Compte tenu de la conjoncture actuelle, ce n’est pas le moment. Celui-ci ne viendra d’ailleurs pas de sitôt, alors que notre économie décroche structurellement par manque de compétitivité.
Le Gouvernement vient d’ores et déjà de décider cette semaine, en contradiction avec son discours sur la compétitivité, d’augmenter l’impôt sur les sociétés pour remplacer son idée de nouvelle taxe sur l’excédent brut d’exploitation, à laquelle il vient de renoncer.
Une augmentation de l’impôt sur les sociétés était inopportune au moment où le groupe CRC a déposé sa proposition de loi. Elle l’est plus encore maintenant que le Gouvernement a utilisé la marge de manœuvre qu’il n’a pas.
Par ailleurs, l’approche des auteurs de la proposition de loi me paraît discutable à plusieurs égards. L’idée de « rééquilibrage » entre les territoires, qui apparaît dans le titre du texte, laisse ainsi à penser que certaines communes ne toucheraient pas assez parce que d’autres toucheraient trop. Quelles communes seraient aujourd’hui surdotées, alors que toutes vont subir la baisse des dotations après le gel de celles-ci ?
Chaque année jusqu’en 2017, et de façon cumulative, l’État amputera les dotations aux collectivités territoriales de 1, 5 milliard d’euros, ce qui représente plus de 3 % des dotations. Sur trois ans, cela fera 10 % ! Cette enveloppe normée, qui est de 50, 5 milliards d’euros en 2013, baissera de 3, 1 % chaque année jusqu’en 2017. À l’intérieur de cette enveloppe, la DGF baissera davantage encore : moins 3, 3 % chaque année. Cette mesure frappera encore plus durement les communes que les autres niveaux de collectivités territoriales.
Après l’annonce, en janvier, d’une réduction de 750 millions d’euros par an des dotations aux collectivités territoriales et celle en juillet du doublement de cette amputation annuelle, portée à 1, 5 milliard d’euros, les maires ont appris à l’issue du Comité des finances locales du 24 septembre et du Conseil des ministres du 25 septembre qu’ils allaient être les premiers visés.
Madame la ministre, vous déclariez le 26 septembre : « Même si les maires et présidents d’intercommunalités se plaignent de la disette, le bloc communal et intercommunal est, de tous les niveaux de collectivités, celui dont les ressources permettent le mieux de continuer à assumer ses responsabilités ». De nombreux maires, dont je suis, ne sont pas tout à fait de votre avis !
On sait bien que toutes les régions, à l’exception de l’Alsace, sont à gauche.
On sait bien que vous avez mis les départements dans la seringue financière, depuis la création, déjà sur votre initiative, de l’allocation personnalisée d’autonomie, sans aucune compensation, jusqu’à l’actuelle croissance continue des dépenses sociales, auxquelles on va pouvoir ajouter le cinquième jour hebdomadaire de transport scolaire, toujours sans aucune compensation.
Vous justifiez donc la restriction, d’abord, pour les communes et intercommunalités.
Les intercommunalités partent d’une situation un peu plus favorable que les communes, puisqu’elles bénéficient d’un meilleur régime, créé pour accompagner le mouvement de généralisation de l’intercommunalité engagé par la majorité précédente.
Les 36 000 communes, grandes ou petites, urbaines ou rurales, sont toutes égales devant la baisse de leurs moyens, une baisse plus forte que pour les autres niveaux de collectivités.
L’État cherche encore par tous les moyens à rogner les recettes des communes. On l’a vu, ce mois-ci encore, avec le Fonds de compensation de la TVA, le FCTVA.
Depuis 1976, l’État doit rembourser aux communes la TVA versée sur les investissements. Il le fait d’ores et déjà avec deux ans de différé. Pendant ce temps, les collectivités paient des intérêts, et l’État y gagne. Aujourd’hui, pour la première fois, il augmente la TVA en gelant le FCTVA afin de laisser à leur charge la part d’augmentation de la TVA. C’est inadmissible, et l’Association des maires de France a vivement protesté contre cette décision !
La baisse des recettes est également intenable, car la demande sociale augmente : d’abord, à cause de la crise, qui fait augmenter le besoin d’aide et de solidarité ; ensuite, à cause de l’évolution de la société, laquelle fait que nos concitoyens attendent toujours plus de la collectivité. Même en secteur rural, on veut les services de la ville en payant les impôts d’un village. Enfin, cette baisse est intenable à cause de l’État, parce que le Gouvernement, tout en réduisant ses moyens et ceux qu’il donne aux communes, laisse espérer à nos concitoyens des services nouveaux. Je citerai deux exemples.
