Avant de présenter la position du groupe UMP à l’endroit de cette proposition de résolution, je tenais, toutefois, à saluer le sens du timing de Mme Schurch et de nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen.
En effet, cette année fut riche en initiatives législatives afférentes au secteur ferroviaire : quatrième paquet ferroviaire européen, projet de loi de développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale, projet de loi relatif au ferroviaire en préparation. Je crois que des éclaircissements sont donc souhaitables de la part du Gouvernement, aussi bien sur ses intentions que sur son agenda.
Le 10 avril dernier, un projet de loi de développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale a été déposé sur le bureau du Sénat. À l’origine, ce projet de loi n’était que l’une des composantes du grand acte III de la décentralisation.
Aujourd’hui, nous sommes sans nouvelles de ce texte. Est-il abandonné ? Est-il simplement retardé ? Ou certaines de ses dispositions seront-elles réintégrées ultérieurement ? Cette question mérite une réponse claire, dans la mesure où le chapitre 1er comprenait un grand nombre de dispositions décisives quant à l’avenir du système ferroviaire national.
Ce projet de loi visait à donner davantage de compétences à la région en matière d’exploitation de lignes ferroviaires, à déléguer la gestion des infrastructures à des personnes qui ne sont pas elles-mêmes fournisseurs de service de transport ferroviaire et à donner aux régions la capacité de mettre en place des lignes interrégionales de transports terrestres routiers de voyageurs.
Toutes ces mesures visant à réaffirmer le rôle des régions comme autorités organisatrices des transports ne rencontraient pas dans notre groupe une opposition de principe. Aussi, nous voudrions savoir si nous aurons à les examiner un jour, et si oui, quand !
En effet, nous nous posons la question de la cohérence du chapitre Ier du projet de loi de développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale avec votre futur projet de loi relatif au ferroviaire, monsieur le ministre.
Toujours en ce qui concerne la cohérence des actes législatifs entre eux, nous sommes déroutés par l’articulation entre le quatrième paquet ferroviaire, que la Commission européenne a présenté le 30 janvier dernier, et ce fameux projet de loi.
D’après des documents rendus publics par la presse, il semble que les fonctions de gestionnaire d’infrastructure du réseau ferré national, aujourd’hui réparties entre RFF, SNCF Infra et la DCF, la direction de la circulation ferroviaire, seront regroupées au sein d’une entité unique, un gestionnaire d’infrastructure appelé SNCF Réseaux.
Nous nous interrogeons donc sur la conformité de cette disposition législative avec la proposition de la Commission européenne, qui prévoit que la séparation institutionnelle entre les gestionnaires de l’infrastructure et les entreprises ferroviaires devienne la règle applicable par défaut dès l’entrée en vigueur de la directive.
Je pense que le Gouvernement devra choisir entre le quatrième paquet ferroviaire et son projet de loi relatif au ferroviaire : on ne peut pas voter tout et son contraire à six mois d’intervalle ! Aussi, cette proposition de résolution, dont le premier élément porte sur le quatrième paquet ferroviaire, soulève selon moi de bonnes questions, mêmes si les réponses que chacun attend ou espère sont sans doute bien différentes.
Pour notre part, nous n’avons pas d’a priori idéologique sur la question. Nous ne considérons donc pas que la libéralisation soit un gage d’efficience économique ou que, au contraire, elle soit forcément nuisible au respect d’un service public. Aussi, même si nous admettons certaines réserves en ce qui concerne la libéralisation des marchés nationaux du transport de voyageurs, nous y sommes favorables, de façon pragmatique.
En effet, la situation de monopole dans laquelle se trouve aujourd’hui la SNCF ne pourra pas être maintenue éternellement. À l’heure où nos partenaires européens ouvrent à la concurrence leurs marchés nationaux, il devient intenable, pour la France, de laisser perdurer cette situation asymétrique.
De plus, sommes-nous certains que le caractère monopolistique de la position de la SNCF sur le marché du transport de voyageurs soit une réussite en termes de satisfaction des voyageurs, de rentabilité et de service public ?
Qu’avons-nous aujourd’hui ? Des lignes à grande vitesse aux tarifs prohibitifs, des lignes secondaires parfois indignes d’un pays occidental, des petites gares qui ferment, avec, à la clé, une dette cumulée de 40 milliards d’euros pour RFF et la SNCF.
Nous soutiendrons donc cette libéralisation du transport de voyageurs, tout en restant pragmatiques, car on a vu, lors de la libéralisation du fret, comme le souligne le rapport d’information sur les enjeux du quatrième paquet ferroviaire présenté par Roland Ries en juillet 2013, combien les conséquences étaient différentes selon les pays.
En France, la libéralisation doit être examinée, à mon sens, d’abord sur le plan social, pour avoir une chance de réussir sur le plan économique, en conservant en toile de fond, bien évidemment, l’impératif de sécurité, qui doit être le fil rouge de toute la démarche. Je me permets d’insister sur ces trois points, monsieur le ministre, par expérience sur ce sujet.
Sur le plan économique, nous savons tous que lorsqu’un marché est ouvert à la concurrence, les nouveaux entrants se positionnent sur les liaisons rentables, les liaisons non rentables étant ipso facto privées de financement. L’une des conditions de la réussite de la libéralisation – je suis d’accord sur ce point avec les précédents orateurs – concernera donc les réseaux de lignes faisant l’objet d’obligations de service public, avec globalisation de la rentabilité de différentes lignes à l’intérieur d’un même contrat de service public, afin de ne pas abandonner les petites lignes, comme l’ont souligné les orateurs précédents.
