Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 6 décembre 2005 à 23h15
Loi de finances pour 2006 — Sécurité sanitaire

Photo de Nicole BricqNicole Bricq, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Sécurité sanitaire » est l'une des huit missions interministérielles de la nouvelle architecture budgétaire. Un tel dimensionnement est pourtant mis à l'épreuve et se montre défaillant avec une lecture budgétaire un peu plus précise : celle-ci, au demeurant complexe, révèle en effet plus une juxtaposition des responsabilités qu'une vision réellement interministérielle.

Au nom de la commission des finances, je me suis attachée à vérifier que les principes et l'esprit de la LOLF étaient bien respectés dans cette mission. Or j'ai pu constater que tel n'était pas toujours le cas.

Ainsi, le principe de responsabilité n'est pas respecté dans la mesure où toutes les dépenses de personnel sont concentrées sur l'un des deux programmes constituant la mission. L'esprit de la LOLF n'est pas non plus respecté puisque les fonctions supports ne sont pas rattachées au programme correspondant.

Par ailleurs, le budget des nombreux opérateurs participant à la mise en oeuvre de la mission n'a pas encore été élaboré selon les règles de la LOLF. En outre, nous ne sommes pas en mesure d'évaluer la performance de ceux qui n'ont pas signé de contrats d'objectifs et de moyens avec l'État.

De ce foisonnement d'opérateurs et de l'absence de règles communes de référence, je tire, à ce stade, trois enseignements.

En premier lieu, il paraît sans doute nécessaire de marquer une pause tant dans la création que dans la réorganisation des agences, afin de pouvoir évaluer la pertinence globale du système.

En deuxième lieu, il convient de mieux étudier l'articulation de notre dispositif avec le système européen.

En troisième lieu, il nous faut réfléchir à l'intégration, dans le cadre de l'appréciation du risque, de données autres que scientifiques. Je pense, notamment, à certaines données économiques et sociales.

Pour autant, l'enjeu majeur de la mission « Sécurité sanitaire » pour 2006, sur lequel je souhaiterais m'arrêter un peu plus longuement, est le financement du plan de protection contre le risque de pandémie de grippe aviaire.

Le coût global annoncé de ce plan s'élève à environ 700 millions d'euros sur trois ans.

D'après nos informations, la CNAM, la Caisse nationale d'assurance maladie, alimenterait le fonds de concours prévu dans ce domaine par le biais d'un prélèvement de 176 millions d'euros pour 2005. Lors de la discussion sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, M. le ministre s'est engagé à mobiliser sur le budget de l'État 177 millions d'euros supplémentaires, pour abonder les crédits du programme « Veille et sécurité sanitaires ». Il en serait de même pour 2006.

Or ce n'est que le 28 novembre dernier que nous avons pu être assurés : le budget de la santé pourra, semble-t-il, couvrir, à hauteur de 150 millions d'euros, les besoins relatifs aux mesures de prévention et de lutte contre la grippe aviaire, et ce d'après les mesures réglementaires annoncées ; à ce titre, un décret d'annulation et un décret d'avances devraient ainsi trouver leur traduction chiffrée dans le prochain projet de loi de finances rectificative. Malgré tout, même si ces 150 millions d'euros apparaîtront dans les comptes le moment venu, il manquera toujours 27 millions d'euros par rapport au montant initialement annoncé. À ce stade, il nous faut donc attendre le collectif budgétaire pour trouver ces crédits manquants ; il nous reste donc effectivement encore un peu de temps...

En résumé, monsieur le ministre, la lisibilité des crédits budgétaires, voire leur sincérité, n'est pas assurée. Alors qu'il s'agit bien d'une politique de santé publique, sur le fond, la question de la participation de la sécurité sociale reste posée.

J'en viens à l'examen des deux programmes.

Dans le premier, le programme 228 « Veille et sécurité sanitaires », la justification au premier euro est pour le moins lacunaire. Les dépenses ne sont pas « fléchées » selon le dispositif répertorié dans le bleu budgétaire. Toutefois, il faut le reconnaître, des efforts ont été accomplis pour fixer des objectifs aux opérateurs.

Dans le second, le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », un effort de justification est fait au premier euro, à l'inverse donc du premier programme. Cela permet justement de faire apparaître l'insuffisance des crédits affectés à l'action 02 « Lutte contre les maladies animales et protection des animaux » et à l'action 03 « Prévention et gestion des risques sanitaires liés aux denrées alimentaires ».

En cas de survenance de l'épizootie qui affecterait les volailles et d'autres animaux, la dotation du programme 206 nous semble insuffisante. Aussi proposerai-je, au nom de la commission des finances, un amendement visant à transférer des crédits, somme toute modestes puisqu'ils représentent 15 millions d'euros, du programme 228 vers le programme 206.

Par ailleurs, la commission reconnaît les efforts du Gouvernement afin de doter le programme 206, et donc l'ensemble de la mission, d'indicateurs pertinents et d'objectifs lisibles.

Je terminerai mon propos avec l'examen des articles rattachés.

L'article 86 prévoit une réforme importante du service public de l'équarrissage. Il en ressort une responsabilisation des acteurs, ce qui aboutit à amoindrir l'engagement de l'État. La solution de compromis ainsi proposée entre les producteurs, les filières, les opérateurs et les administrations a recueilli l'approbation de la commission des finances. Sur cet article, nous proposerons simplement un amendement d'ordre rédactionnel.

L'article 86 bis, introduit par l'Assemblée nationale, vise, d'une part, à créer, au profit de l'AFSSA, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, de nouvelles taxes, et, d'autre part, à augmenter les taxes existantes destinées à financer les activités d'autorisation de mise sur le marché et de contrôle du médicament vétérinaire, qui sont assurées par l'ANMV, l'Agence nationale du médicament vétérinaire. Comme j'ai pu moi-même le vérifier, ces nouveaux moyens permettront d'accélérer la procédure d'autorisation de mise sur le marché. La commission des finances proposera un amendement tendant à améliorer la rédaction de cet article.

Enfin, l'article 87 vise à instituer, au profit de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'AFSSAPS, une taxe additionnelle destinée à financer les comités et la conférence nationale des comités de protection des personnes.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sous réserve du vote des amendements qu'elle proposera, la commission des finances a donné un avis favorable à l'adoption des crédits inscrits au titre de la mission « Sécurité sanitaire ».

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion