Chacun souhaite donner toute leur place aux victimes mais le fossé reste grand entre les discours et les actes. Les premières lois datent des années 1970, mais la grande référence reste la loi Badinter sur la protection des victimes d'infractions de 1983. Il convient de noter qu'en 2004, dans le gouvernement de M. Raffarin, Mme Nicole Guedj avait même été nommée secrétaire d'État aux droits des victimes.
Nous avons procédé à une quarantaine d'auditions et nous sommes déplacés dans des juridictions, à Angers et à Lyon, ainsi qu'à la maison de la justice et du droit de Gennevilliers.
Notre dispositif juridique est complet, conjuguant possibilité de se constituer partie civile et existence d'un système d'indemnisation fondé sur la solidarité nationale, mais des faiblesses apparaissent lors de son application.
Je présenterai nos propositions relatives à la meilleure prise en compte de la victime à chaque stade du procès pénal, laissant à M. Béchu le soin de présenter celles relatives à l'indemnisation au titre de la solidarité nationale.
Il appartient à l'auteur des faits de réparer le préjudice et à l'autorité judiciaire de veiller à la garantie des droits des victimes lors d'une procédure pénale, comme l'affirme la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et des droits des victimes.
Tout d'abord, nous souhaitons faciliter la constitution de partie civile. Nous proposons d'améliorer l'information délivrée aux victimes dès leur dépôt de plainte, par un effort supplémentaire de sensibilisation et de formation des personnels de police et de gendarmerie, mais également par l'établissement, au niveau national, d'un formulaire d'information clair et accessible sur les conséquences de la constitution de partie civile et sur les diverses voies d'indemnisation. Tous les justiciables doivent être traités de la même manière. Il faut également assurer l'interconnexion des fichiers de police et de gendarmerie, d'une part, et de la justice, d'autre part. Selon le cabinet de la ministre, les interconnexions des fichiers de la justice avec ceux des forces de l'ordre sont en cours, mais il reste à harmoniser les fichiers de la police et de la gendarmerie entre eux. Nous proposons aussi d'améliorer la procédure permettant à la victime de se constituer partie civile au cours de l'enquête de police.
Les mesures alternatives aux poursuites et les procédures rapides de jugement sont de plus en plus utilisées ; elles accélèrent la justice et contribuent à désengorger les tribunaux mais la victime est parfois oubliée. C'est pourquoi nous proposons de développer le recours à la médiation pénale, sous la responsabilité de professionnels spécialement formés, et d'engager une réflexion sur l'opportunité d'ouvrir la possibilité de prononcer cette mesure, si la victime donne son accord, dans le cadre d'un contrôle judiciaire, d'un ajournement de peine ou d'un sursis avec mise à l'épreuve. Évitons de recourir à la procédure de l'ordonnance pénale lorsque les faits impliquent une ou plusieurs victimes. Certains tribunaux, comme le tribunal de grande instance de Lyon, procèdent déjà ainsi. Améliorons également l'information des victimes dans le cadre des procédures de comparution immédiate, notamment en nous appuyant sur les associations d'aide aux victimes. Il faut aménager la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de la culpabilité (CRPC) afin de permettre à la victime d'être entendue par le procureur de la République avant que ce dernier ne prenne sa décision sur la ou les peines qu'il proposera à l'auteur des faits d'exécuter.
Nous avons constaté que les victimes sont traitées inégalement en matière d'indemnisation. Ainsi la pratique de la correctionnalisation des viols, permise par la loi Perben du 9 mars 2004, ne saurait en aucun cas se traduire par une minoration de l'indemnisation du préjudice subi par la victime. Nous souhaitons, en outre, assurer une large diffusion, auprès des personnels de santé comme de l'ensemble des acteurs du procès pénal, du guide de Recommandations pour la pratique clinique (RPC) pour la rédaction des certificats médicaux initiaux concernant une personne victime de violences établi par la Haute autorité de santé afin de parvenir à une harmonisation des incapacités totales de travail (ITT) attribuées. Il ne nous paraît toutefois pas opportun de remplacer la notion d'ITT, référence connue de tous les praticiens du droit pénal, par celle de déficit fonctionnel temporaire ou permanent. Dans un même souci d'harmonisation, nous proposons de diffuser un référentiel national d'indemnisation des préjudices corporels, dans le prolongement des travaux conduits par le premier président de la cour d'appel de Paris. Les associations craignent que les assurances ne négocient en amont, entraînant un plafonnement des indemnités. Toutefois, ce référentiel ne lierait pas l'appréciation du juge.
Nous souhaitons également mieux accompagner les victimes tout au long de la procédure pénale. Nous proposons de supprimer le juge délégué aux victimes (Judevi), et au contraire de pérenniser les bureaux d'aide aux victimes (BAV) en leur donnant les moyens nécessaires à leur bon fonctionnement. Le Gouvernement s'emploie à en installer dans toutes les juridictions. Les associations d'aide aux victimes jouent un rôle essentiel. Il faut sanctuariser les crédits qui leur sont alloués par l'État. Enfin, il est nécessaire de clarifier les conditions de prise en charge des frais avancés par les victimes dans le cadre des procès d'assises.
Enfin, dernier volet, il faut conjuguer responsabilisation de l'auteur et protection de la victime. Les personnels des services pénitentiaires d'insertion et de probation doivent être sensibilisés aux conditions d'exécution par le condamné de l'obligation d'indemnisation de la victime, prononcée dans le cadre d'une peine ou d'un aménagement de peine. En outre, il est important d'affecter les effectifs nécessaires, de magistrats comme de greffiers, au fonctionnement des bureaux d'exécution des peines (BEX). Il faut mieux informer les acteurs du procès pénal et les victimes de la possibilité d'obtenir le paiement des dommages et intérêts sur les biens confisqués de l'auteur condamné. De même, nous proposons d'étendre le dispositif d'indemnisation des victimes à partir du produit de la vente des biens confisqués de l'auteur aux biens relevant de la compétence du service des domaines.
Notre dernière proposition consiste à confier à un organisme collecteur le soin de jouer le rôle d'interface entre la victime et l'auteur des faits lorsque ce dernier ne s'est pas acquitté volontairement du paiement des dommages et intérêts auxquels il a été condamné. Cette mission pourrait être confiée au fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI).
Telles sont nos pistes pour que les victimes utilisent les dispositifs existants et soient mieux indemnisées.