En effet, la directive de 1996, celle de mai 2012 et la proposition de résolution que nous examinons aujourd’hui se concentrent exclusivement sur les moyens de contrôle des États. Nous parlons aujourd’hui des normes en matière de détachement des travailleurs et non pas du détachement des travailleurs à proprement parler. Ainsi, nous nous efforçons de limiter les effets négatifs, sans ouvrir aujourd’hui le débat sur les causes, même si vous l’avez abordé, monsieur le ministre, tout comme Mme la présidente de la commission des affaires sociales et M. le rapporteur pour avis.
Or ce qui pousse les employeurs à avoir aujourd’hui recours à une main-d’œuvre bon marché – low cost pour les amateurs d’anglicismes, « soldée » pour Mme la présidente de la commission des affaires sociales – c’est la dérégulation forcenée du monde du travail qui touche actuellement tous les pays d’Europe, en particulier les plus fragiles d’entre eux.
Ce qui pousse 65 % des employeurs du bâtiment à déclarer, dans un sondage de juillet 2011 du journal Le Moniteur, que le secteur du bâtiment ne peut pas se passer de main-d’œuvre étrangère, c’est bel et bien le dumping social dont nous subissons en France les effets dévastateurs !
Bien que tous les secteurs soient touchés, comme M. le ministre nous l’a rappelé, j’ai choisi de concentrer mon discours sur le bâtiment, car c’est un secteur particulièrement représentatif des tensions liées à la mobilité des travailleurs. En effet, selon une étude INSEE de 2011, quelque 16 % des postes dans le BTP sont occupés par des étrangers. Les estimations de la CGT, quant à elles, se rapprochaient plus de 30 %, voire de 40 % à la même date. Le nombre de salariés étrangers dans ce secteur varie ainsi entre 200 000 et près de 600 000, selon l’estimation retenue.
Ce recours massif au détachement s’explique par les différences importantes qui subsistent entre les différents systèmes de sécurité sociale en Europe. À titre d’exemple, dans le secteur du BTP, si les cotisations patronales s’élèvent à plus de 50 % en France pour des ouvriers peu qualifiés, elles tombent à 20 % en Pologne.
Cet écart flagrant représente une source d’économies substantielle pour les employeurs. On peut, certes, en appeler à leurs responsabilités, mais, force est de le constater, quand le profit est en cause, ils ne sont que quelques-uns à faire preuve de responsabilité... S’agissant de l’affiliation au régime de sécurité sociale, c’est, en effet, le maintien du régime du pays d’origine qui prévaut. Ainsi, certains pays deviennent de véritables paradis sociaux pour les employeurs soucieux de réduire leurs coûts de personnel.
Au-delà de la nécessaire évolution de la législation pour le contrôle des détachements, ce constat doit nous interroger sur les grandes disparités qui subsistent au sein même de l’Union européenne et qui doivent être combattues pour faire progresser l’envie d’Europe parmi les peuples.
Les écologistes appellent à une coordination, à une harmonisation des systèmes de sécurité sociale en Europe. Contrairement aux chantres de l’ultralibéralisme, nous envisageons cette protection sociale de façon exigeante, au plus haut, afin que l’Europe soit un véritable moteur de progrès social. Oui, nous souhaitons maintenir le progrès social !