Intervention de Michel-Pierre Prat

Mission commune d'information sur le sport professionnel — Réunion du 31 octobre 2013 : 1ère réunion
Audition de Mm. Michel-Pierre Prat conseiller-maître à la cour des comptes et alain serre conseiller à la chambre régionale des comptes de languedoc-roussillon

Michel-Pierre Prat, conseiller-maître à la Cour des comptes :

Notre rapport de 2009 concernait d'abord le suivi financier du soutien des collectivités territoriales aux clubs professionnels. Les montants et les modalités dépendent de la taille de la collectivité, de l'importance des clubs, de la discipline sportive, le football bénéficiant généralement de bien plus de moyens que le volley-ball ou le handball. Le rapport de forces est défavorable aux collectivités, qui doivent faire face à des demandes d'aide urgente ou de mise aux normes des installations. Nous avons recommandé de mettre en place des outils de chiffrage.

Nous nous sommes intéressés aux relations partenariales entre les collectivités et les clubs ; nous avons recommandé de conditionner l'aide à des contreparties en termes de missions d'intérêt général : formation, lutte contre la violence dans les stades ou initiatives d'intégration. Nous avons constaté une grande confusion entre les clubs professionnels - régis par les ligues - et les associations sportives supports, qui dépendent des fédérations, lesquelles sont titulaires d'une délégation de service public. Il est important de bien distinguer ces deux correspondants des collectivités. Nous ne sommes pas partisans d'une forte modification des plafonds, bien identifiés comme celui de 2,3 millions d'euros pour les concours financier.

Nous n'avons pas procédé à un suivi systématique depuis la publication du rapport en 2009, mais le Sénat a toute faculté de demander au Gouvernement de s'y consacrer. Les contrôles courants fournissent cependant quelques illustrations des conséquences graves qui se manifestent lorsque les relations entre collectivités, clubs et associations sportives ne sont pas équilibrées.

Nous avons recommandé à l'État d'établir un bilan des relations entre associations et collectivités, ce qui à notre connaissance n'a pas été fait par les services du ministère. Nous avons abordé la question de la mise à disposition, par les collectivités, des équipements sportifs. Dans notre enquête, nous avons noté une grande différence entre la France et les autres pays européens, où les clubs sont propriétaires de leur stade, ou les États-Unis, où ils sont franchisés pour quatre ou cinq ans, ce qui évite l'aléa sportif : pas de yo-yo d'une division à l'autre. Les systèmes français, où les collectivités sont propriétaires, comporte beaucoup d'anomalies - mises à disposition à titre gratuit ou presque, absence de convention - qui sont autant de sources de conflits et de contentieux. La collectivité est souvent prise au piège des exigences du club résident.

Nous nous sommes enfin penchés sur le remplacement ou la rénovation d'équipements réalisés dans les années soixante à quatre-vingt et devenus obsolètes, ou ne répondant plus aux normes. Dans la dernière période, la production de nouvelles normes s'était ralentie. D'autres ont pris le relais pour imposer de nouvelles contraintes : je songe aux exigences formulées par l'Union des associations européennes de football (UEFA) pour l'organisation de l'Euro 2016. Même lorsqu'un club assure la construction de se équipements, les infrastructures d'accès restent à la charge de la collectivité : à Lyon, elles ont coûté presque aussi cher que le stade lui-même. Nous ne sommes pas favorables à un bouleversement des textes actuels, mais plutôt à un bilan assorti de contrôles. Nous avions également recommandé à l'État de fixer des principes concernant la redevance pour mise à disposition des installations ; d'imposer le respect de règles prudentielles dans le cas où l'État est sollicité directement ; et même de prévoir dans certains cas des autorisations par le préfet, après audit de la situation financière et juridique.

Nous préconisions seulement deux mesures nouvelles. D'abord, le respect de la règle des quatre C : signer une convention systématiquement, exiger une présentation correcte des comptes, communiquer dans une véritable transparence et contrôler par soi-même l'utilisation des aides consenties, sans attendre l'intervention ultérieure de de la chambre régionale des comptes. Cette règle doit être combinée avec celle des cinq E : efficacité, efficience, économie, expérimentation - signer d'abord une convention renouvelable d'un an, ensuite seulement une convention pluriannuelle - et évaluation. Il serait enfin souhaitable que toute initiative importante soit précédée d'une délibération de la collectivité sur l'ensemble des enjeux, afin que les citoyens soient correctement informés, ce qui aurait aussi pour vertu d'éviter bien des recours et des retards.

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