Intervention de Vincent Capo-Canellas

Réunion du 10 octobre 2013 à 15h00
Maîtrise publique du système ferroviaire national — Rejet d'une proposition de résolution

Photo de Vincent Capo-CanellasVincent Capo-Canellas :

Pour introduire ce sujet, j’insisterai sur notre attitude, dont les mots d’ordre doivent être lucidité et adaptation.

Gardons-nous bien d’adopter une attitude défensive vis-à-vis de l’Union européenne. Je ne voudrais pas que nous donnions toujours le sentiment de ne vouloir appliquer les normes européennes que contraints et forcés. Afficher quasi systématiquement notre désaccord avec les objectifs n’est pas la bonne méthode ; il vaudrait mieux discuter clairement des modalités.

Je comprends l’inquiétude du monde cheminot. Bien évidemment, le dialogue social est la clef, mais s’adapter est plus que nécessaire. Quand Bruxelles nous alerte pour nous signifier que nous risquons de ne pas être prêts pour l’ouverture du système ferroviaire à la concurrence, nous nous disons qu’il faut véritablement passer à la vitesse supérieure, que la SNCF doit s’adapter pour être enfin prête à cette évolution. La repousser toujours dans les esprits, ce n’est pas rendre service aux cheminots, bien au contraire.

L’ouverture de notre système ferroviaire à la concurrence doit être préparée. En achevant un espace ferroviaire unique en Europe, ce quatrième paquet a bien évidemment comme objectif majeur de construire l’Europe du rail, de faciliter les déplacements sur tout le continent et de développer l’offre de transport ferroviaire.

Cet ensemble de directives et de règlements contient en effet de nombreuses dispositions qui répondent à ces objectifs. Concentrons-nous sur ce point. Avancer vers l’interopérabilité des systèmes ferroviaires sous le contrôle d’un régulateur indépendant est un élément essentiel du marché ferroviaire unique européen.

Pour la raison que vous savez, je n’ai pu entendre que la conclusion du propos de Francis Grignon. Je partage l’essentiel de son point de vue sur cette nécessaire adaptation. En particulier, sujet délicat, faut-il, ou non, permettre de procéder à l’avenir à des embauches hors statut ? Sans doute cette question est-elle quelque peu provocatrice, mais elle doit être posée : les coûts pourront-ils continuer à être de 30 % supérieurs à ceux du marché ? Le cas échéant, nous risquerions d’être hors jeu, ce qui ne serait pas rendre service aux cheminots : si nous restions en dehors des prix du marché, c’est l’emploi qui s’en trouverait pénalisé.

Nous devons faire face à de nombreux problèmes, en particulier celui de l’endettement, particulièrement préoccupant, qui n’a pas été résolu. L’ouverture du trafic de voyageurs à la concurrence nous obligera à les régler rapidement si nous voulons être au niveau des autres opérateurs européens. De même, l’amélioration de la performance globale du réseau et de la productivité des acteurs du ferroviaire est indispensable ; nous ne pourrons pas la repousser indéfiniment.

L’ouverture à la concurrence est sans doute inéluctable ; mieux vaut s’y préparer lucidement, avec le monde cheminot. Le vrai courage, aujourd’hui, c’est inviter à ces adaptations et non les contourner. Elles sont certes douloureuses, mais c’est l’avenir du système ferroviaire qui est en cause. Il ne faut pas toujours s’y opposer ; au contraire, il importe d’en négocier les modalités d’application. Monsieur le ministre, cela doit être votre maître mot à Bruxelles. Je ne voudrais pas que vous vous retrouviez dans cette situation bizarre qui verrait le quatrième paquet éventuellement contredire le futur projet de loi que vous allez nous soumettre. Après avoir attendu si longtemps, ce serait dommage…

Il est nécessaire que soient entreprises les réformes permettant une amélioration de la performance de l’opérateur historique, une optimisation de l’offre de transport ferroviaire et une efficacité accrue de l’organisation du travail. C’est ce sur quoi il faut maintenant se concentrer. La réforme, centrée sur la gouvernance, aborde peu ces questions. Il faudra y revenir.

Monsieur le ministre, s’agissant de cette réforme de la gouvernance, vous savez le scepticisme que m’inspire un système à trois acteurs. Je crains que l’un des trois ne soit une coquille vide et que, finalement, au lieu d’avoir deux entreprises ayant tendance à se tirer quelque peu le maillot, on en ait trois qui se disputent. J’espère que vous pourrez nous rassurer sur ce point, parce que les cheminots n’attendent pas de nous que nous élaborions un système complexe, illisible et inefficace, pour eux comme pour nous.

Les enjeux sont forts : la ponctualité, le confort, le service et le prix acquitté par les voyageurs. Monsieur le ministre, je vous remercie des éclairages que vous pourrez nous apporter. Nous attendons beaucoup de vos réponses.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion