Cet amendement m’a été inspiré par le travail réalisé conjointement par nos collègues de la commission des lois Ester Benbassa et Jean-René Lecerf, qui doit être publié prochainement sous la forme d’un rapport d’information consacré aux discriminations.
Reprenons le débat là où nous l’avons laissé, c’est-à-dire à l’évocation du rapport publié en 2007 par le Conseil d’État, qui, contrairement à la réputation qui lui est injustement faite, a lui-même décidé qu’il fallait s’orienter vers un assouplissement de l’exercice du droit de préemption en distinguant, pour un motif d’intérêt général, la préemption d’opportunité et la préemption planifiée.
Le Conseil d’État a également indiqué qu’il avait constaté, en tant que plus haute juridiction administrative, que 40 % des contentieux traités concernaient l’annulation. Notez que, pour être recevable, un recours en annulation doit être introduit dans un délai de deux mois.
Parmi les motifs d’annulation figure le détournement de pouvoir : le titulaire du droit de préemption n’a pas poursuivi un objectif d’intérêt général, mais a entendu, par exemple, empêcher un projet d’acquisition. Ce contentieux du détournement de pouvoir est très encadré dans le temps, le recours devant le juge administratif devant être introduit dans un délai de deux mois. Notez également que l’issue de ce recours ne conduira en aucun cas le titulaire du droit de préemption à supporter une réparation à titre personnel. Dans les cas rarissimes où un recours en vue d’obtenir des indemnités s’ajoute au recours pour détournement de pouvoir, c’est la collectivité qui verse les dommages et intérêts.
Vous me répondrez que, en matière de lutte contre les discriminations, des dispositions existent déjà dans le code pénal et qu’il doit bien être possible de retenir une infraction dans les cas où il est patent que le titulaire du droit de préemption a entendu empêcher un projet d’acquisition, parce que la nationalité, les convictions religieuses ou autres ont été le véritable moteur de sa décision.
Jean-René Lecerf et Esther Benbassa ont fait observer que, dans ses décisions du 17 juin 2008 et du 21 juin 2011, la chambre criminelle de la Cour de cassation, qui a eu à regarder si le titulaire du droit de préemption pouvait faire l’objet d’une condamnation pénale, a répondu par la négative. En conséquence, la commission des lois, à la demande de nos collègues, a étudié la possibilité, lorsque l’élément intentionnel est prouvé, de punir des mêmes peines que les autres cas de discrimination l’usage du droit de préemption à des fins discriminatoires.
Je précise qu’il ne s’agit pas d’une hypothèse d’école.