préfet, co-président du groupe d'élaboration de la Charte État, collectivités, associations. - Je suis très heureux de me retrouver dans votre commission dont je connais déjà plusieurs membres.
J'ai sans doute été sollicité par la ministre Valérie Fourneyron pour conduire cette mission en raison de ma participation continue au monde associatif, menée concomitamment à mes fonctions professionnelles, y compris comme préfet. Je suis en effet convaincu de l'importance de la vitalité de la vie associative et de la démarche citoyenne dans notre société. J'avais d'ailleurs eu l'occasion de contribuer, en tant que militant associatif, à l'élaboration de la première charte des engagements réciproques entre État, collectivités territoriales et associations de 2001 qui fut signée par Lionel Jospin à l'occasion du centenaire de la loi relative au contrat d'association.
Lors d'une intervention en mars 2012 devant la Conférence permanente des coordinations associatives, le Président de la République, alors candidat, avait exprimé son souhait de renouveler cette charte en déclarant, je le cite : « Nous reprendrons la charte élaborée sous Lionel Jospin, nous l'améliorerons et elle constituera la base à partir de laquelle nous travaillerons ensemble. » C'est sur cette base que la ministre nous a demandé, à Claude Dilain et moi-même, d'animer un groupe de travail, auquel votre présidente a participé, pour faire des propositions au Gouvernement sur ce que pourrait être une nouvelle charte des engagements réciproques entre l'État, les collectivités territoriales et les associations.
Quel était l'esprit dans lequel nous avons travaillé au sein de ce groupe, dans lequel l'ensemble des associations était représenté par la CPCA et d'autres groupements du monde associatif, de même que les associations d'élus des collectivités territoriales ? Nous sommes partis d'un premier constat : la charte de 2001 était un document de qualité qui répondait à une réelle attente des acteurs du monde associatif et s'inspirait des pratiques en vigueur dans d'autres pays d'Europe, comme au Royaume-Uni et la convention signée en novembre 1998 par le National Council for Voluntary Organisations et le Gouvernement britannique. Mais la charte de 2001 avait également permis d'amorcer une réelle évolution - je pense notamment à l'encouragement du mécénat par la loi du 4 août 2003 ainsi qu'à la création, en 2001, du Haut conseil de la vie associative comme instance d'expertise placée auprès du Premier ministre.
Subsistait cependant un point sur lequel la charte de 2001 avait quelque peu failli : ses déclinaisons sectorielles et territoriales qui avaient pourtant été inscrites comme principe dans son texte. En effet, les déclinaisons territoriales se sont avérées peu nombreuses : seul le préfet de Picardie a décliné la charte dans sa région. Je n'ai pu moi-même décliner la charte dans la région Ile-de-France faute de temps, puisqu'il m'a fallu quitter mes fonctions dès juillet 2002. On dénombre cependant désormais neuf déclinaisons territoriales en régions (Bretagne, Rhône-Alpes, Picardie, Midi-Pyrénées, Centre, Nord-Pas-de-Calais, Basse-Normandie, Pays de la Loire et Champagne-Ardennes) et six signées par des villes (Rennes, Roubaix, Lorient, Lille, Angers et Calais). À Roubaix, cette charte fait d'ailleurs partie intégrante des conventions de financement avec les associations. Aucun département n'a, en revanche, décliné la charte. S'il y a bel et bien eu l'ébauche d'une déclinaison territoriale, le mouvement ne s'est pas pour autant généralisé.
Assez rapidement, au gré des discussions que nous avons eues avec la ministre, il nous est apparu que l'un des enjeux n'était pas tant de réécrire une nouvelle charte, mais de contribuer à son appropriation par les collectivités territoriales. Il importe que la charte devienne un élément du pacte républicain. Il m'apparaissait d'ailleurs, à titre personnel, extrêmement important que le co-président du groupe de travail soit un élu. Le fait que Claude Dilain soit sénateur du département de la Seine-Saint-Denis, a indéniablement contribué à la réussite de notre groupe de travail. La place des collectivités territoriales est cruciale et nous y avons consacré - la présidente ne nous démentira pas - l'essentiel de nos travaux.
