Intervention de Jean-Louis Carrère

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 8 octobre 2013 : 1ère réunion
Loi de programmation militaire 2014-2019 — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Jean-Louis CarrèreJean-Louis Carrère, président (renseignement) :

Le précédent Livre blanc de 2008 avait consacré la nouvelle fonction stratégique « connaissance et anticipation » et fait du renseignement une priorité. La création du coordonnateur national du renseignement, la fusion de la direction centrale des renseignements généraux (RG) et de la direction de la surveillance du territoire (DST) au sein de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), qui s'appellera dans quelques jours la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), ainsi que la création d'une académie du renseignement, ont renforcé les échanges entre les six services de la « communauté française du renseignement » : la DCRI, la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), la direction du renseignement militaire (DRM), la direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD), la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) et Tracfin.

La précédente loi de programmation militaire s'est traduite par une augmentation sensible des moyens humains et budgétaires, principalement au profit de la DGSE. En revanche, les programmes majeurs de renseignement militaire, comme les satellites MUSIS et CERES ont subi des retards très importants.

Enfin, les dysfonctionnements constatés à l'occasion de l'affaire Merah ont démontré qu'il fallait renforcer les moyens du renseignement intérieur, mais aussi prévoir un véritable contrôle parlementaire sur les services de renseignement, afin d'éviter une judiciarisation excessive.

Dans le prolongement du nouveau Livre blanc, qui érige le renseignement en priorité majeure, le projet renforce sensiblement les moyens humains et financiers des services de renseignement, et adapte le cadre juridique de leur action. Le chapitre 2 prévoit ainsi de renforcer la protection de l'anonymat des agents appelés à témoigner lors de procédures judiciaires, d'élargir l'accès des services de renseignement aux fichiers administratifs et de police judiciaire, d'autoriser l'accès des services au fichier des déplacements aériens (API), de créer un nouveau fichier sur les données des passagers aériens (PNR) et de clarifier le cadre juridique de la géolocalisation en temps réel.

Avec Michel Boutant et Jeanny Lorgeoux, nous nous sommes entretenus de ces mesures avec le coordonnateur national du renseignement, M. Alain Zabulon, avec le directeur général de la sécurité extérieure, M. Bernard Bajolet, avec le directeur du projet PNR, M. Evence Richard, ainsi qu'avec les représentants de la CNIL. Il est ressorti de ces auditions, comme des travaux du groupe de travail n° 4 de la commission chargée d'élaborer le Livre blanc, auxquels j'ai participé, qu'il fallait adapter le cadre juridique afin de renforcer l'efficacité d'action des agents des services de renseignement, tout en préservant le respect des libertés et droits fondamentaux. À cet égard, les représentants de la CNIL ont critiqué le nouveau fichier PNR, le jugeant inutile et soulevant des difficultés au regard de la protection des données personnelles. Ce fichier s'inspire d'une proposition de directive de la Commission européenne qui a fait l'objet d'un accord politique au Conseil mais qui a été rejetée par le Parlement européen. Les données PNR sont les données communiquées par un passager lors de la réservation d'un vol. Elles sont particulièrement utiles aux services de renseignement. Ainsi, lors de l'enquête sur Mohammed Merah, il est apparu que celui-ci avait effectué plusieurs séjours au Pakistan et en Afghanistan mais qu'il avait trompé la vigilance des services en effectuant plusieurs escales courtes. De plus, les compagnies aériennes françaises transmettent les données PNR aux États-Unis, au Canada et à l'Australie, en vertu d'accords conclus avec l'Union européenne, alors que nos propres services de renseignement ne peuvent y avoir accès. Nous vous proposerons plusieurs amendements pour renforcer les garanties relatives à la protection des données personnelles.

Jusqu'en 2007, la France était la seule démocratie occidentale à ne pas disposer d'un organe parlementaire dédié au contrôle des services de renseignement. La création en 2007 de la délégation parlementaire au renseignement a corrigé cette anomalie. En tant que membre de cette délégation, avec notre collègue Michel Boutant, je peux témoigner que, depuis plusieurs années, une véritable relation de confiance s'est nouée avec les services.

Cette délégation, à qui le projet confère un pouvoir de contrôle de la politique du gouvernement en matière de renseignement, sera informée de la stratégie nationale du renseignement et du plan national d'orientation du renseignement ; un rapport lui sera transmis tous les ans sur les crédits des services de renseignement. Le texte étend aussi la liste des personnes pouvant être auditionnées. Surtout, la commission de vérification des fonds spéciaux deviendrait une formation spécialisée de la délégation. Jusqu'à présent, les deux organismes étaient concurrents et la commission de vérification disposait de moyens plus importants que la délégation. Ces avancées sont importantes. Nous vous proposerons toutefois plusieurs amendements pour renforcer le contrôle parlementaire, en prévoyant que la délégation puisse auditionner les directeurs mais aussi les agents des services et connaître, sous certaines conditions, les opérations achevées.

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