Intervention de Jean Germain

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 15 octobre 2013 : 1ère réunion
Economie sociale et solidaire — Examen du rapport pour avis

Photo de Jean GermainJean Germain, rapporteur pour avis :

Le projet de loi relatif à l'économie sociale et solidaire a pour ambition de définir le périmètre précis de ce secteur, de faciliter la transmission d'entreprises à leurs salariés, de moderniser le régime des coopératives et d'aménager l'environnement juridique des mutuelles, institutions de prévoyance, associations, des fondations, fonds de dotation, structures d'insertion par l'activité économique. Quatre commissions du Sénat ont souhaité en être saisies : commission des affaires économiques, saisie au fond, commission des lois, commission des affaires sociales et commission des finances. J'ai donc limité le champ de notre saisine pour avis aux dispositions qui relèvent évidemment de notre compétence.

Il s'agit d'abord de celles relatives aux sociétés d'assurance, aux mutuelles et aux institutions de prévoyance, et en particulier de la création de titres financiers spécifiques. Ils sont dénommés certificats mutualistes s'ils sont émis par des sociétés d'assurance mutuelle, qui relèvent du code des assurances, ou par des mutuelles, qui relèvent du code de la mutualité. Ce sont des certificats paritaires s'ils sont émis par des institutions de prévoyance, qui relèvent du code de la sécurité sociale. Le but est de renforcer les fonds propres de ces organismes, en tenant compte de trois exigences : respect des principes mutualistes, satisfaction des critères prudentiels, protection des épargnants.

Les certificats ne donnent ni droit de vote supplémentaire en assemblée générale, ni droit sur l'actif net de l'émetteur. Les mutuelles sont des sociétés de personnes. Le présent texte leur applique des outils venant d'autres horizons, pour leur permettre d'augmenter leurs fonds tout en respectant leur nature. Les souscripteurs seront uniquement des personnes liées par une affectio societatis directe ou indirecte à l'émetteur : sociétaires, membres participants, adhérents, assurés des organismes membres du même groupe que l'émetteur, et tous organismes d'assurance mutualistes ou paritaires. Je vous présenterai sur ce point un amendement d'harmonisation entre les différents types de certificats. La souscription visant d'abord à soutenir l'émetteur, la rémunération des certificats est plafonnée à une fraction des résultats, par un système qui sera défini par décret et lissé dans le temps.

Pour pouvoir être comptabilisés intégralement dans la couverture des engagements de l'assureur, les fonds doivent avoir un caractère de permanence : l'émetteur ne doit pas être obligé de rembourser ou de racheter les titres, ceux-ci doivent éventuellement absorber les pertes d'exploitation et la rémunération doit être flexible. C'est le cas des certificats : rémunération décidée discrétionnairement par l'assemblée générale, capital subordonné, pas de remboursement sauf en cas de liquidation de l'émetteur et après désintéressement de l'ensemble des créanciers, rachats par l'émetteur à la valeur nominale, facultatifs, contingentés et sous le contrôle de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) ; enfin, pas de cession de gré à gré. Pour les rachats, le projet de loi définit un ordre de priorité : je vous proposerai à ce sujet un amendement d'harmonisation.

Le projet de loi renvoie aux obligations, telles que définies le code des assurances et le code de la sécurité sociale, touchant certaines opérations de capitalisation. Je vous proposerai un amendement visant à clarifier et renforcer ces dispositions. La détention de tels titres est particulièrement contraignante pour les souscripteurs : nous ne voulons pas créer des subprimes... Assorti de mes amendements, le dispositif est équilibré, étant entendu que les titres ne rémunéreront sans doute pas l'intégralité du risque porté par les détenteurs. Cet investissement est avant tout un acte volontaire et militant.

Le texte favorise aussi le développement de la coassurance : plusieurs assureurs pourront proposer ensemble un contrat pour couvrir un risque excédant les capacités de chacun, à l'instar de ce qui se pratique déjà en matière de risques industriels. Avec la loi du 14 juin 2013 est apparue la nécessité d'étendre la coassurance au secteur de l'assurance des personnes. Aujourd'hui les règles sont différentes selon les catégories d'intervenants, qui ne peuvent, dès lors, s'associer à une même opération de coassurance. L'article 34 met en cohérence leurs obligations - information précontractuelle, notice d'information, clauses bénéficiaires, facultés de renonciation et de résiliation, délais de prescription et interruption de la prescription, poursuite de la garantie en cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires de l'employeur.

