Intervention de Michel Billout

Réunion du 16 octobre 2013 à 14h30
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 24 et 25 octobre 2013

Photo de Michel BilloutMichel Billout :

La commission des affaires européennes encourage également la fixation du montant d’une enveloppe dédiée à l’emploi des jeunes au sein du Fonds social européen. De plus, elle juge que les dépenses cofinancées par les États membres en faveur de l’emploi des jeunes ne devraient pas, provisoirement, être intégrées dans le calcul des soldes budgétaires des États membres.

Il s’agit là d’un enjeu déterminant si nous voulons que les États membres s’investissent totalement pour cet objectif de résorption du chômage des jeunes. En conséquence, j’espère que le Gouvernement soutiendra ces propositions lors du Conseil. Monsieur le ministre, il s’agit là d’un véritable « carburant », comme vous l’avez précédemment indiqué. §

Cela étant, j’ai plusieurs questions à vous poser.

Qu’en est-il du réseau européen des services publics de l’emploi, qui devrait voir le jour le 1er janvier 2014 ? La Banque européenne d’investissement, la BEI, a décidé d’y apporter son concours au travers de son initiative « Emplois pour les jeunes » et de son programme « Investissements en faveur des compétences ». Qu’en est-il de la mise en place de ces actions ? Nous n’avons quasiment aucune information précise à cet égard.

Certes, la BEI peut désormais lever un peu plus de 60 milliards d’euros pour financer, d’ici à 2015, de nouveaux prêts, dont une partie pourrait se concentrer sur les petites et moyennes entreprises. Pour autant, le président de cette instance lui-même craint que les attentes à l’égard de son établissement dans la lutte contre le chômage des jeunes ne soient au-delà du possible. Pouvez-vous nous éclairer sur ce sujet ?

L’emploi des jeunes est une problématique majeure et surtout transversale. Il serait illusoire de penser pouvoir combattre le chômage des jeunes sans le retour à une croissance durable en Europe, fondée sur une véritable politique de développement industriel, via la recherche et l’innovation.

Actuellement, nous savons qu’il existe un manque d’adéquation entre les formations proposées et l’avenir du marché du travail, alors même que 2 millions de postes sont vacants et que 73 millions d’emplois devraient être à pourvoir au sein de l’Union d’ici à 2020. Il me semble donc que l’Union européenne peut jouer un rôle majeur à ce niveau en coordonnant les politiques de développement et en privilégiant des formations d’avenir.

Il est nécessaire d’anticiper nos besoins. Il faut être visionnaire. Toutefois, la Commission européenne doit également assurer la cohérence de ses recommandations. À cet égard, je m’interroge sur certaines d’entre elles. Ainsi, le Conseil européen affirme qu’il veut lutter contre le chômage des jeunes. Mais il incite parallèlement les pays membres à traduire concrètement les recommandations qu’il a formulées. Or celles-ci vont plutôt dans le sens d’une restriction budgétaire grandissante, sans grandes marges de manœuvre. Il est donc difficile pour les États d’agir.

Nous voyons bien les conséquences de telles mesures sur le budget de la France : 3 milliards d’euros de dotations en moins pour les collectivités territoriales, 14 milliards d’euros d’économies en 2014, 4 % de réduction des moyens affectés aux opérateurs et maintien de l’austérité salariale dans la fonction publique.

Selon le Conseil européen, il faut améliorer encore et toujours l’efficacité des dépenses publiques en rationalisant davantage les différents niveaux et compétences administratifs, afin d’accroître les gains d’efficacité et de multiplier les économies. Mais, dans ces conditions, comment pouvons-nous proposer des services publics adaptés aux besoins des usagers et en accroître la qualité ? Comment résorber le chômage des jeunes tout en restreignant fortement l’emploi public ?

La réforme des retraites, que l’Assemblée nationale a adoptée et dont le Sénat va débattre très prochainement, fournit un autre exemple d’incohérence. Dans les recommandations concernant le programme national de réforme de la France pour 2013 et portant avis du Conseil sur le programme de stabilité de la France pour la période 2012-2017, on peut lire ceci :

« Le système de retraites sera encore déficitaire en 2018, contrairement à l’objectif d’un retour à l’équilibre à cette date visé par la réforme de 2010.

« De plus, l’annulation partielle de la réforme de 2010 va à l’encontre de la recommandation du Conseil. Le système de retraites accusera donc encore d’importants déficits en 2020. De nouvelles mesures doivent dès lors être prises d’urgence pour remédier à cette situation tout en préservant l’adéquation du système. Il pourrait notamment être envisagé de relever encore l’âge minimal de départ à la retraite et l’âge légal de départ à la retraite à taux plein, ainsi que la durée de cotisation nécessaire pour bénéficier d’une retraite à taux plein ».

La France est décidément une bonne élève en la matière !

Toutefois, comment réduire le chômage des jeunes tout en organisant l’allongement de la durée du travail ? La contradiction est de taille !

Il est indispensable d’opérer un changement d’approche et d’avoir une vision tout à fait globale si nous voulons que les politiques conduites au niveau européen rencontrent un véritable écho au sein de chacun des États membres.

C’est dans cette intention que le groupe des députés du Front de gauche a présenté à l’Assemblée nationale une proposition de loi-cadre pour la jeunesse. Ce texte permettrait aux jeunes de prendre leur avenir en main, en levant les obstacles qui les empêchent de démarrer dans la vie dans de bonnes conditions.

Les revendications des jeunes ne peuvent pas être comprises comme des aspirations dispersées, sans rapport les unes avec les autres. Au contraire, elles ne font sens que si elles sont saisies dans leur globalité. Logement, études, emploi, salaires, précarité : tous ces sujets sont intimement liés. Ils doivent donc être abordés conjointement. Les mesures phares de cette proposition de loi sont de garantir l’autonomie financière des jeunes dans la formation et dans l’emploi, de rendre effectifs les droits existants, qui, dans les faits, peinent véritablement à être mis en œuvre, de mieux accompagner les jeunes vers l’emploi et d’agir contre la précarité.

J’espère que le Conseil européen puis la réunion des chefs d’État et de gouvernement du 12 novembre prochain permettront d’accélérer l’action de l’Union en faveur des jeunes citoyens européens. La jeunesse est l’avenir de l’Europe. Ne la décevons pas ! Ne la désespérons pas ! §

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