Intervention de Catherine Morin-Desailly

Réunion du 17 octobre 2013 à 9h30
Débat sur la protection des données personnelles

Photo de Catherine Morin-DesaillyCatherine Morin-Desailly :

… qui permet aux autorités américaines d’accéder aux données européennes, même localisées sur notre territoire, dès lors qu’elles sont traitées par des entreprises relevant de la juridiction américaine.

La solution est donc assurément d'encourager l'émergence d'un cloud européen. Et, plutôt qu’un monopole public, il faudrait ici soutenir l'émergence d'acteurs privés, notamment en soutenant leur croissance par l'achat public.

L’Union européenne entend s’appuyer sur l’achat public pour promouvoir une offre commerciale d’informatique en nuage en Europe qui soit adaptée aux besoins européens. Je m'alarme, une fois de plus : l'objectif est de stimuler l’usage européen du cloud mais pas nécessairement les fournisseurs européens de ces services.

Ajoutons que le stockage à distance des données est d’autant plus préoccupant que se développe l’Internet des objets qui, en faisant communiquer entre eux tous les objets de notre quotidien, démultipliera encore les données.

En attendant, l'Union européenne doit absolument négocier un accord transatlantique à côté du partenariat commercial dont la négociation est ouverte. Elle doit pouvoir interdire le transfert de données hors de son territoire sur une requête d’une autorité d’un pays tiers, sauf autorisation expresse.

Tout cela exige donc une mobilisation politique de l’Union européenne au plus haut niveau, à la mesure des enjeux de souveraineté qui sont ici soulevés et qui en font une question absolument stratégique.

L’opportunité d’une plus grande implication de l’Union européenne dans la gouvernance de l’Internet mondial s’ouvre justement aujourd’hui, madame la ministre, à la suite des révélations d’Edward Snowden sur l’espionnage d’internet par les États-Unis : pas plus tard que la semaine dernière, le 7 octobre précisément, les grands organismes de régulation de l’Internet réunis à Montevideo, en Uruguay – parmi lesquels se trouvait l’ICANN, l'association américaine qui gère le système des noms de domaine pour le web mondial – ont tous pris leur distance vis-à-vis de la mainmise américaine sur la gouvernance actuelle de l’Internet.

Rappelons que le système de gestion des noms de domaine reste aujourd’hui directement contrôlé par le département du commerce américain !

Vous vous doutez bien que ce pouvoir de contrôle est crucial et permettrait d’effacer de la carte d’internet les ressources de pays entiers. Pour les États-Unis, le contrôle de cette ressource est devenu aussi fondamental, mes chers collègues, que celui de l'eau ou de l'énergie : c'est un enjeu majeur, tant en termes de souveraineté qu’en termes de développement de leurs industries. Mais, aujourd’hui, il leur est difficile de maintenir le statu quo

Nous sommes donc parvenus à un tournant dans l’histoire du numérique. L’Union européenne doit absolument profiter de ce qui vient de se passer à Montevideo pour réclamer, comme très récemment la présidente du Brésil, Dilma Rousseff, une gestion multilatérale de ce système d'attribution de noms de domaine. Désormais, la supervision des fonctions critiques de l'ICANN doit être confiée à une structure multilatérale collégiale.

Il revient donc aujourd'hui à l’Union européenne d’entrer dans le jeu et, aux côtés des États-Unis, de construire une gouvernance de l’Internet réellement fondée sur des principes démocratiques et, bien sûr, conforme à notre charte des droits fondamentaux.

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