De plus, cette libéralisation devra se faire dans des conditions optimales, permettant l’existence d’une véritable concurrence. Il faut donc une harmonisation des niveaux d’imposition, de contribution au financement des infrastructures, de prise en compte du bruit et de la pollution, ainsi que des conditions salariales, faute de quoi le jeu serait faussé.
Dans ce cadre, le groupe UMP est favorable à la libéralisation des marchés de voyageurs, même si nous sommes réservés concernant certaines dispositions du texte de la Commission, pour lesquelles il faudra apporter des garanties.
L’autre grand point que nous voulons aborder concernant le quatrième paquet ferroviaire est la séparation voulue par la Commission entre les activités de gestion des infrastructures et les activités d’entreprise ferroviaire.
Pour la Commission européenne, cette séparation est un préalable indispensable à une libéralisation équitable. À ce sujet, nous comprenons les arguments de la SNCF. Cependant, dans un secteur d’activité aussi singulier que le rail, où le contrôle des infrastructures et sa gestion déterminent l’offre des exploitants de services de transport ferroviaire, il sera à l’avenir difficile de maintenir des entreprises aussi verticalement intégrées que la SNCF. Il s’agit en effet d’offrir à toutes les entreprises un accès non discriminatoire au réseau ferré.
À cet égard, il faut préciser que la Commission n’exclut pas qu’une structure verticalement intégrée, en holding, puisse aussi assurer l’indépendance requise, mais sous réserve que des murailles strictes garantissent la séparation juridique, financière et opérationnelle nécessaire entre les entités.
Pour nous, cette séparation institutionnelle entre les gestionnaires de l’infrastructure et les exploitants de services de transport ferroviaire doit être considérée comme une chance pour la SNCF de rationaliser ses activités et la nature des liens qu’elle entretient avec RFF.
Le quatrième paquet ferroviaire comprend également un volet consacré à l’Agence ferroviaire européenne, qui deviendrait l’interlocuteur unique chargé, pour l’ensemble de l’Union européenne, de la délivrance des autorisations de mise sur le marché des véhicules et de la certification en matière de sécurité des opérateurs. Cette mesure devrait, je l’espère, rencontrer l’adhésion du plus grand nombre.
Pour conclure sur le quatrième paquet ferroviaire, le groupe UMP considère, même si toutes les précautions n’ont pas encore été prises, que celui-ci devrait permettre, en libéralisant le transport de voyageurs, d’améliorer les services délivrés aux usagers et de participer à la nécessaire réorganisation de la SNCF.
En ce qui concerne le projet de loi ferroviaire en préparation, le groupe UMP souhaite une clarification de la politique publique ferroviaire que souhaite engager le Gouvernement. J’ai commencé mon intervention en évoquant l’empilement des initiatives législatives afférentes au ferroviaire, mais aussi la contradiction de certaines dispositions entre elles.
En effet, vous prévoyez que les fonctions de gestionnaire d’infrastructure du réseau ferré national, aujourd’hui réparties entre RFF, SNCF Infra et la DCF, soient regroupées au sein d’une entité unique, un gestionnaire d’infrastructure appelé SNCF Réseaux. Dans ces conditions, comment intégrerez-vous la proposition de la Commission européenne prônant la séparation institutionnelle stricte entre les gestionnaires de l’infrastructure et les entreprises ferroviaires ?
Autre disposition inquiétante à nos yeux, la réponse apportée à l’endettement des opérateurs nationaux. Vous proposez en effet que l’État affecte une partie des résultats de SNCF Mobilités au redressement du gestionnaire d’infrastructures.
Plus étrange encore, la rédaction envisagée pour le futur article L. 2102-17 du code des transports. Il est prévu que « la SNCF perçoit un dividende sur les résultats de SNCF Mobilités ». Après cela, il sera difficile de parler de séparation institutionnelle entre SNCF Réseaux et SNCF Mobilités !
Dans ces conditions, vous comprendrez que nous ne pouvons nous associer à la demande du groupe CRC, qui souhaite voir le projet de loi relatif au ferroviaire inscrit rapidement à l’ordre du jour.
En ce qui concerne l’offre de wagon isolé, qui devrait, si l’on se réfère à cette proposition de résolution, être déclarée d’intérêt général, nous considérons que la représentation nationale n’est pas forcément la plus qualifiée pour se prononcer sur les stratégies commerciales des opérateurs.
En outre, Fret SNCF a annoncé avoir complété son offre de wagon isolé par un nouveau système dit « multi-lots multi-clients », visant à assurer des prestations de bout en bout sur les axes qui s’étendent au-delà des frontières hexagonales. En la matière, faisons confiance à nos responsables du fret !
S’agissant du maintien durable d’une entreprise nationale des chemins de fer à statut intégralement public, ainsi que de la reprise de la dette du système ferroviaire par l’État et de la recherche de nouveaux financements pour le service public ferroviaire, afin de garantir son efficacité, nous souhaitons affirmer notre ferme opposition à ces deux objectifs.
Je terminerai mon intervention en évoquant une reconnaissance renforcée des régions comme autorités organisatrices et un éventuel désengagement de l’État. Là encore, nous pourrions comprendre les craintes de nos collègues du groupe CRC, mais nous sommes, comme eux, dans l’attente de l’examen du projet de loi de développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale !