Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nombre d’élus locaux de nos communes rurales, ou plutôt de nos petites communes, sont de véritables bénévoles de l’initiative publique, de la vie en société et du maintien du lien social. Ils sont indispensables pour que nos campagnes, nos villages, nos banlieues demeurent des lieux où les habitants ne se sentent pas isolés, oubliés, voire méprisés.
Depuis que la France en a fait le choix il y a plus de deux siècles, nous vivons dans un pays original, où le paysage communal est varié et divers, où nombre d’élus sont des salariés du public ou du privé, des chefs d’entreprise, des artisans, des commerçants, des agriculteurs, en activité ou à la retraite, qui donnent tous de leur temps pour que leur petite collectivité soit un espace de vie, d’échange, de dialogue. C’est ce qui fait aussi la richesse de la France.
Comme l’a rappelé notre collègue Gérard Le Cam, la très grande majorité des 36 769 communes de notre pays comptent moins de 2 000 habitants. Dans l’ensemble – ce n’est pas le cas, on le sait, dans tous les départements –, ces communes ont connu, ces dernières années, un développement démographique non négligeable. Les efforts accomplis dans le développement des services publics de proximité, de l’action sociale et culturelle, de l’assistance apportée aux personnes âgées n’y sont pas étrangers. Ces collectivités s’apprêtent d’ailleurs à prendre en charge les effets de la réforme des rythmes scolaires. Les collectivités locales, et singulièrement les petites communes, mènent cette action sans que leurs ressources correspondent aux coûts engendrés.
Dans le cadre de nos débats budgétaires, nous parlons souvent des collectivités locales de manière générale, notamment quand il s’agit de fixer le montant de la fameuse « enveloppe normée » des concours budgétaires de l’État aux collectivités. Chaque année, l’enveloppe subit une réfaction, une réduction, une diminution toujours présentée, selon le moment, au nom de la « maîtrise des finances publiques », de la « réduction des déficits », de la « solidarité entre collectivités » ou de la « péréquation horizontale », mais je pourrais citer bien d’autres expressions encore entendues durant ces dernières années.
Depuis vingt ans, la part de la dotation globale de fonctionnement dans les recettes des collectivités locales ne cesse de se réduire. J’invite mes collègues qui ne l’ont pas encore fait à regarder l’évolution de cette part dans leur collectivité. Or ce sont les collectivités qui assument les efforts et les sacrifices et qui assurent une péréquation horizontale au travers de la DSR ou de la DSU, dont l’augmentation ampute chaque année l’enveloppe des autres dotations.
J’ai entendu parler de pacte de confiance, mais je veux rappeler ici que nous ne partageons pas la conception de la réduction de la dépense publique qui préside à ce pacte. Ce dernier est, à notre avis, contre-productif si l’on veut redresser le pays. Tout le monde estime que les collectivités territoriales ont été des amortisseurs de la crise financière de 2008. Toutefois, on ne leur permet plus d’assurer dans de bonnes conditions ce rôle que, pourtant, on leur a reconnu.
Aujourd'hui, dans nos départements, nombre de communes rurales n’ont pas le minimum vital pour mener les projets ou les programmes qu’elles ont définis au sein de leurs conseils municipaux avec les habitants, pour répondre aux attentes de la population. Nombre d’entre elles n’ont plus les moyens de mener une politique qui sorte des seules dépenses obligatoires. D’ailleurs, on peut craindre que ces maires n’aient plus envie, au printemps prochain, de poursuivre l’aventure et leur mission au service de tous.
Ce « revenu minimum » des communes, comme nous l’appelons, est destiné à leur permettre d’agir, pour que notre société demeure vivable. D’autres dotations ont pour objet de répondre aux charges de centralité évoquées par certains de nos collègues. La question des critères à retenir pour les charges et les ressources doit être examinée pour d’autres dotations. Par cette proposition, nous nous sommes cantonnés à un aspect particulier des dotations de l’État.
Depuis vingt ans, la DGF a perdu une part importante de son pouvoir d’achat et, au sein de l’enveloppe normée, la hausse enregistrée depuis 2002 a été gagée sur la baisse des autres dotations, en particulier sur les compensations d’exonérations d’impôt correspondant à une politique fiscale nationale. Ces choix touchent d’ailleurs aujourd'hui à la fois les communes industrielles et celles dont les populations ont de faibles revenus.
Alors, que voulons-nous faire ?
Je l’ai dit, nous voulons assurer le minimum vital aux communes les plus modestes, et non les moins estimables de notre pays. Avec 9 000 euros, certaines communes verraient leur capacité d’autofinancement doubler, un projet se boucler ou pourraient envisager un investissement.
J’ai lu que notre proposition allait à l’encontre de la politique du Gouvernement en matière d’imposition, en bousculant notamment l’équilibre des prélèvements obligatoires.
Proposer que l’impôt sur les sociétés soit porté de 33, 3 % à 34 %, gage ici invoqué, serait trop élevé et non opportun. La vérité, c’est que nous ne serions qu’au douzième rang européen, avec un taux de 2, 5 % du produit intérieur brut, un taux inférieur à celui de la Grande-Bretagne et même de l’Irlande ! Le taux, c’est une chose, et certains ont tôt fait d’agiter notre fameux taux facial à 33, 33 % pour faire oublier que, entre dérogations, régimes spécifiques, report en arrière des déficits et modalités de calcul, notre pauvre impôt sur les sociétés est plus faible qu’au Royaume-Uni, pays pourtant réputé plus libéral, ou qu’au Luxembourg, paradis fiscal présumé !