Intervention de Bernard Frimat

Réunion du 15 février 2005 à 16h00
Modification du titre xv de la constitution — Discussion d'un projet de loi contitutionnelle

Photo de Bernard FrimatBernard Frimat :

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, monsieur le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, le Gouvernement soumet à notre discussion son projet de loi constitutionnelle modifiant le titre XV de la Constitution. Notre débat, quel qu'en soit l'intérêt, n'est que secondaire par rapport à celui qui portera, lors du référendum, sur la ratification ou le refus du traité signé à Rome le 29 octobre 2004 par vingt-cinq chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne.

Ce débat principal, essentiel pour l'avenir de la construction européenne, les socialistes l'ont tranché, en ce qui les concerne, dans une consultation interne. Cet exercice démocratique exigeant a permis à tous les socialistes, dans le respect des convictions de chacun, de déterminer la position que le parti socialiste adopterait vis-à-vis du traité établissant une Constitution pour l'Europe.

En cohérence avec ce vote favorable au traité, les sénateurs socialistes, dans leur majorité, répondront oui lors du prochain référendum. Par voie de conséquence, ils voteront dans les mêmes conditions en faveur de la révision constitutionnelle puisque son adoption constitue la condition préalable à la ratification.

Pour autant, monsieur le ministre, votre projet de révision n'est pas pleinement satisfaisant. Certes, vous levez les obstacles d'inconstitutionnalité relevés par la décision de novembre 2004 du Conseil constitutionnel, mais vous ne limitez pas votre projet de révision à ce seul objet. Aux articles 1er et 3, qui permettent de mettre la Constitution en conformité avec cette décision, vous avez ajouté les articles 2 et 4, qui n'étaient en aucune façon exigés par le Conseil constitutionnel.

Le groupe socialiste demandera la suppression de ces articles qui, loin de clarifier le problème des frontières de l'Union, comme certains ont osé le dire, ne font qu'apporter la confusion, en mêlant au débat sur le traité constitutionnel celui qui porte sur l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne. Ces articles 2 et 4 abritent des dispositions de circonstance que le Gouvernement propose, par commodité, pour tenter d'aplanir les différends au sein de l'UMP. La vocation de la loi suprême n'est pas de régler ce type de problèmes !

Si la volonté du Gouvernement est bien la ratification du traité, il est indispensable qu'aucun autre sujet ne vienne polluer le débat. Ne pas respecter cette exigence essentielle de clarté fait encourir un risque inutile à la ratification.

De plus, l'adoption de l'article 2 aura pour conséquence de déposséder les futurs présidents de la République de leur liberté d'initiative référendaire et de priver le Parlement de ses prérogatives en matière de ratification des traités. En quoi ces deux dispositions constituent-elles des progrès pour notre système institutionnel et en quoi sont-elles susceptibles d'assurer le succès du oui au référendum ?

Il est regrettable que, pour un enjeu aussi important que celui de la révision de la Constitution, le Gouvernement ait préféré ses intérêts partisans à l'intérêt général.

Les socialistes approuvent le traité constitutionnel parce qu'il marque un progrès réel par rapport à la situation institutionnelle actuelle de l'Union européenne. Cette approbation se conjugue avec une réaffirmation de leur opposition à la politique du Gouvernement, dont les Français peuvent mesurer, à chaque initiative nouvelle, le caractère néfaste.

Notre oui est un oui de gauche, qui s'inscrit dans la tradition des socialistes français et européens, artisans depuis l'origine de la construction européenne.

Résultat d'un compromis, comme tous les textes de cette nature, ce traité n'est pas parfait. Il reste en deçà de nos espérances, mais il ne comporte aucun recul. Au contraire, dans de nombreux domaines, il marque des avancées, si l'on a la rigueur intellectuelle de l'analyser comme il est et de refuser la vision caricaturale qui en est souvent présentée.

Que ce traité rencontre, au demeurant, l'hostilité des souverainistes n'a rien d'étonnant. Hostiles à la construction européenne, ces derniers restent en cela logiques avec eux-mêmes et fidèles à un raisonnement toujours hexagonal, parfois nationaliste.

Quand la réponse possible à la question posée se limite à « oui » ou « non », la nuance est par définition interdite. Il importe d'aller à l'essentiel, et surtout de ne pas choisir sa réponse en fonction d'éventuels compagnons de route dont on préférerait se dispenser. Ce référendum dépassera, chez les tenants du oui comme chez ceux du non, les clivages politiques traditionnels qui divisent nos assemblées. Je respecte les convictions de chacun ; je ne m'interrogerai donc pas sur le fait de savoir s'il est préférable, pour un homme de gauche, de voter oui avec M. Giscard d'Estaing ou de voter non avec MM. Le Pen et de Villiers, s'il est préférable de voter oui avec les socialistes espagnols ou de voter non avec les conservateurs britanniques.

Le traité constitutionnel n'est qu'un cadre. Il ne détermine pas le contenu d'une politique. Il ne définit que le mode d'organisation au sein duquel pourront s'exprimer des orientations politiques différentes, correspondant aux choix affirmés par le peuple souverain lors des élections.

La composition politique du Parlement européen et celle du Conseil européen ne résultent pas d'un traité, fût-il constitutionnel. C'était vrai hier, cela le sera encore demain. La politique menée par l'Union européenne dépendra toujours de l'orientation politique majoritaire au Conseil et au Parlement européen, tout comme la politique menée en France dépend non pas de la Constitution, mais du résultat de nos consultations électorales.

L'Union européenne est le fruit d'un processus de construction, elle a une histoire qui lui permet aujourd'hui d'être un espace de paix après avoir été, des siècles durant, le lieu d'affrontements sanglants. Cette construction qui nous a conduit de l'Europe des six à l'Europe des vingt-cinq, du Marché commun et de l'union douanière au marché intérieur et à la monnaie unique ne s'achèvera pas avec ce traité. Celui-ci n'est qu'une étape supplémentaire et en aucune façon un aboutissement qui serait un carcan.

Il est d'ailleurs curieux que, le plus souvent, les critiques portent sur des articles de la troisième partie du traité. Or certains de ceux-ci ne font que reprendre des articles figurant dans le traité constitutif de la Communauté économique européenne. Acceptés pendant des dizaines d'années, pourquoi deviendraient-ils, à l'occasion d'une consultation référendaire, des menaces pour les citoyens européens ?

Le traité qui sera soumis au référendum ne comporte en lui-même aucune sacralisation d'une politique européenne de droite. Il n'est pas sérieux de le charger a priori de tous les maux, de le rendre responsable des insuffisances de l'Union européenne alors qu'il contient un certain nombre de dispositions qui permettent de construire une Europe plus sociale, une Europe plus démocratique.

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