À notre sens, l’article 1er est tout à fait opportun, car il propose de mettre un terme à une injustice territoriale que tout le monde a reconnue dans les débats précédents.
Tout d’abord, l’argument selon lequel tout prélèvement fiscal sur les entreprises nuirait à notre compétitivité n’est plus recevable. Nous ne sommes pas pour autant des tenants du « Y a qu’a » et du « Faut qu’on » ! Il va bien sûr s’en trouver quelques-uns pour critiquer un tel financement au nom d’une atteinte grave à la « compétitivité de nos entreprises ». Ce sont d’ailleurs les mêmes qui mettent en avant le coût du travail, qui serait trop élevé, et qui oublient que, ce qui grève notre économie et fragilise l’entreprise, c’est principalement le coût du capital.
S’il faut évoquer le dynamisme économique, rappelons que nos communes ne capitalisent pas, mais investissent chaque euro qui leur est versé. Outre leur soutien aux entreprises, elles sont elles-mêmes des agents économiques de premier plan, par le seul exercice de leurs compétences traditionnelles. Les flux financiers que produit l’accomplissement de leurs missions leur donnent une place importante dans l’économie locale, en tant qu’acheteurs réalisant d’ailleurs la majorité des commandes publiques, comme en tant qu’employeurs.
Il me semble donc juste de mettre en regard du modeste prélèvement sur les sociétés les bienfaits qu’en retirera l’ensemble de la population. Car le relèvement de l’impôt sur les sociétés que nous proposons est très limité, inférieur à 1 point ! Il ne devrait pas affecter outre mesure le fonctionnement d’entreprises qui, par ailleurs, bénéficient depuis quelques années de nombreuses exonérations, que la Cour des comptes juge d’ailleurs excessives et dont « l’efficacité quantitative reste incertaine ».
De surcroît, en utilisant l’impôt sur les sociétés, dont on sait qu’il est très faible pour les plus grandes entreprises, nous réintroduisons, fort modestement il est vrai, un peu de justice fiscale.
Ensuite, nous ne pouvons pas attendre ! Souvenez-vous, chers collègues, de la proposition de résolution du groupe du RDSE relative au développement par l’État d’une politique d’égalité des territoires, que nous avons adoptée à l’unanimité en décembre 2012. Nous avons appelé de nos vœux la nécessité de lutter contre l’aggravation de la « fracture territoriale » et l’accroissement des inégalités entre les territoires de la République, le besoin d’instaurer et de développer une politique volontaire d’égalité des territoires.
Dans l’attente d’une prochaine loi de programmation relative à la politique d’égalité des territoires, nous vous proposons dès aujourd’hui de passer de la résolution à l’action. Certes, il ne s’agit que d’un premier pas, nous en sommes bien conscients. Nous sommes tous d’accord pour que soit conduit un travail approfondi de préparation d’une refonte globale de la DGF. Mais devons-nous patienter encore plusieurs années quand, nous le savons tous, nos collectivités sont à bout de souffle ?
Ce texte survient au moment où l’Association des maires de France nous alerte sur les dépenses découlant de mesures prises par l’État, et sur lesquelles les collectivités n’ont aucune marge de manœuvre : réforme des rythmes scolaires, augmentation des taux de cotisations de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, augmentation de la TVA sur les services publics locaux ou encore contribution climat-énergie. L’association chiffre ces dépenses nouvelles à 2 milliards d’euros.
À ce sujet, je me suis livrée à un calcul édifiant sur l’application de la mesure proposée aux communes de mon département. Pour la plupart des communes de moins de 2 000 habitants, le gain généré permettrait d’absorber de façon pérenne le coût supplémentaire induit par le développement des activités périscolaires dans le cadre de la refonte des rythmes scolaires.
Enfin, il s’agit avant tout d’équité et de développement territorial.
Les communes constituent le pivot de l’organisation territoriale, le cœur battant de notre République. Elles sont le creuset historique de traditions et de transformations, des lieux de résistance, de projets et de décisions partagées… Elles sont des forces d’entraînement démocratique incomparables. Il serait donc impensable de se priver de cet atout unique en Europe, en leur retirant leurs compétences – l’exemple de l’obligation du plan local d’urbanisme intercommunal est édifiant à ce sujet – et en diminuant leurs ressources, et donc en organisant leur mort lente.
Ce serait une grave erreur de penser que l’avenir de notre pays va se compter sur les doigts de quelques métropoles. Il y a un intérêt mutuel entre les métropoles, qui se nourrissent des territoires ruraux, et inversement. Par exemple, 60 % de l’emploi industriel se concentre dans les communes de moins de 2 000 habitants. L’équilibre est donc à rechercher entre les territoires urbains, rurbains et ruraux. C’est cette démarche qu’entreprennent aujourd’hui plus d’une trentaine de départements, avec le concept de « nouvelles ruralités », sur l’initiative du président du conseil général de l’Allier. Ce dynamisme dans nos communes, dont vous êtes les témoins, mes chers collègues, a besoin d’être soutenu financièrement. Tel est le sens de notre proposition de loi.
Aujourd’hui, nous qui sommes les représentants des élus, mais aussi de l’ensemble de la population devons clairement montrer que, à l’écoute de toutes les composantes de notre territoire et de leurs représentants, nous passons de la parole aux actes en adoptant ce premier article tendant à un rééquilibrage plus juste et plus respectueux du financement des collectivités.