Intervention de Kalliopi Ango Ela

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 13 novembre 2013 : 1ère réunion
Contrat d'objectifs et de moyens de campus france — Communication

Photo de Kalliopi Ango ElaKalliopi Ango Ela, rapporteure :

En application de l'article 1er de la loi du 27 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'Etat, nous devons examiner pour avis le projet de contrats d'objectifs et de moyens (COM) de Campus France.

Le contexte mondial de l'enseignement supérieur est marqué par une forte croissance de la mobilité étudiante internationale. Les deux tiers des étudiants en mobilité proviendront en 2025 des pays émergents. Cet enjeu majeur soumet les pays d'accueil à une forte concurrence à la fois économique, scientifique et d'influence.

L'ouverture de nos universités et grandes écoles est l'une des conditions du maintien de la position de la France parmi les pays majeurs de l'économie de la connaissance.

La mobilité d'étudiants étrangers vers la France a progressé de 60% au cours des dix dernières années. La France a accueilli en 2011-2012, 288 544 étudiants étrangers et se situe avec l'Allemagne à la 4ème place.

Le contrat d'objectifs et de moyens de Campus France, qui est l'opérateur de cette politique d'attractivité en direction des étudiants et des chercheurs, comporte 4 objectifs stratégiques, eux-mêmes déclinés en 16 sous-objectifs et 47 indicateurs de performances ou d'activité.

Cette présentation a tendance à mettre sur le même plan des objectifs stratégiques fondamentaux et des objectifs secondaires.

Ces quatre objectifs stratégiques correspondent globalement mais pas strictement aux missions fixées par le législateur.

Le contrat ne reprend que de façon atténuée « la promotion et le développement » de l'enseignement supérieur dispensé au moyen des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Cette atténuation s'explique par les nouvelles orientations données par le législateur aux Universités dans le cadre de la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche.

« L'aide à la délivrance des visas et l'hébergement » est comprise dans l'objectif 2. Dans ce cadre, des guichets uniques aident les étudiants en cours de séjour à constituer leur dossier de renouvellement de titre de séjour et facilitent leur mise en relations avec les préfectures qui les instruisent et les délivrent. Ils aident également les étudiants à trouver un logement.

Je formulerai quelques remarques qui trouveront dans l'avis leur écho sous forme de propositions d'amendement.

Pour l'accomplissement de ses missions, Campus France fait appel au réseau diplomatique à l'étranger, sous l'autorité des chefs de mission diplomatique. Cette capacité est rappelée dans l'objet du contrat. Mais à aucun moment, l'Etat ne s'engage sur le maintien de ce réseau d'Espaces Campus France, ni sur les moyens qu'il lui affecte dans un contexte général de baisse des dotations de fonctionnement des EAF et des subventions aux Alliances françaises, pas plus qu'il ne prévoit une concertation avec l'EPIC Campus France pour définir la cartographie de ce réseau. Je propose d'inscrire cet engagement de l'Etat dans le COM.

L'objectif 4.2. « Améliorer l'efficience de la gestion des crédits des bourses du gouvernement français » est justifié. Les indicateurs de performances associés peuvent être pertinents. Toutefois, les gains de productivité attendus ne peuvent être obtenus que si l'établissement a une visibilité sur le nombre de dossiers qu'il aura à traiter, de telle sorte qu'il puisse affecter à cette mission, le nombre d'agents strictement nécessaire et qu'il puisse dimensionner correctement les moyens de fonctionnement et outils informatiques correspondants.

Il est probable que, compte tenu des frais fixes de structures, le modèle économique de cette activité suppose une augmentation du nombre de bourses gérées pour obtenir une diminution des coûts de gestion. Or, il n'est pas établi dans le contexte budgétaire actuel que l'Etat ait l'intention de développer le nombre de boursiers.

Pour mémoire, le nombre total de bourses du gouvernement français s'est élevé en 2012 à 14 491, en légère baisse par rapport à 2011.

A minima, il serait en conséquence souhaitable que le ministère des affaires étrangères s'engage à communiquer en début d'année civile, après le vote de la loi de finances, le nombre de bourses qu'il demandera à l'EPIC Campus France de gérer.

Le contenu de l'objectif 4.5. « Améliorer l'efficience de la gestion interne à l'opérateur et assurer une gouvernance de qualité » est insuffisant en matière de gestion des ressources humaines. Il serait souhaitable que l'EPIC puisse avoir une visibilité sur les emplois qu'il sera autorisé à pourvoir et donc que l'article 1er contienne un tableau annuel du nombre d'emplois sous plafond.

