Nous allons reprendre la discussion de tout à l'heure, qui a montré combien nos visions respectives de la société et du monde de l’entreprise divergeaient.
Monsieur le ministre, notre groupe partage votre diagnostic en ce qui concerne les emplois qui ne sont pas pérennisés lors des transmissions d’entreprises. Nos différences portent sur le traitement du problème.
Premièrement, nous pensons que, plus on laisse de liberté aux entreprises, mieux elles pourront développer l’emploi. Les emplois étant créés par les entreprises, il nous faut faciliter leur fonctionnement.
À ce titre, ajouter une contrainte supplémentaire n’est pas dans notre philosophie. Je pensais d'ailleurs que ce n’était plus dans la vôtre, à l’heure du « choc de simplification »…
Deuxièmement, le monde est en pleine mutation et les emplois de demain ne sont pas les emplois d’aujourd'hui.
Si un certain nombre d’employés ne veulent pas reprendre les entreprises, c’est parce que c’est bien souvent mission impossible et parce que les charges sont particulièrement lourdes. À cet égard, il conviendrait de simplifier certaines procédures et de limiter certaines normes pour que les salariés reprennent les entreprises avec un peu plus d’entrain.
Mais on sait bien que, lorsqu’une entreprise est à céder, parmi les problèmes qui se posent, il y a notamment celui des machines, qui ne sont plus forcément aux normes et qu’il faudra renouveler, l’entrepreneur n’ayant pas souhaité, bien sûr, investir en fin de carrière.
La reprise en main n’est donc pas d’une redoutable évidence.
Pour ma part, je crois comme vous, monsieur le ministre, que rares sont les employés qui ne sont pas au courant de la situation de l’entreprise. Le dialogue entre l’entrepreneur et ses salariés existe. Laissons-les échanger le moment venu, laissons-leur la liberté d’en parler au « bon » moment – celui choisi par l’entrepreneur pour avertir les employés. Je ne crois pas que des entreprises puissent fermer brutalement sans que les employés aient été mis au courant.
J’en veux pour preuve plusieurs exemples du « terrain ».
Je me rappelle du cas d’un frigoriste, qui réfrigérait des entrepôts de stockage de pommes de terre. Ayant envisagé la transmission de son entreprise, ce frigoriste a aussitôt perdu des contrats dans le monde agricole puisque, voyant que l’entreprise était peut-être amenée à fermer, les agriculteurs ont trouvé plus sûr de faire appel à son concurrent, ne serait-ce que pour l’entretien de leur matériel. Ne sachant qui reprendrait l’entreprise du frigoriste dont je vous parle, ils estimaient qu’elle ne méritait pas qu’on lui confie tel ou tel marché…
Je me rappelle également d’entreprises devenues aujourd'hui des fleurons extraordinaires dans mon département. Je pense à Axon’ Cable qui a été repris par un des cadres et représente désormais 1 700 emplois dans l’ensemble du monde.