Intervention de Jean-Louis Carrère

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 8 octobre 2013 : 1ère réunion
Loi de programmation militaire 2014-2019 — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Jean-Louis CarrèreJean-Louis Carrère, président :

Avant de passer aux amendements, je souhaite que nous ayons un débat général maîtrisé. Ne changeons pas notre habitude, qui est de préférer aux grandes déclarations polémiques la recherche de l'intérêt général.

Sans revenir sur les analyses effectuées par le nouveau Livre blanc ni sur la nécessité d'une nouvelle loi de programmation militaire, rappelons que cette dernière répond à une double ambition : adapter notre outil de défense aux évolutions du contexte stratégique et préserver notre effort de défense afin de maintenir notre autonomie d'action. Le président de la République a décidé de sanctuariser les moyens financiers dont disposera la défense nationale. Les ressources du ministère de la défense sont maintenues à 31,4 milliards d'euros par an jusqu'en 2016, puis augmenteront progressivement jusqu'à 32,5 milliards en 2019, pour atteindre un total de 190 milliards d'euros sur la période. La France conserve ainsi ses ambitions de défense tout en tenant compte de l'objectif de redressement des finances publiques, dont la dégradation est devenue en elle-même un enjeu de souveraineté.

La défense est le troisième poste de dépense de l'État, après l'éducation, mais aussi après les intérêts de la dette. Or l'ensemble des démocraties occidentales, en Europe mais aussi aux États-Unis, procèdent aujourd'hui à des coupes drastiques dans leur budget de défense. La France sera ainsi l'un des rares pays en Europe capables de protéger de manière autonome son territoire et sa population, de dissuader tout agresseur étatique grâce au maintien de la dissuasion dans ses deux composantes, et d'intervenir militairement hors de son territoire. Même le Royaume-Uni a été contraint de renoncer à certaines capacités militaires, comme ses moyens aériens de patrouille maritime.

Le projet de loi de programmation prolonge, mais de façon plus modérée, la réduction du format de nos armées prévue par la précédente loi ; moins nombreuses, mais mieux armées, nos forces bénéficieront d'équipements nouveaux qui accroîtront leur efficacité opérationnelle : drones de moyenne altitude et longue endurance (MALE), avions de transport tactique A400M et ravitailleurs en vol, dont l'absence a fait défaut en Libye ou au Mali. Il poursuit tous les programmes d'équipements et en lance de nouveaux : seront ainsi livrés le premier sous-marin d'attaque nucléaire Barracuda, six frégates multimissions (FREMM) et des avions de combat Rafale. La modernisation des moyens de transport et de combat terrestre continuera avec le programme Scorpion. Grâce à la priorité donnée aux équipements, au renseignement et à la cyberdéfense, la France disposera d'un outil de défense moderne et adapté. Notre industrie de défense sera sauvegardée et les crédits de la recherche en matière de défense seront sanctuarisés.

Le projet de loi de programmation préserve ainsi l'essentiel ; il est d'une grande cohérence mais relativement fragile de ce fait même : le manque de l'un de ses éléments peut mettre l'ensemble en péril.

Nous ne sommes donc pas entièrement satisfaits, ou plutôt, nous restons inquiets. Aussi un amendement proposera-t-il, en cas de retour à meilleure fortune, de redresser le budget de la défense vers l'objectif de 2% du PIB.

Pour mettre en oeuvre cette loi de programmation, il faudra relever cinq défis. Le premier tient aux recettes exceptionnelles, provenant notamment de la vente de fréquences ou de cessions immobilières, qui viennent compléter les ressources budgétaires à hauteur de 6,1 milliards d'euros sur la période, soit 3% des ressources totales ; pour s'assurer qu'elles seront bien au rendez-vous, au montant et au moment prévus, l'ensemble des rapporteurs budgétaires de notre commission ont signé un amendement prévoyant qu'en cas de non-réalisation, elles seraient intégralement compensées par d'autres recettes ou par des crédits budgétaires sur un financement interministériel. Le deuxième défi est celui de la réussite de la déflation des effectifs et de la maîtrise de la masse salariale. La maîtrise des dépenses de soutien et du maintien en condition opérationnelle représentent un troisième enjeu. Quatrième défi, la préparation opérationnelle ne doit plus servir de variable d'ajustement : il en va de la crédibilité opérationnelle de nos armées et de leur moral. Enfin, cinquième et dernier défi, l'exportation : le maintien d'une industrie de défense forte suppose des succès à l'exportation quand les besoins des armées nationales ne suffisent pas.

Parce que la bonne exécution de la loi de programmation militaire sera déterminante - elle doit être absolument vertueuse ! -, nous proposerons un ensemble d'amendements renforçant le contrôle du Parlement sur cette exécution. La vigilance des élus est une garantie pour que la défense ne soit pas une nouvelle fois une variable d'ajustement.

Les orientations générales méritent d'être approuvées. Sa mise en oeuvre exigera beaucoup d'efforts, mais elle est très attendue par la communauté militaire et le monde de la défense. Elle est surtout dans l'intérêt de notre pays et au service de nos concitoyens et de notre sécurité. Comme l'a illustré son intervention au Mali, notre pays dispose d'équipements de très grande qualité mais surtout de militaires qui ont fait la preuve de leur professionnalisme, de leur dévouement et de leur efficacité. Notre commission et notre assemblée doivent, en approuvant ce projet de loi, témoigner de l'attachement des élus de la Nation à notre défense et aux hommes et femmes qui servent notre pays parfois jusqu'au sacrifice suprême.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion