Tout en respectant le travail de qualité qu’ont réalisé M. le rapporteur et la commission de même que l’argumentation qu’ils défendent, j’abonderai dans le sens de ceux de mes collègues qui se sont exprimés sur l’article 11.
Certes, la volonté de préserver l’emploi est partagée par toutes et tous. Néanmoins, au-delà de son efficacité supposée, cette mesure nous paraît éthiquement injuste et constitutionnellement tendancieuse.
Comme Bruno Retailleau l’a rappelé, nous affirmons de plus en plus souvent notre volonté de simplifier les normes, mais, en réalité, nous ne faisons qu’alourdir les codes, notamment le code du travail.
Ainsi, le surplus de complexité dans la transmission des entreprises qu’introduirait cet article 12 se ferait uniquement au détriment du propriétaire et des associés, sans que les salariés puissent en tirer le moindre bénéfice.
Cette mesure apparaît injuste, car le propriétaire perdrait la liberté d’attendre la meilleure offre. Cette conséquence ne peut être niée. En effet, l’alinéa 6 précise que la cession « ne peut intervenir avant l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la notification qu’il fait à la société de son intention de vendre, afin de permettre à un ou plusieurs salariés de présenter une offre d’achat de cette participation. »
En d’autres termes, pendant deux mois le propriétaire ne sera plus maître de son bien. Or, personne ne venant partager les risques financiers encourus par le propriétaire et les associés lorsqu’ils sont en possession de l’entreprise, il n’y a pas de raison que les gains qu’ils puissent tirer de la vente soient menacés par un tiers, même si celui-ci est un salarié de l’entreprise.
En outre, cette mesure soulève une question constitutionnelle. En effet, le droit de propriété figure dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 disposant que la propriété est un droit « inviolable et sacré ». Et si le Conseil constitutionnel admet qu’il puisse être dérogé à ce principe, il ne l’accepte que pour la préservation d’un autre principe constitutionnel ou pour la préservation de l’intérêt général.
Dans le cas de l’instauration de ces délais permettant aux salariés de présenter une offre de rachat, le principe de proportionnalité entre la fin et les moyens ne me semble pas respecté.
Enfin, sur le plan de l’efficacité, votre dispositif nous semble contre-productif. Rappelons les conditions d’une cession de parts.
Au début du processus, le prix attendu par le propriétaire est volontairement au plus haut. Comme souvent quand la vente n’aboutit pas immédiatement, les exigences financières du propriétaire sont revues à la baisse après plusieurs mois. Par conséquent, on peut s’interroger sur l’utilité de faire intervenir les salariés en début de processus, lorsque le prix de la cession est au plus haut et alors qu’à ce moment les salariés ne disposent pas des fonds nécessaires.
L’ensemble de ces éléments nous conduit à considérer que l’exclusivité accordée aux salariés pour formuler une offre de reprise serait inopérante dans la plupart des cas, lorsqu’elle ne serait pas contre-productive. En effet, il existe un risque certain de voir les salariés faire une offre de reprise prématurée qui ne rendra pas compte de la réalité du rapport de force entre offreur et demandeur, sans oublier la question de confiance que cela soulève.
En conclusion, parce que l’instauration d’un délai permettant aux salariés de présenter une offre de rachat nous paraît inacceptable sur le plan éthique et contre-productive pour les salariés, notre groupe propose la suppression de cet article 12.