Intervention de Xavier Bertrand

Réunion du 6 décembre 2005 à 23h15
Loi de finances pour 2006 — Sécurité sanitaire

Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l'émergence de nouveaux risques sanitaires, autant qu'une demande sociale renforcée en matière de protection de la santé collective, nous conduisent à mener une action plus résolue encore en matière de veille et de sécurité sanitaire.

C'est en tenant compte de ce contexte que je vous présente les grandes lignes de ce programme, placé sous ma responsabilité au sein de la mission « Sécurité sanitaire », que je partage avec M. Dominique Bussereau, dont je tiens à vous demander de bien vouloir excuser l'absence ce soir.

Les 103, 6 millions d'euros dont ce programme est doté en 2006 nous permettront de promouvoir une vigilance accrue en matière de sécurité sanitaire, ainsi qu'une véritable évolution à la fois des consciences et des pratiques.

Ces missions nécessitent, pour être menées à bien, une expertise indépendante. Je commencerai par le rôle des différentes agences de veille et de sécurité sanitaire.

Par une dotation renforcée à laquelle, comme le souligne M. Gilbert Barbier, il faut ajouter les moyens croissants de l'assurance maladie dans ce domaine, le Gouvernement non seulement réaffirme leur mission, mais, de plus, élargit leurs moyens. Cela participe de sa volonté de mettre en place tous les outils nécessaires pour mieux faire face aux défis et aux risques sanitaires, au premier rang desquels la grippe aviaire que vous avez abondamment citée les uns et les autres.

Pour tous ces enjeux, la dotation de ce programme mériterait encore de progresser. Aussi, je m'étonne, madame Bricq, qu'une proposition de votre part vise à retirer 15 millions d'euros sur les 103, 6 millions d'euros dont nous disposons, car s'il s'agit de diminuer les crédits des agences, dont vous saluez par ailleurs le travail. Libre à vous ! Mais si vous ne considérez pas la santé et l'environnement et la santé au travail comme des priorités, alors, diminuons ces crédits ! En tout cas, tel n'est pas le choix du Gouvernement.

Ces fonds, vous voulez les transférer au budget du programme « Sécurité sanitaire des aliments et santé animale ». Votre souci de mieux protéger les animaux contre les épizooties, nous le partageons, soyez-en convaincue ! Je vous ferai d'ailleurs remarquer que le projet de budget pour 2006 de l'agriculture et le projet de loi de finances rectificative en tiennent compte.

Si le Gouvernement ne soutient pas votre proposition alors qu'il partage vos objectifs sur ce point, c'est bien parce que les différents ministères sont d'accord sur la répartition des crédits en la matière, conforme à l'architecture des plans de protection sanitaire que nous avons élaborés ensemble.

Je souhaite aussi revenir sur plusieurs points qui ont trait à la LOLF. Je parle, bien évidemment, sous le regard de M. le président de la commission des finances, dont je sais tout l'intérêt qu'il porte non seulement à l'application de la LOLF dans les textes, mais aussi au respect de l'esprit dans lequel elle a été élaborée.

Tout comme M. Daniel Soulage, je me félicite de cette nouvelle approche, qui associe la santé humaine et la qualité sanitaire de l'alimentation.

Je sais, monsieur Domeizel, que l'intérêt des missions interministérielles présente aussi un revers, celui de la nécessité d'une coordination accrue entre les services, sauf que, pour moi, ce n'est pas un revers : c'est aussi un atout et un impératif que cette nécessaire coordination entre les services.

Je tiens donc à rassurer Mme Nicole Bricq en réaffirmant que le dialogue interministériel constitue l'une de nos priorités, à M. Dominique Bussereau et à moi-même, mais aussi notre actualité permanente.

Je veux rappeler les raisons qui nous ont conduits à rassembler les moyens en fonctionnement et en personnels au sein d'une seule mission, notamment la fameuse mission « Solidarité et intégration », à laquelle il a été fait référence. Certains, comme Mme Nicole Bricq et M. Daniel Soulage, regrettent ce choix.

Si je peux comprendre que l'idée d'une séparation des dépenses selon les missions, voire les programmes, surtout en interministériel, puisse paraître satisfaisante sur le papier seulement, je tiens à vous indiquer que, si tel n'avait pas été le cas, notre administration risquait d'être rigidifiée par un éclatement entre trois missions, voire onze programmes, alors que, par exemple, les services déconcentrés ont une polyvalence qui justifie ce choix et constitue un atout indéniable.

Nous avons donc souhaité augmenter nos efforts en termes d'expertise et de surveillance des risques sanitaires dans des domaines aussi divers que l'environnement, les médicaments ou les greffes.

Pour cela, nous nous appuyons sur les instruments d'expertise que sont les agences de sécurité sanitaire.

