons d’être optimiste : le traité lui convient ; Pékin s’est abstenu lors du vote à l’ONU en avril, mais, nous ont dit les Chinois, uniquement pour une raison procédurale. Les Chinois auraient préféré que l’on adopte le texte au consensus. Seulement, comme cela a été souligné, et ce n’est pas sans signification, l’Iran, la Corée du Nord et la Syrie ont voté contre – ce qui incite, d’ailleurs, à voter pour… §Avec la signature des États-Unis, les choses pourraient changer.
Pour la Russie, ce point est peut-être plus difficile. Le président Poutine ne souhaite pas ratifier ce traité, et il n’est pas, semble-t-il, sans influence sur son propre pays. Il aurait voulu que le traité serve mieux les intérêts de la Russie et ceux de ses alliés au Moyen-Orient. Nous allons voir si la situation évolue.
Aux États-Unis, l’administration du président Obama soutient ce traité depuis le début. Ils l’ont signé le 25 septembre dernier. Il faut maintenant convaincre le Congrès. C’est là où la question est difficile, d’autant qu’un lobby des porteurs d’armes a réussi à faire croire que ce traité menaçait le deuxième amendement de la Constitution américaine et le droit de tout citoyen de détenir une arme, alors que cela n’a rien à voir. Ces arguments ne sont pas fondés, mais ils trouvent un écho. Nous espérons néanmoins que le traité sera largement ratifié.
Plusieurs d’entre vous ont posé la question des drones : Sont-ils ou non concernés ? Le traité s’applique à l’ensemble des armes. Les catégories sont celles du registre des Nations unies sur les armes classiques, auxquelles on a ajouté les armes légères et de petits calibres, ainsi que les munitions, pièces et composants.
S’agissant des drones armés, en fait, on peut considérer que ce sont des avions de combat pilotés à distance. Rien n’interdit donc, à nos yeux, qu’ils soient inclus dans la catégorie des avions de combat du registre des Nations unies.
En outre, sur proposition de la France, une clause permettant d’amender le traité a été introduite. Il sera donc possible de faire évoluer le champ des matériels en prenant en compte, notamment, les développements technologiques.
M. Desessard s’est interrogé sur l’absence de sanctions. Il y a une sanction politique, avec l’examen par la Conférence des États parties de la mise en œuvre par les États. Il y a la possibilité – je viens de la citer – d’amender le traité par la suite, qui laisse cette voie ouverte. Il y a l’assistance à la mise en œuvre. Nous travaillons, au sein de l’Union européenne, à un programme d’assistance à la mise en œuvre, qui sera à la fois juridique et opérationnelle. Le sujet, je le précise, sera abordé lors du sommet « paix et sécurité sur le continent africain », que nous réunirons au mois de décembre prochain à Paris, pour aider à la mise en œuvre dans ces pays.
Quand aux pays qui n’ont pas ratifié le traité, la France a lancé une campagne en faveur de cette ratification par tous les États. Le vote de cette loi par la France montrera l’exemple.
J’ai une dernière réponse à faire si on a la gentillesse de ramasser le papier que j’ai laissé tomber. Peut-être n’avez pas encore vu le film Quai d’Orsay, qui est assez amusant, où un de mes prédécesseurs, d’après ce que j’ai compris, est décrit. Chaque fois qu’il entre dans une pièce, les papiers volent ! Désormais, c’est beaucoup plus calme !