Intervention de Kader Arif

Commission des affaires sociales — Réunion du 7 novembre 2013 : 1ère réunion
Projet de loi de finances pour 2014 — Audition de M. Kader Arif ministre délégué chargé des anciens combattants

Kader Arif, ministre délégué chargé des anciens combattants :

Le budget de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation » s'élève à 2,85 milliards d'euros, soit une baisse de 2,7 % par rapport à 2013. Le nombre des bénéficiaires de ces crédits diminue quant à lui de 5 %. Compte tenu des mesures d'ordre fiscal, la baisse réelle des crédits est de 1,1 %.

Ce budget contient 13 millions d'euros de mesures nouvelles contre 6 millions d'euros l'an dernier. D'abord, la carte du combattant « à cheval », pour les anciens combattants d'Afrique du Nord, sera mise en place à partir du 1er janvier 2014, et non du 1er juillet. Elle bénéficiera à 8 400 personnes, pour un coût de 4 millions d'euros en 2014, et de 5,5 millions d'euros en année pleine. Ainsi que je m'y étais engagé, cette mesure s'appliquera largement : ceux qui, arrivés au plus tard le 1er juillet 1962, auront accompli 120 jours de présence pourront en bénéficier.

J'ai déjà évoqué devant vous mes priorités dans le domaine social. Le passage à 900 euros de l'aide différentielle au conjoint survivant, décidé avant mon arrivée au ministère, n'était pas financé. Nous avons décidé de la porter à 932 euros, pour un coût global de 800 000 euros. Et compte tenu de l'augmentation du seuil de pauvreté à l'échelle européenne, nous entendons la faire passer à 977 euros dans le cadre du prochain budget triennal. Le dispositif demeure toutefois fragile juridiquement. Faut-il étendre cette aide aux conjoints survivants des anciens combattants issus de nos anciennes colonies, compte tenu de la différence de coût de la vie ? Nous travaillons sur cette question.

Conformément à nos engagements, l'aide sociale de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerres (Onac) sera renforcée à hauteur de 500 000 euros pendant trois ans, soit un total de trois millions d'euros. En 2014, le budget d'aide sociale de l'Onac progressera de 6 % pour atteindre 1,3 million d'euros.

Autre mesure nouvelle, à la demande du ministre de la défense : l'appareillage des soldats blessés en opération extérieure sera financé à hauteur de 1 million d'euros. Ces fonds provenaient auparavant de diverses sources : ils sont pris en charge par l'Etat, afin d'aider plus efficacement nos soldats. A titre indicatif, l'appareillage d'une jambe amputée coûte près de 60 000 euros, à changer tous les quatre ans. Vingt personnes en bénéficieront cette année.

Un mot sur les « malgré-nous » dont les droits n'étaient pas identiques selon qu'ils avaient été prisonniers d'un côté ou de l'autre de la ligne Curzon. Cette question, dont votre rapporteure Gisèle Printz avait de longue date demandé la prise en compte, a enfin pu être réglée. Onze personnes ont fait valoir leurs droits à ce stade. Nous continuerons à traiter tous les dossiers qui nous parviennent.

Mon ministère était politiquement responsable du dossier des harkis et des rapatriés, j'en ai désormais la responsabilité budgétaire : les 17,8 millions d'euros de prestations qui leur sont destinés m'ont été transférés. Un guichet unique sera mis en place, avec le rattachement du service central des rapatriés à l'Onac, comme le seront bientôt la mission interministérielle aux rapatriés et l'agence nationale pour l'indemnisation des Français d'Outre-mer. Cette simplification garantit la pérennité d'un service qui doit rester de proximité. Nous soutiendrons en outre la formation professionnelle et prolongeront le dispositif d'emplois réservés aux enfants de harkis : la durée de leur inscription sur la liste d'aptitude passera de trois à cinq ans. Enfin, des actions mémorielles seront organisées, en collaboration avec le ministère de l'éducation nationale et la Fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie.

Notre budget consacré à la politique mémorielle augmente de 6 millions d'euros, ce qui le porte au total à 23,2 millions d'euros en 2014 ; 12 millions seulement étaient disponibles en 2012. Le coût des célébrations du centenaire de la Première Guerre mondiale s'élève à 11 millions d'euros, celui des célébrations de la Seconde Guerre mondiale à près de 8 millions d'euros. Les acteurs privés participent au financement de ce cycle mémoriel. J'ai beaucoup oeuvré pour associer nos partenaires étrangers à ces événements : j'ai récemment réuni les représentants de plus de trente pays à Paris. La France n'est pas en retard dans l'organisation de ce cycle, et l'argent public est utilisé efficacement.

