Intervention de Marie-Noëlle Lienemann

Réunion du 7 novembre 2013 à 15h00
Économie sociale et solidaire — Articles additionnels après l'article 11, amendement 153

Photo de Marie-Noëlle LienemannMarie-Noëlle Lienemann :

Je souhaiterais défendre ici un point de vue qui s’inscrira dans la durée, et que nous avons déjà brièvement évoqué dans la discussion générale : la possibilité de donner aux salariés une priorité de rachat si l’offre de reprise qu’ils présentent est équivalente à celle qui aurait été formulée par ailleurs.

Premièrement, je souligne que le Président de la République a formulé cet engagement lors de la campagne électorale, notamment devant les acteurs de l’économie sociale et solidaire, considérant que cette reprise devait être, en particulier, favorisée sous la forme de coopérative.

J’entends bien les arguments relatifs à l’inconstitutionnalité éventuelle de ce dispositif qui peuvent être avancés. Je m’en étonne, car, connaissant les capacités du Président de la République, je ne crois pas qu’il se serait risqué à proposer une mesure anticonstitutionnelle.

Pour autant, je peux comprendre que la complexité constitutionnelle confrontée au droit de propriété mérite d’être approfondie et examinée en détail. Pour ma part, après un examen minutieux, je ne crois pas que le risque d’inconstitutionnalité puisse être retenu.

Le dispositif prévoit, certes, une restriction du droit de propriété en cas de cession d’entreprise, mais, nous le savons bien, sur le plan juridique, cette restriction peut exister, d’une part lorsqu’un objectif d’intérêt général est visé, d’autre part si la contrainte imposée est proportionnée à l’objectif visé.

En matière d’objectifs d’intérêt général, on peut se référer en premier lieu à un principe de niveau constitutionnel, le droit pour les salariés de participer à la gestion de l’entreprise, qui figure dans le préambule de la Constitution de 1946. Cette règle constitutionnelle reconnaît que les salariés ne sont pas étrangers à la vie de leur entreprise, mais une de ses parties prenantes essentielles. Cela justifie qu’on leur octroie un droit de priorité par rapport à un repreneur totalement étranger à la gestion de l’entreprise.

L’objectif n’est pas, en tant que tel, de restreindre le droit de propriété, mais de reconnaître aux salariés repreneurs des droits supérieurs à ceux de tiers repreneurs.

En outre, si une entreprise devient la propriété de ses propres salariés, cela produira vraisemblablement des effets économiques bénéfiques pour l’ensemble de la collectivité, ne serait-ce que parce que ce type d’entreprise aura sans doute moins tendance à se délocaliser qu’une autre. Cette inscription territoriale a priori plus forte contribuera donc à irriguer et à fortifier le tissu productif local.

Ces deux éléments éloignent déjà les craintes d’anticonstitutionnalité.

Je rappelle de surcroît que, lorsqu’un propriétaire décide de vendre un terrain ou un bien agricole géré par un fermier, le code rural accorde à ce dernier un droit de priorité. Pourquoi le problème de constitutionnalité ne se pose-t-il pas dans ce cas et se poserait quand il s’agit d’une entreprise ?

Monsieur le président, cette présentation vaut à la fois pour l'amendement n° 153 rectifié bis et pour l'amendement n° 154 rectifié bis. Cela étant, comme la rédaction de l'amendement n° 154 rectifié bis est meilleure, je retire l'amendement n° 153 rectifié bis à son profit.

Monsieur le ministre, peut-être le Gouvernement n’est-il pas prêt à donner une traduction législative à l’engagement du Président de la République. Pourtant, je continue de croire que ce qui n’est pas possible aujourd’hui le deviendra demain. C'est la raison pour laquelle je vous demande d’examiner cette proposition avec attention.

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