Monsieur Legendre, je partage votre souci de démocratiser l'accès à l'enseignement supérieur. Je me suis fermement et publiquement opposée à la fermeture de l'antenne universitaire de Béziers ; les 2,5 millions d'euros évoqués ne correspondent pas au coût réel de cette antenne, le sujet n'est pas là. Le contrat de site est un bon outil de contrôle ; grâce à lui, nous pouvons vérifier que l'écosystème universitaire et de recherche est équilibré entre le pôle de métropole et les autres pôles - je préfère ne pas utiliser le terme de pôles de proximité. La communauté d'universités et d'établissements, grâce à laquelle l'ensemble des composantes d'un territoire sont représentées au sein d'un conseil d'administration, définira et mettra en oeuvre une stratégie commune. En outre, nous passerons avec les IUT, qui sont essentiels à l'irrigation d'un territoire, des contrats d'objectifs et de moyens. La mutualisation de l'offre n'exclut pas la qualité des formations qui devront être adaptées aux territoires.
Le CIR est largement centralisé à Bercy. Le Président de la République s'est engagé pour sa stabilité afin de ne pas fournir aux grands industriels le prétexte de se rapprocher de leurs marchés, qui sont éloignés de la France. En tout cas, il faudra bien le plafonner ; il ne serait pas raisonnable d'aller au-delà de 10 milliards. Pour éviter les effets d'aubaine, nous avons mis sur pied des groupes de travail avec Bercy et les industries du logiciel et du numérique afin d'identifier les critères d'un projet innovant. Sans quoi, les entreprises de taille intermédiaire (ETI), les petites et moyennes entreprises (PME) et les start up seront systématiquement pénalisées. Cette nomenclature, très claire, servira pour les préconisations et les contrôles. Pour le reste, il est plus simple de contrôler une start up qu'une grande entreprise. Nous devons pourtant porter notre regard sur toutes les structures, sans suspicion et avec efficacité. Pour avoir travaillé dans une start up, je sais qu'un contrôle, après un an et demi d'existence, est lourd : on y est mal préparé, on y consacre de l'énergie qui serait mieux utilisée à conquérir de nouveaux marchés.
Madame Blondin, bravo à l'université européenne de Bretagne pour le campus numérique ! Puisque vous avez parlé du pôle mer, j'aime bien ce joli mot d'économie bleue qu'emploie M. Cuvillier, qui couvre aussi bien la recherche sur les micro-algues que l'énergie marémotrice. À Boulogne, chez vos concurrents, j'ai visité un laboratoire qui fabrique des produits cosmétiques à partir de poisson. Ils auraient des vertus énergisantes et rajeunissantes, peut-être ne suis-je pas restée assez longtemps sur place pour profiter de leurs bienfaits... L'essentiel est que le secteur cosmétique et du bien-être est très porteur pour l'emploi.
Les crédits affectés à la sécurité et à l'accessibilité, comme le Sénat et la CPU l'avait recommandé, sont passés de 10 à 20 millions d'euros. J'interrogerai mes collègues de l'éducation nationale sur la présence des AVS en BTS. A priori, les étudiants en situation de handicap devraient bénéficier du même traitement que les lycéens.
La France est en première ligne sur la mobilité internationale. Nous nous sommes battus pour conserver au programme européen le nom identitaire d'Erasmus et l'intituler « Erasmus + », et non « Yes-Europe », comme le souhaitait Doris Pack, présidente de la commission de la culture et de l'éducation du Parlement européen. Les 30 % de crédits supplémentaires iront aux apprentis et aux filières technologiques. On a 60 % de plus de chances d'être embauché après une expérience internationale, chacun doit y avoir droit.