Je ne reviendrai pas sur les procédures internes au groupe de travail : le rapport remis à la ministre en juillet dernier, et ses différentes annexes, en précisent la méthode de travail. Mais je souhaite évoquer les principales propositions que le sénateur Claude Dilain et moi-même en avons tirées, avant d'exposer ce qui, à ma connaissance, devrait être la suite réservée à nos travaux.
Le premier point, qui préoccupe beaucoup le monde associatif et rend malaisées leurs relations avec les collectivités publiques, réside dans l'application du droit communautaire. Nous avons eu le sentiment que l'État n'utilisait pas toutes les marges de manoeuvre offertes par le droit communautaire quant aux règles de financement des associations. Il ne faut ainsi pas systématiquement considérer que tout financement octroyé à une association, nonobstant la règle de minimis - soit 500 000 euros sur trois ans, ce qui ne représente un montant somme toute assez limité pour nombre d'associations qui ont des activités de gestion coûteuses - doit systématiquement conduire à une mise en concurrence. À cet égard, nous avons préconisé de reconsidérer la circulaire de 2010 du Premier ministre, qui apparaît trop réductrice. Au risque de choquer, si cette obligation de mise en concurrence est présentée comme une protection, sur le plan juridique, contre d'éventuelles accusations de complaisance ou de favoritisme, sa systématisation nous paraît inopportune. Ainsi, dans certains domaines, comme l'aide à la petite enfance, où elles innovent dans la prestation de services, les associations peuvent légitimement se sentir dépossédées de leurs initiatives par une mise en concurrence qui vient saper leur démarche novatrice.
Le dispositif du projet de loi pour une économie sociale et solidaire, actuellement en cours d'examen, peut nous permettre de maximiser les possibilités offertes par le droit communautaire. La définition de la subvention qu'il propose va dans le bon sens puisqu'il y est clairement affirmé qu'accorder des subventions à une association ne relève pas de pratiques condamnables, mais s'inscrit plutôt dans le sens de l'intérêt général.
Le deuxième point relatif au rôle de l'État réside dans la préservation du régime fiscal des dons et du mécénat. Nous avons d'ailleurs repris le contenu d'un rapport commandé, il y a peu, par la ministre au Haut Conseil de la vie associative. Aussi, ne faudrait-il pas que le monde associatif soit soumis à une sorte de double peine sous la forme, d'une part, d'une réduction prévisible des subventions publiques, qui représentent environ 11 % de ses ressources d'après les travaux de Mme Viviane Tchernonog, et d'autre part, d'une éventuelle réduction des avantages fiscaux qui participent de la dynamique du mécénat. Les dons aux associations, qu'ils proviennent des particuliers ou des entreprises, ne constituent pas, à mon sens, une niche fiscale, mais plutôt une modalité particulière de paiement de l'impôt.
Le groupe de travail a également insisté sur la nécessité d'associer les habitants et les associations au fonctionnement des instances de concertation. En outre, la communication des travaux des instances de concertation et la lisibilité accrue des critères d'octroi de subventions sont susceptibles de contribuer à la transparence du monde associatif.
Le développement de l'emploi associatif constitue une autre priorité : les dispositifs publics d'aide à l'emploi doivent non seulement concerner les entreprises, mais également les associations, qui emploient près d'un million de personnes.
Enfin, l'action de l'État dans le monde associatif doit être relayée par l'ensemble des ministères, dont certains, les ministères sociaux notamment, ont décliné la charte de 2001. La désignation d'un délégué interministériel, placé auprès du Premier ministre et rattaché au ministre chargé de la vie associative, permettrait de veiller à la bonne déclinaison de la charte et, de manière plus globale, aux bonnes relations entre les organes de l'État et le monde associatif. La réalisation d'un tel projet peut s'avérer néanmoins compromise par l'existence d'une direction ministérielle de l'éducation populaire, de la jeunesse et de la vie associative, et par la toute récente nomination, conformément aux engagements du Président de la République, d'un délégué interministériel à la jeunesse qui disposera, lui aussi, de compétences interministérielles renforcées. S'agissant du rôle de l'État, la nouvelle version de la charte ne devrait donc pas apporter de changement substantiel par rapport au texte de 2001.
