Intervention de Hubert Haenel

Réunion du 15 février 2005 à 16h00
Modification du titre xv de la constitution — Discussion d'un projet de loi contitutionnelle

Photo de Hubert HaenelHubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne :

Il est des domaines, en revanche, où il nous faut plus d'Europe : politique internationale, défense, lutte contre la grande délinquance transfrontière, encouragement à la croissance, lutte contre le dumping social et fiscal.

Il convient donc de recentrer l'Union européenne sur ses vraies compétences. Alors, les citoyens la comprendront mieux et, du même coup, s'y retrouveront davantage. Désormais, nous allons pouvoir favoriser ce recentrage. C'est un pouvoir nouveau et, en même temps, ce sera pour nous, parlementaires, une responsabilité importante. Nous serons, dans cette affaire, complètement autonomes, et si nous ne jouons pas efficacement ce nouveau rôle, nous ne pourrons nous en prendre qu'à nous-mêmes.

C'est pourquoi la délégation pour l'Union européenne a déjà eu, à deux reprises, un débat sur la manière dont le Sénat pourrait mettre en oeuvre le « carton jaune » et le « carton rouge ».

Je voudrais rappeler les termes du problème. Nous aurons, chaque année, plusieurs centaines de textes à examiner en vertu du futur article 88-5. Pour faire le tri entre ces nombreux textes, il faudra pouvoir s'appuyer sur des critères, avoir une cohérence, une doctrine et des réflexes. C'est donc forcément un même organe qui devra examiner l'ensemble des textes. Pour procéder à cet examen, cet organe disposera d'un délai strict de six semaines et, pendant ces six semaines, il devra aussi, le cas échéant, chercher des alliés au sein des autres parlements nationaux. Car, pour que la Commission européenne soit tenue de revoir sa copie, il faudra qu'un tiers des parlements nationaux lui adresse des avis motivés.

Nous sommes parvenus à la conclusion que, pour faire face à l'ensemble de ces exigences, la seule solution réaliste et efficace, donc la meilleure, serait de confier à la délégation pour l'Union européenne la responsabilité en première instance du « carton jaune ». On verra ensuite s'il y a lieu d'aller plus loin ! Naturellement, si l'avis de la délégation était contesté, la décision définitive serait élevée de plein droit pour être prise par une autre instance : soit en séance plénière, soit par la conférence des présidents, où sont représentés tous les groupes et toutes les commissions ; toute autre formule pourrait, au demeurant, être envisagée.

Pour le « carton rouge », la décision devrait être prise dans tous les cas en séance plénière ou, en dehors des sessions, éventuellement par la conférence des présidents En tout cas, il faudra bien trouver une solution !

Ainsi, le dispositif serait à la fois efficace et légitime, ce qui permettrait au Sénat de remplir son rôle dans les délais prescrits.

Nous étant largement accordés sur cette formule, nous nous sommes interrogés : cette solution, à supposer qu'elle soit retenue par le Sénat, serait-elle jugée acceptable par le Conseil constitutionnel dès lors que les délégations pour l'Union européenne ne sont pas mentionnées dans la Constitution ? La réponse n'était pas claire. C'est pourquoi, dans un premier temps, conformément à la suggestion qu'avait faite quelques semaines plus tôt le président Christian Poncelet, j'ai proposé que les délégations reçoivent un statut constitutionnel, afin que le Sénat soit libre, en tout état de cause, de choisir le moment venu la formule qu'il jugerait la plus appropriée.

Mais cette solution, forcément controversée, était-elle vraiment nécessaire ? Reprenant pour un temps ma « casquette » d'ancien membre du Conseil d'Etat, j'ai recueilli des avis autorisés. Il en est ressorti une conclusion claire : l'article 3 du projet de loi constitutionnelle habilite le Sénat, ainsi que l'Assemblée nationale, bien sûr, à définir par son règlement les modalités de mise en oeuvre du « carton jaune » et du « carton rouge ». Dans ces conditions, rien n'empêche qu'il confie à la délégation le rôle de première instance, dès lors - et c'est le point capital - qu'il ressortira des travaux parlementaires que le Constituant n'a voulu exclure aucune formule.

Je me tourne donc, d'abord, vers le Gouvernement. Naturellement, ce n'est pas à lui de dire comment le Sénat doit s'organiser ; il n'a pas à entrer dans ce débat. Mais en tant qu'auteur du projet de loi constitutionnelle, il est co-responsable de la bonne interprétation de ce texte. Je souhaite donc, au nom de la délégation, que le Gouvernement nous confirme qu'il a voulu s'en remettre sur ce point au règlement des assemblées, sans vouloir exclure telle ou telle solution.

Et je me tourne maintenant vers la commission des lois. Il ne s'agit pas, je le répète, de définir par avance la solution qui sera retenue le moment venu. Peut-être le Sénat adoptera-t-il une solution complètement opposée à celle que j'ai proposée. Là n'est pas le problème ! Ce que nous souhaitons, c'est que le Sénat conserve le libre choix entre toutes les formules possibles, y compris celle que j'ai proposée, ce qui suppose que l'article 3 soit interprété comme n'excluant a priori aucune formule.

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