Monsieur Magner, voici les premiers chiffres sur les enseignants recrutés en emploi d'avenir : 6 000 cette année, 18 000 à terme. Cela participera de la démocratisation de l'enseignement, à la manière de nos anciennes écoles normales d'instituteurs. Avec ce système qui confère à chaque étudiant 900 euros par mois, le service public retrouvera de l'attractivité. On rassurera les jeunes en leur ménageant une immersion professionnelle progressive, qui sera précédée d'un apprentissage aux techniques de transmission des savoir-faire - car il existe bel et bien des techniques. Tout cela avait disparu sous le précédent quinquennat pour des raisons d'économie. Les écoles supérieures de professorat et de l'éducation assureront la promotion sociale ; les jeunes pourront se retrouver dans des enseignants issus de la diversité ou du milieu rural. La mixité de genre, aussi, est importante : les hommes, je l'ai constaté, se débrouillent très bien dans l'enseignement en maternelle.
Madame Primas, la filière espace est un domaine passionnant. Voici un secteur très diffusant et l'un des seuls à embaucher toutes les qualifications, des caristes aux soudeurs. J'en profite pour répondre à M. Antoinette qu'Ariane 6 n'est pas prévue dans l'immédiat, peut-être pour 2021 ; en attendant, nous devrons trouver une solution intermédiaire. Le patron d'Arianespace, qui est un grand communicant, m'envoie régulièrement des SMS pour m'informer qu'il perd des marchés parce que nos lanceurs ne sont pas adaptés à la demande. Nous devons agir, sans quoi nous irons droit dans le mur ; nous devons aujourd'hui composer avec SpaceX, les Russes, les Chinois et, bientôt, les Indiens. Des emplois se créent néanmoins dans ce secteur. Ainsi, Safran installe une unité supplémentaire à Toulouse. Comptez sur ma vigilance.
Les fonds dédiés dans le budget du CEA correspondent au démantèlement de réacteurs de recherche, dont deux à Grenoble pour un coût de 2 millions d'euros. Soit autant d'argent que pour le pôle Minatec ! Cela prendra dix ans. Nous devons avoir ces chiffres et ce calendrier en tête pour les centrales nucléaires afin de provisionner les crédits correspondants.
Nos laboratoires sont relativement présents en Inde. En revanche, nous avons des progrès à accomplir sur la mobilité : davantage d'Indiens viennent en France, peu de chercheurs français se rendent en Inde. Si ce pays possède effectivement une vraie vitalité, il n'est pas facile d'y monter des partenariats rapidement pour des raisons qui tiennent à la lourdeur des procédures administratives et juridiques. Néanmoins, nous avons la volonté de les développer. Lors du voyage présidentiel en Inde, j'ai été très frappée par une expérience formidable : une université propose à ses étudiants d'accomplir tout leur cursus à partir d'un projet. En l'occurrence, il s'agissait d'un projet d'alimentation en eau d'une région.
Monsieur Leleux, je vous le confirme : les 3,6 millions d'euros de la culture scientifique et technologique seront bien transférés aux régions. Ils peuvent être complétés par des apports du premier PIA. La tutelle de ce secteur est plutôt du ressort du ministère de la culture, la compétence revenant plutôt à mon ministère. J'ai reçu la présidente d'Universcience pour préparer cette évolution. Vous avez raison, les régions ont une appétence plus ou moins grande pour la culture scientifique et technologique, ce qui engendrera forcément des inégalités territoriales. Il faut donc motiver les élus, beaucoup le sont déjà et généraliser les expériences telles que la main à la pâte, les petits débrouillards, sans oublier de diffuser cette culture dans les écoles, les collèges et les lycées.
Merci à M. Vincent de son soutien, dont je ne doutais pas. D'après les données disponibles, les IUT accueillent 3 % de bacheliers professionnels et technologiques en plus. Si cela semble faible, rappelons que c'est une moyenne. Mme Pécresse, avec son allocation annuelle de 5 millions d'euros durant quatre ans, avait fait 300 fois moins bien. Je suivrai ce dossier avec attention. En tout cas, les IUT, que certains étudiants intégraient par stratégie d'évitement du premier cycle à l'université, ont bien joué le jeu.
Attention à l'accueil des étudiants ! Est-il vraiment souhaitable qu'ils soient plus nombreux en psychologie, en sociologie ou en Sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS) ? Je ne le pense pas. Nous sommes dans un système véritablement aléatoire et objectif, le seul que le Conseil constitutionnel admette. Il est, de plus, intégré à Admission Post-Bac, de sorte que les étudiants ne sont pas mis de côté parce que leur premier choix n'a pas été accepté et que nous satisfaisons leur deuxième ou troisième voeu.
