Un sujet qui paraissait encore tabou il y a dix-huit mois va ainsi être prochainement discuté par les Vingt-huit.
C’est une question très importante, car ce que vous proposez aujourd’hui en matière d’outils pour lutter contre le dumping à travers l’approfondissement de la directive sur les travailleurs détachés ne répondra pas à toutes les formes de concurrence.
Tant que nous n’aurons pas un salaire minimum de l’autre côté de la frontière – cela fait aussi écho aux propos de M. Reichardt –, il y aura une forme de concurrence déloyale à quelques kilomètres de chez nous.
Je pense notamment à tous les élus de Bretagne, qui, à juste titre, ont à de nombreuses reprises porté dans les assemblées la question du devenir de la filière des abattoirs, aujourd’hui menacée parce que ces pays qui n’ont pas de salaire minimum emploient à des coûts imbattables des salariés venant d’autres pays.
Je ne suis pas en mesure de vous donner des chiffres à l’euro près. Néanmoins, en Allemagne, les discussions avancent plus vite que jamais pour que, dans ces filières, notamment l’agroalimentaire, un salaire minimum puisse être arrêté d’ici à quelques mois. Il s’agit d’aller vers un salaire minimum interprofessionnel et non par branche, comme cela est la tradition dans certains pays. Ces débats sont le fruit de la proposition du 30 mai dernier, et les éléments que j’apporte sont tout à fait complémentaires de votre proposition d’aujourd’hui.
Monsieur Reichardt, aux interrogations que vous avez exprimées, j’ai fourni un début de réponse, mais vous pourrez également trouver satisfaction avec l’article 3 de la proposition de la Commission.
À la tribune tout à l’heure, vous regrettiez, à juste titre, une situation de concurrence totalement déloyale dans le domaine des activités agricoles saisonnières. C’est là un véritable point d’achoppement. En effet, aujourd’hui des salariés issus d’autres pays de l’Union européenne sont employés pour des activités saisonnières, sous le statut de travailleurs détachés.
Or le statut de saisonnier ou de travailleur détaché n’ouvre pas droit en principe aux mêmes prestations sociales, le premier bénéficiant des règles du pays d’accueil, le second conservant son rattachement à son pays d’origine. Il y a, à la clef, une différence financière substantielle.
Ainsi, le texte de la Commission ne permet plus de recourir à des travailleurs détachés pour exercer des activités saisonnières. L’article 3 indique que des faisceaux d’indices permettent de déterminer si le statut des salariés des activités saisonnières dans l’agriculture est le bon. En effet, la proposition prévoit une obligation de recourir au statut de saisonnier pour ces activités, un statut beaucoup plus protecteur pour les personnes qui y participent dans notre pays.
Ces éléments présentent un intérêt non seulement pour les régions frontalières dont vous êtes l’élu, monsieur le sénateur, mais également pour le sud et le sud-ouest de la France. Ainsi, ce texte remédie à une utilisation abusive du statut de travailleur détaché.
Pour répondre à M. Arthuis, je dirai que, comme tout législateur, j’appelle de mes vœux un toilettage des textes qu’il qualifiait d’« archaïques ». Toutefois, faire une telle demande emporte le risque de porter soi-même une part de responsabilité dans cet archaïsme !