Le plus dur de la crise semble derrière nous. Les derniers chiffres de la croissance et du chômage en attestent. Nous entrons maintenant dans une nouvelle étape de consolidation pour la croissance et pour la compétitivité de notre économie. Chaque politique sectorielle doit y concourir. Le numérique, qui constitue une nouvelle frontière, est, à ce titre, un cas d’application particulièrement important de cette stratégie.
Avant d’entamer le débat avec vous, je souhaitais donc vous présenter les trois priorités que la France défendra lors de ce Conseil européen en répondant à la question suivante : en quoi celles-ci s’inscrivent-elles dans la réalisation de l’ambition que nous incarnons pour les Européens ? Avoir des exigences dans chacun de ces domaines, c’est œuvrer pour une Europe solidaire, de la croissance et de l’emploi.
Première priorité, nous souhaitons conforter la reprise par les politiques d’avenir comme le numérique. Comme j’ai eu l’occasion de vous le dire au mois de juin dernier, notre objectif de réorientation de l’Europe vers des politiques de soutien à la croissance et à l’emploi porte ses fruits. Le FMI vient en effet de revoir ses prévisions à la hausse concernant les années 2013 et 2014 pour la France comme pour l’Europe.
Ces signes sont encourageants et montrent que le pari d’un soutien à la croissance par la relance des investissements plutôt que par la seule austérité était un bon choix pour l’avenir de l’Europe. Nous devons décliner ce choix à travers toutes les politiques sectorielles, en particulier celles qui sont porteuses d’emplois, au premier rang desquelles le numérique.
Pour la France, les enjeux du numérique ne se résument pas à la fluidité d’un marché unique européen facilitant l’accès aux services et contenus numériques. L’économie du numérique dépend non seulement de la demande, mais aussi de l’offre. Une réelle stratégie est nécessaire afin de développer les emplois du futur. Le numérique représente un quart de la croissance française et de la création d’emplois en France, et il faut continuer à appuyer de toutes nos forces le développement de ce secteur.
C’est pourquoi nous souhaitons que ce Conseil européen soit l’occasion de souligner l’urgence de doter l’Union d’une stratégie globale, aujourd’hui inexistante, fondée sur quatre priorités : établir une politique industrielle numérique à l’échelle européenne, définir des règles du jeu équitables entre les acteurs du numérique – nous pensons notamment à la régulation des plateformes et à la mise en place d’un cadre fiscal adapté –, prendre en compte la valorisation de la création de contenus et de services numériques, en particulier culturels, et, enfin, promouvoir un environnement numérique sûr et de confiance pour les citoyens et les entreprises sur le territoire de l’Union européenne, en particulier via l’adoption d’un cadre européen garantissant la protection des données personnelles. Une contribution française sur l’ensemble de ces aspects a été transmise à Bruxelles en vue du Conseil européen.
Deuxième priorité, il faut poursuivre notre mobilisation sur les fronts de l’emploi et de l’Europe sociale. La croissance dépend aussi des engagements que nous prenons et des politiques que nous menons en matière de solidarité. Il est pertinent, y compris d’ailleurs d’un point de vue économique, que d’autres critères que les seuls indicateurs financiers entrent dans la liste de ceux qui guident nos choix politiques.
Nous avions eu, là aussi, l’occasion d’échanger sur les caractéristiques de la croissance que nous voulons. À l’époque, c’était dans le contexte de la contribution franco-allemande du 30 mai et des conclusions du Conseil européen de juin, qui plaçaient pour la première fois la lutte contre le chômage des jeunes en tête des priorités de l’Union européenne.
Depuis, nous avons obtenu la mise en place d’un fonds d’au moins 6 milliards d’euros pour l’emploi des jeunes pour la période 2014-2020 ou encore l’élargissement du programme Erasmus aux apprentis et aux jeunes en formation par alternance dans les entreprises.
Cette étape était non seulement cruciale en elle-même, pour initier une politique de la jeunesse en Europe à la hauteur des besoins urgents que connaît cette génération, mais, au-delà, parce qu’elle représentait le premier pas déterminant d’une Europe combative et solidaire à l’égard de ses populations en difficulté. C’est dans cet esprit que se tiendra à Paris le 12 novembre une réunion des chefs d’État et de gouvernement sur l’emploi des jeunes.
Une nouvelle étape a été franchie, le 2 octobre, lorsque la Commission a adopté une communication sur la dimension sociale de l’Union économique et monétaire, répondant à une demande exprimée par la France et endossée par le Conseil européen du mois de juin dernier !
Nous saluons une telle initiative de la Commission, non seulement parce qu’elle rappelle très justement que des politiques sociales inadaptées et des déséquilibres sociaux persistants peuvent affecter durablement le potentiel de croissance d’une économie, mais aussi parce qu’elle ouvre la voie à d’autres étapes à venir. Elle est sans précédent et nous donne une base de travail solide, en proposant notamment d’établir un tableau de bord social composé de cinq indicateurs : le taux de chômage, l’éducation, la formation, le revenu brut disponible par ménage et le taux de personnes à risque de pauvreté dans la population active.
Une telle prise en compte des inégalités dans les États membres est un pas notable en faveur d’une Europe au plus proche de la réalité que vivent les Européens.
Cette première étape est décisive. Et si aujourd’hui les indicateurs sont principalement relatifs à l’emploi, ils permettront dans l’immédiat d’intégrer pleinement un diagnostic social au semestre européen. C’est un bon début, qui permettra à l’avenir de réfléchir à son extension à d’autres indicateurs, relatifs par exemple à la démographie ou aux systèmes de santé.
Nous voyons donc ce premier pas inédit comme un « acte fondateur » qui en appellera d’autres. C’est d’ailleurs le propre de la méthode communautaire, qui repose sur le principe du gradualisme.
Troisième priorité, il faut relever les défis qui se présentent à nos frontières. La tragédie que vient de connaître l’île de Lampedusa a profondément et légitimement marqué les esprits.