La possibilité de recourir à la coassurance est particulièrement nécessaire pour les mutuelles, dont la taille et le champ géographique ne correspondent pas toujours à l'ampleur des contrats de branche : certaines mutuelles, régionales, rencontrent des problèmes pour passer des contrats nationaux.

Les principes de gouvernance propre au secteur mutualiste sont préservés : les salariés couverts par de tels contrats bénéficient du statut de sociétaire et d'adhérent de chacune des sociétés d'assurance mutuelle participant à l'opération de coassurance. Le dispositif proposé constitue un progrès, même si la gouvernance de ces organismes risque d'être compliquée par l'augmentation du nombre de sociétaires ou d'adhérents.

En outre, nous devons émettre un avis sur certaines dispositions relatives aux associations, aux fondations et aux fonds de dotation, regroupées au sein des titres V et VI du projet de loi. Les associations sont autorisées à émettre des obligations depuis 1985. Les titres associatifs ne sont remboursables qu'à la seule initiative de l'émetteur : ce sont donc quasiment des fonds propres. En outre, quand il n'est pas fait appel public à l'épargne, les obligations émises par les associations sont rémunérées à un taux plafonné, qui est la somme du taux moyen du marché obligataire (TMO) du trimestre précédent et d'une rémunération définie par arrêté et qui ne peut excéder 3 %. Les associations font peu usage de ces titres, qui restent mal connus des investisseurs. Ceux-ci sont rebutés par les incertitudes sur la date et sur l'occurrence même du remboursement. Si bien que seules quelques dizaines d'opérations ont été réalisées depuis l'origine.

L'article 40 vise à donner un nouveau souffle à ce mode de financement en faisant des titres associatifs des instruments plus conformes aux pratiques du marché. Il borne l'horizon de remboursement ; désormais les contrats d'émission pourront prévoir le remboursement à une échéance déterminée, au moins sept ans, dès lors que les excédents constitués depuis l'émission, déduction faite des éventuels déficits constitués durant la même période, dépassent le montant nominal de l'émission. Ces nouveaux titres, à durée déterminée, pourront inclure une rémunération additionnelle à définir par arrêté dans la limite de 2,5 %. Ainsi, le taux maximal de ces dernières opérations pourrait s'établir, dans les conditions actuelles de taux, à 7,3 %. Je suis favorable à ces dispositions, mais vous proposerai un amendement destiné à mieux encadrer les émissions.

L'article 47 octroie aux fondations le droit d'émettre de tels titres : j'y suis favorable. Quant à l'article 46 relatif aux fondations d'entreprises, il prévoit que les mandataires sociaux, sociétaires, adhérents ou actionnaires de l'entreprise fondatrice pourront effectuer des dons à ces structures, à l'instar de leurs salariés. Ces dons seront-ils déductibles fiscalement ? La loi ne le dit pas et c'est à une prochaine loi de finances qu'il reviendra de trancher cette question. Pour l'heure donc, seuls les dons des salariés sont déductibles. Je n'ai pas d'opposition à formuler sur l'article.

Les articles 41 et 42 définissent le droit applicable en cas de fusion ou de scission d'associations - les fusions sont de plus en plus fréquentes. Je suis très favorable à l'adoption de ces articles, qui combleront un vide juridique : actuellement, deux associations qui se fondent en une nouvelle doivent repartir à zéro, en abandonnant tous les agréments ou toutes les autorisations dont elles disposent. C'est un obstacle parfois dirimant à la rationalisation du paysage associatif. Ce texte ne contient pas de dispositions fiscales stricto sensu. Cependant, après l'adoption du texte, l'administration fiscale pourra étendre à ces opérations le régime de sursis d'imposition et de droits de mutation forfaitaires applicables aux fusions de sociétés. Il faudra veiller à ce que la direction de la législation fiscale (DLF) s'empare bien du sujet.

L'article 48 propose une légère modification des conditions de création des fonds de dotation, introduits par la loi de modernisation de l'économie de 2008. Ces outils se caractérisent par leur grande simplicité de fonctionnement par rapport aux traditionnelles fondations reconnues d'utilité publique. Sans remettre en cause cet atout, l'article 48 vise à éviter que se multiplient des fonds dormants en proposant d'instaurer une dotation minimale au moment de la création d'un fonds, dont le montant serait fixé par décret. L'étude d'impact précise que le Gouvernement envisage un montant de 25 000 euros. Je n'ai pas d'opposition particulière à cela mais vous proposerai un amendement encadrant le pouvoir réglementaire.

Sous réserve de l'adoption de ces amendements, je vous inviterai à émettre un avis favorable à l'adoption du projet de loi.

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