Intervention de François Marc

Réunion du 16 octobre 2013 à 14h30
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 24 et 25 octobre 2013

Photo de François MarcFrançois Marc :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Conseil européen des 24 et 25 octobre prochains sera l’occasion d’aborder deux sujets essentiels pour l’avancement de l’Union économique et monétaire : la dimension sociale et la dimension bancaire.

La feuille de route élaborée par le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, nous engageait sur la voie d’une « véritable Union économique et monétaire », mais la question sociale n’était traitée que de manière incidente. Le Conseil européen de décembre 2012 a demandé l’engagement d’une réflexion sur la dimension sociale de cette Union.

Nous arrivons au terme du processus. Le 2 octobre, la Commission européenne a publié une communication proposant notamment d’exercer une surveillance plus étroite des politiques concernant la situation sociale et l’emploi dans le semestre européen, en particulier sur la base de la procédure de surveillance des déséquilibres économiques.

Elle propose la mise en place d’un tableau de bord composé d’indicateurs prioritaires dans le domaine social et de l’emploi, qui comprendraient notamment le taux de chômage, le risque de pauvreté ou encore les inégalités. Ce tableau de bord permettrait d’éclairer les discussions tout au long du semestre européen et devrait être pris en compte lors de l’élaboration des recommandations par pays.

En outre, la Commission envisage d’intégrer la dimension sociale à la procédure relative aux déséquilibres macroéconomiques instituée par le six-pack.

Une telle évolution de la gouvernance économique de l’Union économique et monétaire paraît non seulement justifiée, mais nécessaire. Des déséquilibres sociaux peuvent se révéler tout autant déstabilisants pour la zone euro que des déséquilibres de nature économique.

Des décisions concrètes devraient être prises lors du Conseil européen de décembre prochain. C’est donc dès à présent que doivent être arrêtés les principes à l’aune desquels sera défini le contenu de la dimension sociale de l’Union économique et monétaire.

Aussi, j’appelle le Gouvernement à défendre une position ambitieuse, car la communication de la Commission va dans le bon sens, mais reste timide face aux craintes de certains de nos partenaires concernant les coûts induits par une plus grande solidarité.

Il est pourtant absolument indispensable que l’intégration politique et économique accrue des États membres s’accompagne d’une augmentation de la solidarité et se garde de tout nivellement par le bas. Il y va ainsi de la question du salaire minimum, que le Premier ministre a évoquée au début du mois de septembre. Il n’en existe pas dans sept États membres de l’Union européenne et, dans les autres, les écarts de niveaux vont de un à cinq, après correction des différences de coût de la vie.

Le territoire où je suis élu, la Bretagne, subit les conséquences douloureuses d’une telle situation, car l’industrie agro-alimentaire ne lutte pas à armes égales avec l’Allemagne, où les travailleurs saisonniers, venus des nouveaux États membres de l’Union européenne, peuvent être embauchés aux mêmes conditions salariales qu’en Pologne, en Roumanie ou en Bulgarie.

Monsieur le ministre, je vous remercie de l’engagement que vous avez vous-même manifesté au nom du Gouvernement à cet égard. Je me félicite que, dès le 16 mai dernier, le Président de la République ait souhaité que le sujet soit bien pris en considération au sein des échanges européens et qu’il ait réussi à convaincre Mme Merkel d’engager une réflexion et une discussion avec les partenaires européens sur ce point. Je souhaite que nous parvenions à établir des règles protectrices minimales, pour le moins, limitant les distorsions de concurrence et la course au moins-disant social, qui sapent la confiance dans le projet européen.

À l’heure où le taux de chômage dépasse 12 % dans la zone euro, atteignant même 24 % – c’est considérable – pour le chômage des jeunes, des mesures en matière d’emploi et de politique sociale contribueraient à rendre l’Union économique et monétaire plus légitime, et éviteraient que l’euro ne soit perçu comme un facteur de délitement des systèmes nationaux de protection sociale.

La dimension sociale doit être conçue comme le gage du vivre ensemble européen, permettant de faire de l’Union économique et monétaire un projet fédérateur en lui conférant l’épaisseur humaine qui lui manque encore.

Dans cette perspective, et afin d’engager un mouvement de plus grande ampleur, la France doit soutenir les préconisations de la Commission, mais également insister pour que celles-ci ne constituent qu’une première étape.

Je souhaite également aborder la question de l’union bancaire.

Voilà un an, presque jour pour jour, le Conseil européen concluait à la nécessité de « briser le cercle vicieux qui existe entre les banques et les États ».

En un an, l’union bancaire a progressé, mais elle doit désormais surmonter les obstacles juridiques et politiques importants liés à la mise en place du mécanisme de résolution unique.

Les banques de la zone euro doivent subir dans les prochains mois un passage en revue de la qualité de leurs actifs par la BCE, qui prendra en charge leur supervision. Toutefois, cette supervision unique ne sera une véritable avancée que si elle s’accompagne d’un mécanisme de résolution unique des crises bancaires.

En effet, si les tests de la BCE révèlent des situations très fragiles et si aucun fonds de secours européen n’est en mesure d’intervenir pour y répondre, cette opération risque d’affecter les finances des États les plus fragiles, qui devraient aller au secours de leurs banques, au lieu de rétablir la confiance dans la zone euro.

Je veux insister sur un point : il faut rétablir la confiance dans le système bancaire européen, qui continue de faire l’objet d’interrogations. Pour ce faire, les tests de la BCE devront être effectués sans aucune complaisance, et l’Union européenne doit également être prête à en tirer toutes les conséquences. Il faut donc éviter de courir le risque d’avoir une opération qui, au mieux, serait peu crédible et, au pire, pourrait replonger les États les plus fragiles dans la crise. Dans les deux cas, elle ne permettrait pas de rétablir la confiance, préalable indispensable au retour durable de la croissance dans la zone euro.

Les avancées en matière sociale comme en matière bancaire se heurtent à des obstacles, ce qui est normal si l’on considère leur effet sur le projet européen. Pour autant, je suis convaincu qu’il nous faut, en complément de la discipline que nous imposent les traités, continuer à avancer dans la voie de la solidarité : celle-ci est à la fois un gage de solidité de la zone euro et de plus grande intégration politique, que j’appelle de mes vœux. §

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