Comme l'an dernier, ce budget est soumis à des contraintes. Leur effet demeure néanmoins limité grâce à la mobilisation de financements innovants : la taxe de solidarité sur les billets d'avion n'avait pas été revalorisée depuis 2006, grâce à un rattrapage de l'inflation, nous récupérons 23 millions d'euros ; la part de la taxe française sur les transactions financières consacrée au développement et à la solidarité internationale passera de 10% à 15%. Ainsi les crédits de la mission « Aide publique au développement » ne baisseront que de 100 millions, de 3,3 milliards d'euros à 3,2 milliards, sachant que le montant total consacré par la France à l'aide au développement s'établit à plus de 9 milliards. Nos capacités d'action sont préservées ; le niveau de l'Aide publique au développement est stabilisé à 0,45%, voire 0,46%.
Nous mettons en oeuvre les engagements du président de la République. Les Assises du développement et de la solidarité internationale se sont tenues de novembre 2012 à mars 2013. Chacun s'accorde à reconnaître leur résultat satisfaisant. Nous poursuivons l'augmentation de l'aide financière gérée directement par les ONG, afin de parvenir à un doublement en 2017. Nous préparons une loi de programmation et d'orientation sur le développement et la solidarité internationale, une première dans l'histoire de notre République. Le texte est en cours d'examen devant le Conseil d'État, il sera présenté en Conseil des ministres en décembre et le parlement en discutera avant la pause de mars et les élections municipales. Nous maintenons notre aide pour la réalisation de projets, qui constitue l'essentiel de l'aide bilatérale. Les deux tiers de nos dons transitent par un cadre multilatéral, européen surtout. Enfin, nous poursuivons notre travail en faveur de la création de la taxe européenne sur les transactions financières. L'échéance approche. Ce projet soulève des critiques de l'industrie financière, inévitables ; toutefois, est-il normal de soumettre la baguette de pain à la TVA tandis qu'une opération spéculative est exonérée ? Nous menons le combat pour parvenir à un accord politique au 1er janvier 2014 entre les onze pays membres de la coopération renforcée.
Le montant de l'aide alimentaire est préservé. Les financements d'Etat pour conforter la coopération décentralisée sont sanctuarisés, M. Laurent Fabius s'y est engagé à la suite du rapport de M. André Laignel. Enfin, nous maintenons notre contribution de 1,08 milliard d'euros au Fonds mondial de lutte contre le sida pour les 3 prochaines années car cet outil est, de l'avis de toute la communauté scientifique, le plus efficace. Notre souci permanent est de mieux articuler notre action multilatérale et notre intervention bilatérale, afin que l'effort de la France soit mieux reconnu. J'ai accompagné le président de la République en Afrique du sud, pays qui déplore 200 000 morts du sida par an : membres du gouvernement sud-africain, associations, ONG, chacun savait que la France est le deuxième contributeur à ce fonds.
L'évaluation est fondamentale. En dépit des conservatismes, il est important de passer d'une logique de moyens à une logique de résultat. Le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (Cicid), lors de sa réunion du 31 juillet dernier - il ne s'était pas réuni depuis cinq ans ! - a décidé que la France se doterait d'une série d'indicateurs agrégés pour évaluer l'ensemble des actions menées au titre de l'aide publique au développement, éducation, santé, accès à l'énergie, à l'eau, etc. Il s'agit de procéder à une évaluation projet par projet et d'éclairer la société française sur l'utilisation de l'argent public. Le choix des politiques à évaluer sera arrêté pendant la discussion de la future loi. Les parlementaires y seront donc associés. Un Conseil national du développement et de la solidarité internationale (CNDSI), a été créé en remplacement du Haut conseil de la solidarité internationale, d'abord vidé de sa substance puis supprimé. Nous avons voulu restaurer une instance de concertation entre l'Etat, les élus, la société civile et nos partenaires du sud.
La transparence est la meilleure des évaluations. Ainsi, pour la première fois, toutes nos actions menées au Mali figureront sur un site internet hébergé par notre ambassade à Bamako. Si elles s'aperçoivent d'un dérapage sur un projet, les associations pourront nous alerter. Les citoyens maliens comme les contribuables français seront informés. Il y a là un enjeu politique. Dans le passé, des tombereaux de francs CFA ont été déversés au Mali, dans la région du nord en particulier. Or, sur place, certains affirment qu'ils n'en ont pas vu un centime. L'argent s'est-il perdu dans les sables ? Soyons désormais transparents ! C'est un gage d'efficacité, et un signal fort adressé aux autorités maliennes. Le même dispositif de transparence sera étendu, il concernera 16 pays africains en 2014. Lors de la conférence de Bruxelles en mai dernier, nous avons réussi à mobiliser 3,2 milliards d'euros en faveur du Mali sur deux ans. La semaine prochaine aura lieu à Bamako la première réunion de suivi des réalisations. La France, à elle seule, a mis sur la table 280 millions d'aide et, via son réseau diplomatique en particulier, actionne tous les leviers afin de relancer le développement économique du Mali. Nous en voyons déjà les effets concrets. Dans le nord, la moitié des écoles ont rouvert. Mais il faut poursuivre nos efforts : les camps de réfugiés en Mauritanie, au Burkina Faso, ne se sont pas vidés ; les gens ont peur et les événements récents ont alimenté une incertitude peu propice aux retours. Notre responsabilité est d'amorcer un cercle vertueux : dialogue et réconciliation politiques, sécurité et développement sont intimement liés.
Quelques mots à propos de l'agenda post-2015. Inutile de décrire ici toutes les beautés des processus onusiens. La France plaide pour la convergence des deux agendas, agenda international de développement durable et révision des objectifs du millénaire pour le développement. Cela fait l'objet d'un large accord parmi nos partenaires. Reste à définir la méthode pour parvenir une nouvelle feuille de route pour la communauté internationale en 2015.
Puisque nous souhaitons cette convergence au niveau international, il serait étrange de ne pas la mettre en oeuvre dans nos propres programmes d'action. Aussi nous révisons le cadre d'intervention de l'Agence française de développement (AFD). Notre but est de mener une politique qui inclue la soutenabilité environnementale dans les programmes de lutte contre la pauvreté. Comme le souligne le rapport de la Banque mondiale, si rien n'est fait, la température augmentera de 4 degrés à moyen terme, ce qui aggravera l'insécurité alimentaire, la mortalité infantile, etc. Je le répète, les objectifs des deux agendas internationaux doivent converger ! Quant à nous, nous donnerons la priorité, dans les projets financés par l'AFD dans le domaine énergétique, aux énergies renouvelables. Dans le domaine agricole, nous avons doublé la part consacrée à la sécurité alimentaire avec une priorité à l'agriculture familiale, qui est la meilleure garantie.
Je ne partage pas l'avis de ceux qui prétendent que l'argent versé aux fonds multilatéraux est de l'argent perdu. Au contraire ! Mais pour peser sur les politiques menées par les instances internationales, nous devons y renforcer notre influence, en nouant, par exemple, des alliances avec d'autres États, en premier lieu avec nos partenaires au sein de l'Union européenne. Et veiller à la complémentarité entre notre action bilatérale et multilatérale. C'est la meilleure stratégie pour être efficace, influent et visible. Le Cicid a recommandé que la France se dote enfin d'une stratégie multilatérale. La Cour des comptes comme l'OCDE ont déjà regretté le manque de pilotage et la dispersion de nos aides. Aussi, pour la première fois, nous clarifions notre politique. Le dernier rapport de l'OCDE est d'ailleurs moins critique que par le passé.