La question de la rente mutualiste devrait transcender les clivages partisans. D'aucuns m'ont accusé de vouloir supprimer la retraite du combattant : j'ai mal vécu ces accusations, d'autant que retraite et rente mutualiste sont deux sujets distincts. La retraite du combattant concerne 1,2 million d'anciens combattants, la rente mutualiste 400 000 personnes. L'enveloppe globale de cette dernière a été stabilisée à 255 millions d'euros et ne diminue pas ; son plafond de 1 741 euros est maintenu, de même que la demi-part fiscale. L'État soutient doublement ces versements, via un abondement obligatoire destiné à compenser l'évolution du coût de la vie, et un abondement spécifique individualisé. L'abondement obligatoire de l'État n'est pas supprimé, et l'abondement spécifique, qui pouvait aller de 12,5 % à 60 %, sera désormais compris, de manière transitoire, entre 10 % et 40 %.

Je reste ouvert au dialogue. J'ai accepté la création d'un comité de suivi parlementaire sur cette question, et les organismes gestionnaires ont fait savoir que la concertation avait eu lieu. Augmenter le plafond de versement ne concernerait que 40 000 personnes, soit seulement 10 % du total des bénéficiaires de la rente. De surcroît, la diminution des ces versements sera compensée en trois ans par l'actualisation automatique de l'abondement légal en fonction de l'inflation. Enfin, cette rente n'est taxée ni à l'entrée ni à la sortie, ce qui représente une perte de recettes pour l'État de 90 millions d'euros. Nous n'avons pas remis en cause cette disposition. La rente mutualiste est donc protégée.

La décristallisation des pensions, décidée par le président Chirac, a été un geste fort. J'étais récemment au Mali, au Sénégal, ainsi qu'au Maroc : nos partenaires y restent très attachés. Mais de nombreux dossiers - près de 8 000 - sont en retard ; la prolongation d'un an du délai de forclusion, jusqu'à la fin de l'année 2014, a donc été décidée. Les 12 millions d'euros que représente cette mesure seront pris en charge par les crédits du Premier ministre. Cette décision s'inscrit dans le cycle mémoriel qui débute : il faut faire respecter les droits de ceux qui se sont battus pour la France.

Le coup d'envoi de ce cycle mémoriel sera donné aujourd'hui par le Président de la République. Plus de 1 200 projets ont été labellisés dans le cadre du centenaire de la Grande guerre. D'autres le seront à partir de janvier prochain. Les collèges, lycées et universités seront impliqués sur tout le territoire. Si tous les départements n'ont pas connu les combats, tous ont été impliqués humainement dans le conflit, y compris le mien, dans le Sud-Ouest.

Les célébrations du soixante-dixième anniversaire de la Seconde Guerre mondiale ont commencé, notamment en Corse, premier département libéré de France - avant que Sainte-Mère-Église le soit, ne l'oublions pas. Les cérémonies nationales se poursuivront le 11 novembre. Je serai avec le Président de la République à Oyonnax pour honorer les maquisards de l'Ain, en souvenir du défilé du 11 novembre 1943.

Le 14 juillet 2014, 72 pays - amis, alliés, belligérants - seront réunis autour de nos troupes sur les Champs-Élysées. Chaque nation célébrera, outre sa composante militaire, la jeunesse. Le 6 juin, de nombreux chefs d'Etat et de gouvernement seront présents en Normandie, dont Barack Obama, Angela Merkel et Vladimir Poutine. Une cérémonie multilatérale sera organisée à Sword Beach, où a débarqué, aux côtés des Britanniques, le commando Kieffer, seule unité française des troupes de débarquement. L'histoire n'a pas assez rendu hommage à ces 177 hommes qui se sont battus sous l'uniforme britannique sans discontinuer pendant 80 jours, et dont dix sont encore vivants. Des cérémonies bilatérales seront en outre organisées avec les Américains à la Pointe du Hoc, les Canadiens à Juno Beach, ainsi que les Polonais, quatrième contributeur au Débarquement en hommes.

Le 15 août, nous célébrerons le débarquement en Provence, trop méconnu. Des représentants des chefs d'États africains seront présents à nos côtés, pour rappeler le rôle de l'armée d'Afrique ; une grande parade navale est envisagée, avant un défilé à Marseille.

Auparavant, le dimanche 3 août 2014, une minute de silence commémorera l'entrée en guerre en 1914. Je souhaiterais qu'elle soit respectée en France et dans toute l'Europe, dans la limite de ce que permet le décalage horaire. L'interruption du temps, en souvenir de cet instant, serait un symbole fort.

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