Et je ne dénombre que les organisations représentatives de salariés ; je vous épargne la liste des autres organisations : elles y sont toutes favorables, et ça compte.
Au cours des discussions avec les organisations patronales, sont apparues quelques différences d'approche que je me permets d'indiquer. Toutes les organisations patronales – pour l'essentiel les organisations patronales représentatives que sont l'UPA, la CGPME et le MEDEF – m'ont écrit pour me faire part de leur inquiétude, en invoquant des motifs assez différents.
En réalité, après discussion et après que nous avons avancé dans ce texte, je constate que nous avons rassuré l'UPA à bien des égards, notamment sur le fait que lorsqu’il existe des ayants droit familiaux, que leur succession s'organise dans le cadre d'un fonds de commerce familial, le droit d'information des salariés est alors écarté. Aujourd'hui, nous n'observons pas un enthousiasme de la part de l'UPA sur la mesure – je vous mentirais si je vous disais le contraire –, mais, je le crois, beaucoup des inquiétudes qu’elle a formulées dans son courrier ont pu être levées. J’en veux pour preuve que le président de l'UPA, que j’ai croisé il y a quelques jours, ne m’a pas manifesté d'opposition farouche sur ce texte.
J’ai essayé d'écouter les remarques qui ont été formulées. Je n’ai jamais pensé que ces remarques, en particulier celles de la CGPME, tombaient de je ne sais où, étaient déconnectées de la réalité. Incontestablement, des chefs d'entreprise s'inquiètent aujourd'hui des conditions de transmission et nous avons essayé d'en tenir compte.
Je veux aussi vous faire percevoir une certaine réalité. Je reprends l'exemple de la PME de menuiserie dans laquelle le patron travaille six jours sur sept pour faire ses 3 %. Honnêtement, cette entreprise-là, pour le patron, c'est une forme de servitude et d'accaparement qui ne laisse guère de temps au loisir. C'est une réalité que vous constatez : la vie de ces patrons de PME n’est pas la vie dorée des quelques grands patrons d'entreprises cotées qui viennent aujourd'hui expliquer que la transmission dans les entreprises de moins de 50 salariés, ça n’est pas bien, alors qu’ils ne connaissent pas plus la situation que bon nombre de ceux qui en parlent beaucoup !
La réalité de la vie d'un patron de PME, dans ces territoires-là, c'est une vie qui n’est pas facile. Lors de la transmission, qu’est-ce qui intéressera le maire, la chambre de commerce, les clients de la PME, ses salariés ? C'est que l'activité se maintienne, alors que les candidats ne sont pas forcément nombreux à vouloir reprendre le flambeau tant on sait que la gestion de nombre de ces entreprises en période de crise repose sur un investissement et une implication qui sont extrêmement lourds. Il n’y a pas toujours les candidats pour ce type de job.
Notre droit d'information, madame la sénatrice Nathalie Goulet, s'apparente effectivement à un appel à candidature : qui mieux que ceux qui jouent leur emploi, donc leur vie, dans le maintien de l'entreprise, sont le plus susceptibles de la reprendre ? Personne, souvent. Évidemment, il faut être formé, on ne passe pas, du jour au lendemain, de vingt années de gestion d'une imprimante offset à la gestion d'une entreprise… Le collectif des salariés reste souvent le plus intéressé au maintien de l'activité.
C'est à partir de ce raisonnement que nous avons travaillé. J’entends les remarques qui peuvent être faites. Pour les questions de discrétion et de confidentialité, on s'est aligné sur le droit du travail existant : les obligations des salariés détenteurs de ce droit d'information seront les même que celles qui sont imposées aux comités d'entreprise, les CE.
Nous avons donc essayé de construire une stratégie pour maintenir l'activité économique. Après, on trouvera toujours toutes sortes d'arguments pour soutenir qu’un droit nouveau est un facteur de complexification. Mais avec un tel raisonnement, il n’y aurait pas de CE ni de délégués du personnel dans les entreprises de moins de 50 salariés ! C'est la fameuse métaphore du renard libre dans un poulailler où les poules sont également libres, ce qui n’empêche pas le renard de manger les poules ! Nous voulons, au contraire, construire des droits.
(Exclamations sur les travées de l'UMP.) En revanche, vous gagneriez à vous rappeler un peu plus de cet héritage !