Intervention de Jean Bizet

Réunion du 16 octobre 2013 à 14h30
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 24 et 25 octobre 2013

Photo de Jean BizetJean Bizet :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur les sujets économiques, monétaires, de croissance et de compétitivité à l’ordre du jour, le prochain Conseil européen d’octobre apparaît comme une étape transitionnelle, de bilan et d’évaluation. Il n’en est pas moins sans intérêt en ce qu’il prépare l’avenir.

En effet, même si l’on peut considérer que beaucoup de progrès ont été réalisés de la part des gouvernements et des instances européennes, notamment de la Banque centrale européenne, ou BCE, pour juguler la crise et réorganiser notre système bancaire et financier, il n’en demeure pas moins qu’il faut poursuivre le chemin pour consolider la stabilité financière et économique, garante de la stabilité sociale et politique.

Dans cette perspective, l’organisation de ce débat me permet une nouvelle fois d’interroger le Gouvernement sur sa position par rapport à l’Allemagne, alors que les divergences d’analyse et de décision semblent aller croissant entre nos deux pays.

C’est aussi une manière de souligner que la proposition de résolution que le groupe UMP a déposée le 31 mai dernier sur la qualité d’une relation franco-allemande empreinte de confiance et de compréhension est toujours d’actualité.

Certes, au prochain Conseil, l’Allemagne n’aura pas encore un gouvernement représentatif des résultats des élections du mois de septembre dernier. Mais cette situation est compensée par le fait que la Chancelière Angela Merkel a été brillamment réélue et qu’elle incarne et assure plus que jamais la continuité. L’élection a en effet été un vote clair en faveur de la poursuite de son action en matière de politique financière, budgétaire, fiscale et européenne. Je ne pense pas qu’il faille s’attendre à de grands changements dans la gestion de la crise européenne du point de vue de l’Allemagne.

Les Allemands ont confirmé leur choix d’une politique axée sur la priorité au désendettement et la maîtrise des dépenses publiques comme source de croissance et de compétitivité.

La Chancelière est ainsi confortée dans ses choix de politique économique, pour son pays et pour l’Union européenne, d’autant plus que – je tiens à le rappeler – les socialistes et les verts allemands ont régulièrement apporté leur soutien à ses mesures de consolidation budgétaire.

Or ce sont ces choix que vous avez jusqu’à présent vainement essayé de contrer, tout comme vous dénigrez les conseils que peuvent formuler les instances européennes pour notre pays.

J’illustrerai mon propos par deux exemples.

Au printemps dernier, les instances européennes conseillaient à la France la définition d’un cadre global d’action, au plus tard en octobre, en contrepartie du délai de deux ans accordé pour le retour à l’équilibre de nos finances publiques.

Monsieur le ministre, pouvons-nous considérer le projet de loi de finances pour 2014 comme la première étape de ce cadre global ? Je ne le pense pas. Vos contradictions et vos errements, notamment en matière de fiscalité et de choix économiques, laissent plutôt craindre un manque de détermination et de clarté. Espérer le retour de la croissance n’a jamais fait une politique économique. Mais je ne veux pas préempter le débat budgétaire.

Par ailleurs, laissez-moi souligner combien les objectifs économiques et sociaux du Gouvernement divergent de ceux de l’Allemagne : de ce côté-ci du Rhin, le recours aux emplois aidés, de l’autre la priorité à ramener les chômeurs dans l’emploi du secteur privé ; de ce côté-ci, une dépense publique supérieure de 10 points de PIB sans que nos services publics soient d’une qualité très supérieure, et avec le niveau de dette qui va avec ; des fiscalités de plus en plus divergentes, notamment pour l’impôt sur les sociétés ; de ce côté-ci, un régime de formation professionnelle qui se cherche depuis des années – j’insiste sur ce point –, de l’autre, un système efficace dont nous pourrions nous inspirer.

Notre position est très claire et, finalement, relativement simple : la France ne peut pas se passer de la coopération avec l’Allemagne, et l’Europe ne peut pas se passer du « couple franco-allemand » non pas comme figure hégémonique – j’y reviendrai tout à l’heure – mais comme facteur de propositions et de dynamisme.

En conséquence, monsieur le ministre, je me permets de vous poser les questions suivantes. Jusqu’où le Gouvernement va-t-il laisser diverger notre économie par rapport à celle de l’Allemagne ? Jusqu’où le Gouvernement va-t-il aller dans sa stratégie, qui l’isole de plus en plus au niveau européen, avec des niveaux de fiscalité, de dépenses publiques et de dette atteignant des records ?

Comment améliorer la coordination budgétaire et financière dans l’Union européenne alors que votre politique nourrit la divergence, avec l’Allemagne d’abord, mais aussi avec des pays comme l’Italie et l’Espagne, qui ont mené des politiques courageuses, douloureuses de redressement des finances publiques ?

Prendre le risque de bâtir des systèmes fiscaux et sociaux trop différents, c’est implicitement faire le choix d’une Europe des transferts et des subventions alors qu’il faudrait collectivement créer de la croissance et de la richesse.

Or il ne suffit pas de demander à l’Allemagne un mécanisme de résolution des crises centralisé qui implique des limitations de souveraineté ou de lui demander de s’engager dans une initiative européenne pour l’emploi ou dans les eurobonds... Il faut aussi, me semble-t-il, regagner sa confiance en donnant des signes clairs de remise en ordre de notre économie et en engageant une politique déterminée de réformes structurelles, seule manière de conforter le retour de la croissance et d’améliorer notre compétitivité.

Permettez-moi d’aller plus loin encore : la réélection de la Chancelière met l’Allemagne dans une situation quelque peu paradoxale. En effet, notre voisin a tout intérêt, et Mme Merkel l’a bien compris, à ne pas afficher au grand jour toute sa puissance et toute sa dimension, afin de ne pas risquer d’entraîner crispations et humeurs de ses partenaires. L’Histoire nous a appris les limites de telles postures.

Il reste donc à la France l’impérieuse nécessité et obligation de reprendre l’initiative de relancer l’Europe. Cette place de tout premier plan ne peut pas être occupée par l’Allemagne ; elle revient, je le répète, à la France. C’est à la France de relancer l’Europe, en commençant par assumer et réaliser ses propres réformes structurelles.

S’il y a un moment à saisir pour reprendre avec l’Allemagne notre destin européen, c’est maintenant.

Monsieur le ministre, le groupe UMP du Sénat vous y invite ardemment. Et comme nous l’avons démontré tout à l’heure au travers de la proposition de résolution présentée par notre collègue Éric Bocquet, quand les choses vont dans le bon sens, notre famille politique vous appuie.

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