Ainsi, 77 millions d'euros sont plus particulièrement alloués en 2006 à l'AFSSA, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, à l'AFSSAPS, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, à l'Agence de biomédecine, à l'AFSSET, l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale et du travail, à l'InVS, l'Institut de veille sanitaire, et à l'EFS, l'Établissement français du sang.

Je sais que certains, comme vous, madame Bricq, demandent à ce que nous allions plus loin dans notre réflexion sur l'architecture de ce système d'expertise.

Voilà pourquoi nous avons veillé à ne pas multiplier les agences, voilà pourquoi il y aura bel et bien des contrats d'objectifs et de gestion entre ces agences et l'État. Nous nous y sommes engagés, nous y travaillons, et ce sera également une réalité.

Pour illustrer mon propos, je tiens à dire que l'Agence de biomédecine, par exemple, rassemble des compétences beaucoup plus larges que l'Établissement français des greffes, et que l'AFSSET réunit deux champs qui sont liés : d'une part, la santé et l'environnement et, d'autre part, la santé et le travail.

Je tiens aussi à vous indiquer, monsieur Barbier - vous avez en effet évoqué le projet Reach -, que, si la France se félicite de ce projet européen d'enregistrement et d'évaluation des produits chimiques en circulation en Europe, le fait de vouloir évaluer 30 000 substances en onze ans constitue une avancée majeure pour la protection de la santé et de l'environnement, ainsi qu'une première mondiale.

À ce sujet, la France se félicite que le Parlement européen se soit rapproché, le 17 novembre dernier, des positions du Conseil, et notamment de celles que la France avait elle-même défendues. Nous soutenons d'ailleurs la présidence britannique dans sa volonté d'aboutir avant la fin de l'année, notamment dans le domaine de la charge de la preuve en matière d'évaluation des risques, qui doit relever pleinement des industriels. Il s'agit d'un principe de responsabilité, que notre pays avait soutenu.

Le Parlement a également largement repris la position française en faveur de la création d'une agence européenne des produits chimiques, qui produira des évaluations en s'appuyant sur les relais nationaux.

Enfin, et cela constitue un progrès majeur à nos yeux, le principe de substitution en cas de substance problématique est maintenant soutenu par le Parlement.

En matière de financement, je veux rassurer M. Autain, en soulignant que les moyens des agences seront renforcés en 2006, notamment du fait de la plus grande mobilisation de leurs ressources propres, comme le sera le produit des taxes et des fonds de roulement. Le ministère de la santé maintient son effort propre en faveur de ces agences, alors même que d'autres ministères participent dorénavant à leur financement.

Parmi les mesures prises en leur faveur, on peut noter que dix-huit postes supplémentaires leur sont attribués. La confiance que nous accordons aux agences doit néanmoins s'accompagner de la mise en oeuvre par les services de l'État d'un pilotage efficace de leur action.

M. Barbier s'est interrogé sur l'articulation entre services et agences. Je veux lui dire, ainsi qu'à Mme Bricq, que les instruments de pilotage stratégique que nous mettons en oeuvre, comme les contrats d'objectifs et de moyens, doivent conduire à cette coordination optimale qu'ils appellent de leurs voeux et à laquelle nous travaillons.

Ce projet de loi de finances doit également permettre le renforcement de l'expertise et de la validation dans le domaine essentiel du médicament.

Le rôle de l'AFSSAPS est de contrôler la sécurité et la qualité de l'ensemble de la filière. En amont, l'Agence est responsable de l'autorisation de mise sur le marché, l'AMM.

Je sais, monsieur Autain, que vous vous interrogez sur le délai de transposition de la directive européenne relative à l'autorisation et à la surveillance des médicaments au plan national. Cette transposition a pris du retard, car il nous a fallu prendre en compte une circulaire d'interprétation de la Commission européenne, qui nous a été communiquée voilà à peine deux mois. Nous serons donc en mesure de présenter un texte en Conseil d'État au début de 2006 pour une adoption, au plus tard, au milieu de l'année.

Mais je tiens à vous dire, monsieur Autain, que l'AFSSAPS a d'ores et déjà intégré dans son programme de travail la mise en oeuvre du plan de gestion des risques prévu par cette directive.

Le projet de loi de finances fixe également des objectifs en matière de délais de traitement des demandes d'AMM, afin que les patients n'aient pas à attendre trop longtemps l'arrivée d'innovations thérapeutiques qui pourraient contribuer à leur guérison. Ces délais devraient passer de 190 jours en 2005 à 160 en 2006, puis à 100 en 2008. Ce raccourcissement des délais, monsieur Barbier, ne signifie en aucune façon que la qualité de l'expertise fournie diminuera.

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