S'agissant des collectivités territoriales, le groupe de travail a identifié certaines problématiques conjointes à celles de l'État, notamment en matière de transparence des critères d'octroi de subventions. Trois points ont retenu notre attention :
- la reconnaissance du rôle des structures fédératives. En effet, certaines collectivités locales souhaitent subventionner les associations au niveau local, mais elles rechignent à subventionner les structures d'un échelon plus élevé. Or, les associations locales ne peuvent exister sans les unions dont elles dépendent et qui constituent leurs interfaces obligées avec les échelons administratifs de niveau supérieur, soit départemental, régional ou national. Je suis moi-même vice-président de l'Union nationale pour l'habitat des jeunes, plus connue dans le passé sous le nom de l'Union nationale des foyers des jeunes travailleurs, dont la convention négociée au niveau national avec l'État et la Caisse des dépôts est renouvelée périodiquement, ce qui a permis aux foyers locaux de se développer, en complémentarité avec le travail fourni par les unions régionales soutenues par les régions. Cet exemple illustre la nécessité à la fois d'un relai et d'un support de l'action locale par des structures fédératives ;
- la simplification des formalités administratives et la possibilité d'accorder des subventions, sans mise en concurrence préalable ;
- enfin, à l'instar des dispositions figurant dans les chartes signées depuis 2001 par les communes ou les régions, la création de lieux d'accueil, de conseil et d'accompagnement des associations, qui constituent un élément particulièrement fructueux du dialogue avec le monde associatif.
Au-delà des engagements demandés à l'État et aux collectivités territoriales, il importe que le monde associatif améliore sa gouvernance entendue au sens large. D'abord par un effort en faveur de la parité : le monde associatif est majoritairement masculin. Il nous semble important de lutter contre la discrimination, en privilégiant l'arrivée de personnes venant d'horizons sociaux, culturels et économiques différents. Rappelons qu'il a fallu attendre 1981 et l'abrogation d'un décret de 1939 pour que la participation des étrangers à des associations soit de nouveau autorisée. D'autre part, la question de la vie démocratique au sein des associations ne concerne pas tant le cumul des mandats en lui-même, qui demeure la conséquence logique de la liberté d'association, que le cumul dans le temps qui peut s'avérer néfaste, comme j'ai pu le constater en collaborant au comité de la charte du don en confiance créé après l'affaire de l'ARC. Ne faut-il pas demander aux associations de fixer des limites dans le temps aux mandats de leurs dirigeants, de façon à favoriser le renouvellement de leurs instances ?
En outre, il faut inciter les associations à être claires quant à leur projet associatif et évaluer périodiquement la conformité de leurs objectifs à l'aune de ce projet.
L'organisation des parcours des formations des bénévoles est aussi importante. Elle constitue l'un des aspects de la validation des acquis de l'expérience (VAE). Nous avons également insisté sur la nécessité de développer un emploi de qualité au sein des associations.
Le groupe a par ailleurs recommandé d'accorder une plus grande place aux usagers dans le fonctionnement des associations gestionnaires. Même si la CPCA devrait être l'unique signataire de la charte, puisque le choix d'autres cosignataires peut s'avérer difficile, il faut cependant demeurer à l'écoute des habitants et des formes associatives non fédérées.
Pour terminer mon propos, j'aborderai une orientation laissée de côté par notre groupe de travail : la rédaction de chartes pluriannuelles entre les collectivités publiques et les associations. Dans le contexte économique qui est le nôtre, un engagement pluriannuel financier peut s'avérer difficile à respecter et ce même si la pluri-annualité est sous-jacente aux propositions que nous avons formulées.
Les travaux du groupe de travail ont débouché sur un projet de nouvelle charte entre l'État, les collectivités territoriales et le monde associatif qui reste, pour l'heure, soumis à discussions. Ce projet pourrait être prochainement finalisé et officialisé par le Premier ministre et les représentants des associations de collectivités territoriales, à l'occasion de la Journée nationale du bénévolat, le 5 décembre prochain.