Comme vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur pour avis, la directive du 16 décembre 1996 était censée réglementer cette pratique. Il s’agissait de concilier la libre circulation des travailleurs en Europe, que tout le monde souhaite, avec une harmonisation sociale. Vous avez évoqué la possibilité d’un SMIC européen, monsieur le ministre : même si nous en sommes encore très loin, je note avec satisfaction votre volonté d’avancer dans ce sens.
La directive impose ainsi aux entreprises qui envoient leurs salariés dans un autre État de respecter les conditions de travail s’appliquant dans le pays d’accueil. Les exemples qui viennent d’être donnés montrent bien que nombre d’entreprises détournent ce système, notamment en matière de salaires, de congés payés ou de repos obligatoire.
Pourtant, les différents bilans de l’application de cette directive, réalisés par la Commission européenne et les services de contrôle nationaux – notamment ceux de notre pays – ont mis en exergue de nombreux dysfonctionnements et une explosion des cas de fraude. Le détachement des travailleurs est en effet de plus en plus utilisé pour employer des salariés à moindre coût dans les pays, comme le nôtre, où les charges salariales sont élevées.
Cette pratique s’est malheureusement accentuée avec l’élargissement de l’Union européenne aux pays de l’est européen et avec la crise économique. « À vos problèmes de main-d’œuvre, nous avons la solution ! Économisez 30 % grâce à l’Europe et au détachement de personnel ». Cette publicité roumaine diffusée en France résume assez bien les dérives de la législation européenne.
Les entreprises n’hésitent pas à faire appel à une cascade de sous-traitants – jusqu’à douze échelons –, avec ces sociétés « boîtes aux lettres » qui n’ont, en fait, aucune activité réelle au sein du pays. L’afflux de « faux indépendants » a également contribué au contournement des règles communautaires.
Pour mettre fin à ces dérives, le commissaire européen aux affaires sociales, Laszlo Andor, a proposé, en mars 2012, de renforcer l’application de la directive de 1996. Ce texte, comme il a été souligné, est toujours en négociation, car il est loin de faire l’unanimité. S’il comporte en effet des points positifs, nul doute qu’il ne va pas assez loin ! La proposition de résolution européenne que nous examinons cet après-midi me paraît, à ce titre, tout à fait pertinente.
Sur la responsabilité solidaire du donneur d’ordre, monsieur le rapporteur pour avis, vous proposez de limiter la chaîne de sous-traitance à trois échelons. Nous pensons que c’est une très bonne mesure.
S’agissant du contrôle, le texte de la Commission européenne prévoit une liste précise des mesures que peut imposer l’État d’accueil à une entreprise étrangère. Plusieurs pays, dont la Grande-Bretagne et la Pologne, souhaitent limiter les obligations qu’un État peut imposer à une entreprise ayant recours au détachement. Ils refusent que l’inspection du travail du pays d’accueil ajoute des exigences à celles qui sont énumérées dans le texte et réclament que les contrôles en vigueur dans les États soient soumis à l’aval de la Commission européenne.
Pourtant, si nous voulons lutter efficacement contre la fraude, je pense qu’il serait, au contraire, préférable que cette liste de mesures de contrôle soit ouverte, comme vous l’avez suggéré, monsieur le ministre.
Les auteurs de la résolution préconisent que, dans le cadre du renforcement de la coopération administrative entre les États membres, ces derniers répondent dans un délai d’un mois – et non de quinze jours – après la réception d’une demande d’information d’un de leurs partenaires. Elle recommande également la révision du règlement sur l’affiliation au régime de sécurité sociale de l’État d’envoi, ce qui permettrait de limiter les pratiques d’optimisation sociale.
L’ensemble de vos propositions, monsieur le rapporteur pour avis, répond à la nécessité de lutter contre toutes les formes de concurrence déloyale résultant de l’arrivée massive d’entreprises étrangères qui bafouent la réglementation en vigueur et les droits des salariés.
Aussi les sénateurs du RDSE ne voient-ils pas de raison de s’opposer à cette résolution présentée au nom de la commission des affaires européennes : c’est pourquoi ils lui apporteront leur soutien de façon unanime.