Notre groupe, unanimement, ne votera pas ces amendements de suppression. Comme vous tous, nous avons travaillé sur ce texte. Nous sommes très attachés à des principes : le droit de propriété, la liberté individuelle, mais aussi l'intérêt général et le service au public.
Je dirai que notre tradition est d'essayer de trouver un équilibre entre ces grands principes qui gouvernent notre République. Je ne me référerai pas au créateur de la Ve République, ce n’est pas notre histoire… §
Dans ce texte, ce qui est révélateur, c'est ce qui persiste d'une caractéristique française : le climat de méfiance entre les chefs d'entreprise et les salariés – je n’en attribue pas la responsabilité exclusivement aux uns ou aux autres.
Pour en revenir aux propos de notre collègue Marie-Noëlle Lienemann sur ce qui se passe en Allemagne – je ne dis pas qu’il faut toujours se référer à l'exemple allemand –, nous avons un réel problème. Ces relations se vivent comme un combat. S'il est normal que les salariés défendent leurs intérêts et qu’il en aille de même des chefs d'entreprise, il faut sortir d'une certaine guerre de tranchée à laquelle tout le monde concourt depuis trop longtemps.
Nous ne sommes pas de ceux – en tout cas, la majorité de mon groupe – qui prônent un droit de préférence. Il aurait des conséquences néfastes sur le plan économique et présenterait des inconvénients évidents sur le plan constitutionnel. En revanche, je considère qu’il est normal d'informer les salariés.
Dans le cadre des dispositions de l'article L. 2323–19 du code du travail, qui concernent un certain nombre d'entreprises importantes, l'information et la consultation des comités d'entreprise sont déjà prévues ! Je rappelle à nos collègues que, lorsqu'il y a une cession de fonds de commerce, une information paraît dans les journaux d'annonces légales pour que les créanciers puissent éventuellement réagir.
Pourquoi les salariés ne bénéficieraient-ils pas de l’information et ne seraient-ils pas informés que le chef d’entreprise souhaite vendre ? Il n’y aurait là rien d’anormal, et cela ne mettrait pas en danger les entreprises. En effet, soit les salariés disposent déjà d’informations parce que le chef d’entreprise en donne, soit on leur cache la situation, pour des motifs qui ne sont pas toujours très louables.
D’ailleurs, ayant exercé la profession d’avocat pendant trente-huit ans, j’ai plaidé pour des salariés et des chefs d’entreprise. Et j’ai souvenance d’avoir vu des chefs d’entreprise informer les salariés une fois la vente réalisée. Cela pouvait aboutir dans certains cas à des catastrophes économiques. Tout n’est donc pas blanc d’un côté et noir de l’autre.
L’intention ne peut suffire ; il faut sécuriser l’information donnée aux salariés et, par ailleurs, aider ces derniers à reprendre l’entreprise. Voilà la vraie difficulté. Aujourd’hui, avec les bouleversements des moyens de communication que nous connaissons, il devient difficile de continuer à refuser de transmettre l’information de mise en vente.
Nous devons avancer calmement, en respectant les intérêts des uns et des autres. Ce sera d’ailleurs l’objet de l’amendement que je soutiendrai tout à l’heure.