On atteindra l'objectif de 50 % d'une classe d'âge diplômée en réduisant le décrochage en première année. Cela requiert d'améliorer l'accueil et l'accompagnement. Voilà pourquoi nous poussons l'innovation pédagogique et le numérique, lequel constitue un bon moyen pour éviter les amphithéâtres trop pleins. Quand j'interroge des étudiants reçus avec mention bien à un bac S puis inscrits en IUT, ils m'expliquent qu'ils n'étaient pas prêts pour l'université et ses grandes salles bondées. Ils ne veulent pas être seuls dans des cours surchargés. On le voit à Grenoble en première année d'études de santé : ils prennent connaissance des cours sur une clef USB, puis voient les enseignants, ont avec eux des échanges dans d'autres configurations. Cette autre façon d'enseigner, plus interactive, peut se développer également en droit. Une meilleure qualité d'encadrement rassurerait les jeunes et leurs familles ; elle éviterait d'envoyer dans le mur des bacs pro - 3 % de réussite en licence en trois ans contre 33 % en moyenne - et techno - 9 % de réussite en licence en trois ans contre 70 % en IUT.
Nous lançons l'année prochaine une campagne « C'est bien la fac ». Durant mon tour de France des universités, j'ai visité des endroits qui donnaient envie de travailler : des cours avec peu d'étudiants et beaucoup d'innovations. Les employeurs veulent des jeunes plus autonomes. Repositivons l'image de l'université, d'une université davantage proactive, elle le mérite. Il est d'ailleurs anormal qu'elle ne représente que 4 % de la formation professionnelle.
La Guyane constitue une composante à part entière de l'Université Antilles-Guyane. Alors que cet ensemble devrait avoir trois piliers, la Guyane ne reçoit pas un traitement équilibré. Les trois postes que j'ai créés pour elle l'an dernier ne lui ont pas été affectés, non plus que les cinq que j'ai dégagés pour 2014. Si l'Université Antilles-Guyane est largement surdotée par rapport à la métropole, du fait du chômage endémique et des difficultés économiques, l'université de Guyane en tant que telle ne l'est pas - et ce n'est pas nouveau. Le départ de certaines personnes remédiera à la non-dynamique de site et contribuera à apaiser la situation. Il y a trois semaines, au début de la crise, j'ai chargé Christian Forestier d'une médiation sur place. L'inspectrice générale que j'avais envoyée par ailleurs m'a confirmé qu'il fallait conforter l'autonomie pour la licence de chacune des trois composantes de l'Université Antilles-Guyane.
Nous avons également ouvert une licence professionnelle en environnement, ce qui était demandé depuis longtemps, en dépit du faible nombre de candidats car n'oublions pas que sur 35 000 jeunes guyanais, seuls 2 500 suivent des études supérieures. La Guyane a toujours été une terre d'accueil : c'est une richesse mais aussi une difficulté, du fait de la précarité que connaissent certaines familles.
Le centre spatial guyanais, qui a été conforté lors de la conférence ministérielle de Naples, devra accueillir davantage de jeunes Guyanais qualifiés : là aussi, nous avons une marge de progression. En outre, nous avons accéléré les travaux pour la bibliothèque et la mise en sécurité des locaux. Enfin, nous allons également améliorer l'accès au site, le logement étudiant et la restauration.
Pour dialoguer, la sérénité doit revenir : nul ne souhaite revivre les violences de 1996. La gouvernance sera revue ; je travaille en étroite collaboration avec M. Lurel le ministre des outre-mer ainsi qu'avec Mme Taubira qui en est originaire ; le Premier ministre nous soutient. Nous prendrons le temps nécessaire pour mettre ne place l'indispensable vision d'avenir, que nous définirons tous ensemble, sachant qu'en tout état de cause il faut deux ou trois ans pour parvenir à une université de plein exercice. Une piste pourrait consister en un élargissement de cette université de 2 500 étudiants aux Caraïbes. Rien ne serait pire que le repli identitaire. Ainsi nous tirerons les jeunes vers le haut.