Intervention de Yannick Botrel

Réunion du 10 octobre 2013 à 15h00
Réforme de la dotation globale de fonctionnement — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Yannick BotrelYannick Botrel :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi présentée par le groupe CRC relative à la réforme de la DGF des communes suscite l’intérêt du Sénat, assemblée des collectivités territoriales dont de nombreux membres siègent, ou ont siégé, au sein de conseils municipaux.

La question soulevée s’inscrit dans un double contexte : celui, fréquemment évoqué, des moyens budgétaires des collectivités territoriales et de leur évolution depuis quelques années ainsi que celui des finances publiques françaises dans leur ensemble, dont nous ne saurions faire abstraction.

La volonté du Gouvernement de redresser les finances de l’État suppose un effort collectif dont chacun doit prendre sa part et auquel les collectivités territoriales sont appelées à participer dès 2014.

La semaine passée, le ministre du budget, évoquant les orientations contenues dans le projet de loi de finances, a confirmé le chiffre maintes fois évoqué d’une économie de 1, 5 milliard d’euros à réaliser sur les dotations de l’État aux collectivités, ce qui a fait l’objet de discussions et d’un consensus avec la plupart des associations d’élus.

Face à une dérive constante dans la période récente, qui s’est traduite par un endettement accru avoisinant bientôt, si rien n’est fait, 1 900 milliards d’euros et 95 % du PIB, le rétablissement des finances publiques est une mesure essentielle qui nous concerne tous, sans exception.

Les communes, les intercommunalités, les départements, les régions, les collectivités en général, sont tout à la fois des acteurs de l’aménagement du territoire, des acteurs des nécessaires solidarités territoriales et aussi des donneurs d’ordre essentiels dans le domaine de l’économie dont les investissements, en particulier, sont attendus par le monde de l’entreprise partout en France. Rien de ce qui touche à leurs moyens financiers n’est donc anodin et ne saurait être traité sans réflexion globale.

Le préambule de la proposition de loi montre parfaitement la diversité des situations rencontrées en matière d’organisation communale dans notre pays. La France tire en partie l’originalité de son organisation administrative du grand nombre de communes qui composent son territoire : plus de 36 000, nous rappelle-t-on. Cette situation recouvre des disparités rappelées, là encore, dans le paragraphe liminaire précité. Le nombre d’habitants de ces communes peut en effet varier d’une dizaine à des centaines de milliers, voire davantage.

À cette disparité démographique s’ajoute la variation du nombre de communes par département : 272 dans le Finistère et 816 dans l’Aisne, par exemple. Lorsqu’on évoque l’organisation de base qu’est l’organisation communale, il n’est pas inutile de rappeler cette situation extrêmement hétérogène, qui conduit à de grandes disparités de cas sur le plan financier pour des communes de même strate de population au sein d’un même département.

Toutes ces communes n’ont pas les mêmes charges de fonctionnement, elles n’exercent pas toujours des compétences similaires, même si en théorie elles peuvent le faire, et elles ne disposent pas des mêmes moyens. J’insiste sur ces points pour mieux faire comprendre la complexité de la question posée d’une augmentation homogène de la DGF sans tenir compte de l’environnement budgétaire des collectivités concernées.

Je vais, si vous le permettez, évoquer le constat que j’ai pu dresser, dans les Côtes-d’Armor, à partir de ces situations pour le moins variées. Voilà quelques années, il m’a été demandé, en tant que vice-président du conseil général, d’élaborer au travers des contrats de territoire la politique de solidarité de l’assemblée départementale à l’égard des communes et des intercommunalités. D’autres conseils généraux nous ayant précédés, nous sommes allés par souci d’efficacité à la rencontre de trois d’entre eux : le Finistère, l’Ille-et-Vilaine et la Loire-Atlantique. Il nous est apparu lors de ces visites que ces conseils généraux ont introduit une variation de taux allant de 1 à 7 dans le montant de leurs aides aux collectivités infradépartementales, et ce en fonction de la richesse financière et de la situation de handicap des territoires. Cela montre bien que la situation est particulièrement contrastée.

Dans les Côtes-d’Armor, nous avons considéré que l’égalité, ce n’était pas traiter tout le monde de la même manière. Notre premier travail a donc consisté à dresser un état des lieux budgétaire et financier des communes. Or, je dois le dire, le résultat a été éloquent. Il existe des communes petites, moyennes, voire plus importantes qui sont pauvres, comme il en existe de riches. La présence sur le territoire communal de fermes éoliennes ou d’installations industrielles constitue parfois pour les collectivités des mannes substantielles. Des communes connaissent certes des difficultés, mais ce n’est heureusement pas le cas de toutes.

Ajoutons que les charges peuvent, elles aussi, être très variables en ce qui concerne tant le patrimoine bâti que la voirie ou les dépenses salariales.

Ajoutons encore que le paysage institutionnel a grandement évolué en peu d’années. Les intercommunalités ont pris à leur charge un certain nombre de politiques, et donc de dépenses de fonctionnement. Je pense en particulier aux ordures ménagères, poste dont les budgets communaux ont été déchargés d’autant. Cette situation a abouti, jusque dans une période récente, à conforter les finances des communes ; tant mieux pour elles !

La diversité des situations que je viens de décrire doit inciter à aborder la question posée avec une vision globale s’agissant de l’évolution tant des dotations, et de la DGF en particulier, que du mode de financement qui serait retenu le cas échéant.

Première hypothèse : le choix porterait sur une augmentation de l’impôt sur les sociétés. La situation de l’économie en France permet-elle aujourd’hui de faire peser cet effort sur les entreprises au moment où, dans le cadre européen et mondial, la question de leur compétitivité est posée ? Quant aux entreprises de nos territoires, nous savons à quelles pressions diverses elles sont parfois soumises. Il n’est que d’entendre les réactions du monde économique en Bretagne à propos de l’application de l’écotaxe ! En la matière, il convient de prendre garde à l’effet cumulatif émanant de différentes décisions.

Autre source de financement possible, en l’état actuel de la rédaction de la proposition de loi : l’augmentation de la DGF attribuée aux uns se ferait, au sein de l’enveloppe normée, au détriment des autres, dont j’entends d’ici les commentaires... Toute redistribution suscitera forcément des réactions fortes chez les perdants, à un moment où les mécanismes de péréquation entre collectivités vont monter en puissance dans leurs effets.

Attaché à l’autonomie financière des communes, le groupe socialiste considère que la question de la DGF mérite incontestablement d’être débattue. Il apparaît indispensable de l’examiner de façon approfondie et d’évaluer précisément et globalement les conséquences de toute réforme. Vous vous y êtes engagée il y a quelques instants au nom du Gouvernement, madame la ministre.

Notre groupe, considérant que la proposition de loi a le mérite de poser une question importante, s’abstiendra donc sur la motion tendant au renvoi à la commission.

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