Le COM ne contient aucune indication sur les priorités géographiques assignées à l'EPIC Campus France dans ses différentes missions. Ces priorités sont définies par le ministère des affaires étrangères. Elles ont nécessairement une incidence pour Campus France, ne serait-ce qu'en termes de coût de déplacement ou d'organisation (langues utilisées dans les publications, organisations des missions...). A tout le moins, les zones prioritaires d'action du ministère devraient-elles figurer dans le COM.

Si le COM fait preuve de réalisme en indiquant des montants de subvention en baisse, on comprend d'autant moins certaines réserves, comme celles concernant les mesures de régulation budgétaire. Les dispositions financières seront toujours soumises à l'aléa de la loi de finances annuelle. Dès lors, si l'on veut trouver un intérêt financier pour l'établissement, l'exonération du gel budgétaire paraît un minimum. Aussi je vous propose de supprimer la mention « et des mesures de régulation budgétaire » de l'article 1er.

L'article 1er indique que « l'EPIC pourra bénéficier de financements complémentaires sur projets, de la part des ministères de tutelle comme d'autres bailleurs. ». Il est pour le moins étonnant que le COM ne mentionne pas les projets susceptibles d'être développés dans les deux prochaines années, ni les financements complémentaires qui pourraient leur être affectés. Le développement des guichets uniques en région, ou encore de système d'identification et d'animation du réseau des « alumnis » (anciens étudiants et chercheurs) sont des projets nouveaux qui auraient pu être identifiés à ce titre et se voir attribuer de nouveaux financements. De fait, il est demandé à l'EPIC de les financer avec une subvention pour charge de service public en diminution.

De surcroit, le COM contient un objectif 4.6. « S'attacher d'une manière générale à diversifier et augmenter les sources de financement de l'opérateur non liées au budget de l'Etat » dont la rédaction est ambiguë. Cet objectif est d'ailleurs dépourvu d'indicateur associé. S'agit-il de demander aux usagers de participer au financement de certains services ? S'agit-il d'orienter les priorités vers les prestations au titre des bourses des gouvernements étrangers au détriment de ses missions de service public ? Il paraît à tout le moins nécessaire que le conseil d'administration de Campus France en débatte.

Enfin, d'une manière générale, les indicateurs proposés sont de nature quantitative et rarement de nature qualitative. Or, l'efficience d'un service public se mesure aussi par la qualité du service qu'il rend à ses usagers et la satisfaction qu'il leur apporte dans la relation qu'ils nouent avec eux. Il est sans doute difficile de proposer d'emblée un indicateur synthétique mesurant le degré global de satisfaction des usagers. Pour autant, il importe que l'établissement entre dans ce cadre logique et qu'il puisse, en liaison avec les ministères concernés, bâtir le ou les indicateurs qui pourront à l'occasion du prochain COM mesurer sa performance. C'est pourquoi la conduite d'enquêtes de satisfaction est indispensable dans le cadre du COM.

Enfin, je voudrais formuler trois observations complémentaires.

Le COM 2013-2015 est soumis au CA en novembre 2013. Dès lors sa durée de vie se trouve raccourcie à 2 ans. Il serait souhaitable qu'à l'avenir les COM soient préparés et adoptés l'année qui précède leur renouvellement.

Dans l'acronyme COM, le C veut dire contrat. Or comme souvent, les COM fixent des objectifs sur lesquels les établissements s'engagent, ils fixent des indicateurs qui vont permettre d'apprécier leur mise en oeuvre, mais ils sont très évasifs sur les moyens mis à disposition par la tutelle. Dès lors il y a un réel déséquilibre, des obligations certaines, des moyens incertains. C'est plus une feuille de route qu'un contrat.

D'outils de pilotage stratégique, les COM deviennent de plus en plus un nouveau mode d'exercice de la tutelle permettant à l'opérateur et à l'Etat de déterminer les indicateurs d'activité ou de performance sur lesquels la gestion de l'opérateur sera appréciée. D'ailleurs, l'évolution prochaine de la dénomination de ces outils, « contrat d'objectifs et de performances », mettra les mots en adéquation avec la réalité.

Je propose que la commission donne un avis favorable à l'adoption du COM par le conseil d'administration de Campus France, sous réserve des observations et amendements inscrits dans le texte qui vous a été distribué et si vous me suivez dans cette voie, je remercie notre collègue René Beaumont, qui représente le Sénat au sein de ce conseil de se faire votre porte-parole pour faire valoir notre point de vue.

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