Premier exemple : la ministre appelle à la création d’un service public universel de la petite enfance, ce qui est louable. Mais un service public universel, à l’instar de l’éducation nationale, relève de la responsabilité de l’État. Or c’est à la commune ou, si elle le délègue, à l’intercommunalité qu’en revient la responsabilité et la charge. Je peux vous dire, en tant que maire, que chaque place en crèche, après le financement de la CAF et la participation des parents, coûte encore 5 000 euros par an à la commune pour le seul fonctionnement, et sans l’investissement.
Au nom d’un service public universel, il serait demandé aux conseils généraux d’établir des schémas départementaux de la petite enfance. Au nom de quoi, au nom de quelle hiérarchie qui n’existe pas entre collectivités, le département imposerait-il à une commune la création d’une crèche sans la financer lui-même ?
Deuxième exemple de cette situation dans laquelle l’État crée le besoin, suscite la demande sociale et ne finance pas la dépense nouvelle : la réforme des rythmes scolaires.
L’Association des maires de France a estimé la dépense à 150 euros par enfant, soit 600 millions d’euros de dépenses supplémentaires à l’échelle nationale. Sur ces 150 euros par enfant, chaque année, de façon pérenne, l’État ne compense que 50 euros par enfant la première année. J’ai bien noté l’annonce par le Gouvernement d’une prolongation l’année prochaine de ce fonds d’amorçage, mais le compte n’y est pas : 250 millions d’euros ne compensent pas 600 millions d’euros, et le fonds d’amorçage n’est renouvelé qu’un an. Il faut le transformer en fonds de compensation pérenne et intégrale !
Le discours du ministre de l’éducation nationale a laissé espérer aux parents les activités culturelles et sportives les plus diversifiées et les plus riches. Il leur a laissé croire en l’aide au devoir la plus individualisée, laquelle nous est demandée par les parents... Même si, dans les textes, il ne crée aucune obligation pour les communes, il crée la demande.
Nos collectivités territoriales sont aussi contraintes à des dépenses nouvelles du fait des normes de l’État, quand ce n’est pas des fédérations sportives. Ces dépenses coûtent du temps de personnel et des investissements pour un résultat souvent sans rapport avec le besoin réel. Elles font parfois renoncer à des solutions alors trop onéreuses et incitent à ne rien faire face à des problèmes qui pourraient pourtant être réglés avec un peu de pragmatisme. On se rend compte que le mieux est souvent l’ennemi du bien. Je regrette donc que, même dans notre assemblée où prévaut le bon sens, la majorité ait rejeté l’article 1er de la proposition de loi Doligé, qui tendait à adapter les normes au contexte local.
Ce n’est pas en augmentant la DGF pour certaines communes, en la réduisant pour les autres et en les obligeant toutes à dépenser plus que nous créerons les conditions financières d’une bonne gestion communale au bénéfice de nos administrés.
Il faut d’abord que l’État cesse d’imposer des dépenses nouvelles.
Il faut ensuite qu’il maintienne le niveau global des dotations.
Il faut en outre qu’il n’ampute pas les ressources des collectivités, comme avec le FCTVA.
Il faut enfin, mes chers collègues, que nous appréhendions la DGF avec l’ensemble des dotations si nous voulons établir une équité entre niveaux de collectivités et entre les communes elles-mêmes.
Agissons avec un peu plus de discernement, comme l’a fait la précédente majorité. Nous avons en effet plus que doublé la DSR, elle-même assise sur des critères justes, au sens de la justice comme de la justesse. Je pense par exemple au kilométrage de la voirie communale ou encore au nombre d’enfants scolarisés, qui sont autant de vraies charges financières pour la commune, comme l’a justement rappelé le rapporteur. Si nous dégagions une marge de manœuvre, aussi infime soit-elle, nous devrions d’abord la mobiliser pour maintenir, voire renforcer la DSR, plutôt que d’abonder sans discernement la DGF.
Cette proposition de loi nous aura en tout cas permis d’avoir un débat sur le sujet. Il convient maintenant de l’élargir et de l’approfondir. Cependant, parce que ce texte ne présente pas la bonne approche et ne propose pas la bonne solution, mon groupe s’abstiendra.