L'enquête de la Cour des comptes, qui a été remarquablement réalisée, pose de nombreuses questions et j'aurai l'occasion d'en traiter certaines dans mon rapport pour avis sur le projet de loi de programmation militaire que je présenterai à la commission au terme de cette audition.
À ce stade, mes principales interrogations concernent tout d'abord l'avenir. Le diagnostic de la Cour des comptes est clair : on a pris, en 2008, des mesures de revalorisation de la condition militaire dont le coût n'a pas été évalué ni maîtrisé. Une gestion déficiente des facteurs d'accélération du GVT, notamment la politique d'avancement, a accru la dérive. Tout ceci est-il réversible ? Peut-on revenir dès l'année prochaine à une trajectoire plus soutenable ? Sur ce point je dirai, compte tenu de la contrainte budgétaire, que le ministère est condamné à réussir sa « manoeuvre RH », sinon c'est l'équilibre même de la prochaine loi de programmation qui sera remis en cause.
À mon sens, une condition essentielle de la réussite de cette manoeuvre est la résolution des problèmes de gouvernance de la fonction ressources humaines du ministère.
On supposait qu'il y avait des problèmes, compte tenu de la dérive de la masse salariale du ministère que la commission des finances relève année après année. Mais l'on peut désormais s'appuyer sur le constat très clair de la Cour des comptes, dont l'enquête jette une lumière assez crue sur la déstructuration de la chaîne de solde et sur la déconnexion entre responsabilité opérationnelle et responsabilité budgétaire.
Des mesures ont d'ores et déjà été prises par le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, notamment le renforcement de l'autorité fonctionnelle de la direction des ressources humaines du ministère (DRH-MD) sur les gestionnaires RH des armées. Pouvez-vous nous expliquer ce que cela va changer concrètement ? Ne risque-t-il pas d'y avoir des conflits entre autorité hiérarchique et autorité fonctionnelle ? Pensez-vous qu'il faille aller plus loin en instaurant une véritable autorité hiérarchique de la DRH-MD sur les gestionnaires RH ?
Est-ce que finalement on ne s'oriente pas vers une gouvernance avec des gestionnaires civils d'un côté et des militaires seulement chargés de l'opérationnel de l'autre ?
Ceci étant dit, compte tenu de la répétition des dépassements de dépenses du titre 2 durant la précédente période de programmation, il est peut-être un peu simple de penser que le ministère de la défense est seul responsable. Quelle a été et quelle sera désormais l'action de la direction du budget à cet égard ?
Par ailleurs, le ministère de la défense est soumis à des décisions qui lui échappent. Que se passera-t-il si, d'ici la fin de la prochaine programmation, c'est-à-dire 2019, une mesure générale est prise, telle que le relèvement de la valeur du point de la fonction publique ? Affectera-t-elle automatiquement les militaires ? Comment l'impact sera-t-il absorbé par le budget de la défense qui est déjà très contraint ? Le projet de loi de programmation militaire prévoit une forme de « clause de sauvegarde » dans ce type d'hypothèse. Comment sera-t-elle mise en oeuvre ? Quel en sera le financement ?
Mes dernières interrogations concernent Louvois, qui demeure une question importante.
J'ai apprécié la réaction initiale du ministre de la défense qui, en découvrant l'ampleur des dysfonctionnements peu après sa prise de fonction, a préféré chercher des solutions d'urgence pour les militaires plutôt que des coupables. Cependant, face au fiasco que représente le déploiement de Louvois, les responsabilités des uns et des autres ont-elles été établies, des sanctions ont-elles été prises ?
Pour conclure, je tiens à saluer l'excellent travail des magistrats de la Cour des comptes. Je les remercie, ainsi que nos autres intervenants, d'avoir bien voulu venir éclairer la représentation nationale sur ce sujet relativement délicat.