Intervention de Michel Delebarre

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 13 novembre 2013 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2014 — Mission « pouvoirs publics » - examen du rapport pour avis

Photo de Michel DelebarreMichel Delebarre, rapporteur pour avis :

Notre commission présente depuis deux ans un avis sur la mission « Pouvoirs publics », qui regroupe les crédits de la présidence de la République, des assemblées parlementaires, des chaînes parlementaires, du Conseil Constitutionnel, de la Haute Cour et de la Cour de justice de la République. Elle ne comporte pas de programmes, mais assure, comme le précise le Conseil Constitutionnel, « la sauvegarde du principe d'autonomie des pouvoirs publics concernés, lequel relève du respect de la séparation des pouvoirs. »

À l'exception de la chaîne Public Sénat, toutes les dotations sont diminuées ou reconduites en euros courants. Celle de la présidence de la République sera de 101 660 000 euros (- 2 %), se rapprochant ainsi de l'objectif de moins de 100 millions en 2015. Ses effectifs ont diminué de 17 % en quatre ans et elle a fait une meilleure application des règles de la commande publique. Elle a même vendu, pour la première fois, 1 200 bouteilles de sa cave à vin.

Reconduites en euros courants, les dotations de l'Assemblée nationale (517 890 000 euros) et du Sénat (323 584 600 euros) ne couvrent pas leurs dépenses, ce qui les contraindra à des prélèvements sur leurs ressources propres. Les deux chambres compenseront toutefois la hausse de leurs dépenses d'investissement par des économies de fonctionnement.

La dotation de la Chaîne parlementaire augmente de 2,06 % avec 35 210 162 euros en raison de la hausse de 4 % de celle de Public Sénat, portée à 18 569 000 euros, celle de LCP-AN étant reconduite à 16 641 162 euros. Il ne s'agit pas de moyens supplémentaires, mais d'une redéfinition du rapport de la chaîne à l'institution, avec la revalorisation des loyers pour les locaux qu'elle occupe au Palais du Luxembourg, et la suppression des mises à disposition gratuite de fonctionnaires.

Les crédits du Conseil constitutionnel, à 10 776 000 euros, baissent de 1,03 %, malgré la poursuite du chantier de rénovation des locaux et le triplement de l'activité depuis la mise en place de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC). La dotation de la Cour de justice de la République (866 600 euros) diminue de 6 %, grâce notamment à la renégociation de son bail locatif, que nous avions souhaitée dans les rapports précédents. Il n'y a pas de crédits pour la Haute Cour, en l'absence de réunion prévisible, ni pour les indemnités des représentants français au Parlement européen, directement prises en charge par ce dernier, rendant d'ailleurs cette dotation inutile.

La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 et la loi organique du 10 décembre 2009 ont mis en place à compter du 1er mars 2010 la QPC, définie ainsi par l'article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. » Entre la première décision rendue le 28 mai 2010 et le 19 juillet 2013, 332 décisions issues d'une QPC ont été rendues, soit cinq fois plus que les 67 décisions résultant d'une saisine a priori du Conseil. Si l'on exclut les deux premières années que l'engouement pour la nouvelle procédure rend non représentatives, le Conseil rend 70 à 80 décisions par an, dans un délai de deux mois et trois semaines - donc inférieur au délai de trois mois prévu par la loi organique - grâce à la limitation des plaidoiries à quinze minutes, au refus systématique des reports d'audience, etc. Sur 1 684 QPC soulevées devant les juridictions 20 % (soit 348) ont été renvoyées au Conseil, grâce à un filtre efficace sans constituer un obstacle insurmontable. Parmi ces QPC, 55 % ont donné lieu à une déclaration de conformité totale, 13 % à une conformité avec réserve d'interprétation, 17 % à une non-conformité totale et 9 % à une non-conformité partielle, les 6 % restant correspondant à des non-lieux à statuer.

Le nombre important de décisions n'a pas entraîné d'insécurité juridique particulière : les non-conformités demeure limitées (49 sur 332), et pour la moitié d'entre elles (23), le Conseil a usé de la faculté de moduler dans le temps les effets de sa décision, conformément à l'article 62 : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause. »

Le Parlement a ainsi eu à se prononcer en matière de garde à vue sur les articles 62, 63, 63-1 et 77 du code de procédure pénale, censurés mais avec une modulation dans le temps de onze mois de l'application de cette décision. Le décalage a été d'un an et demi pour l'article L. 251-3 du code de l'organisation judiciaire, qui fixait la composition du tribunal pour enfants et portait atteinte au principe d'impartialité des juridictions. Il a été de quatorze mois pour l'article 800-2 du code de procédure pénale, relatif aux frais irrépétibles, qui portait atteinte à l'équilibre du droit des parties dans le procès pénal.

Ce délai est sécurisant, même s'il conduit souvent le Parlement à légiférer dans des délais restreints. En effet, ce décalage n'est pas possible, en raison des principes de non-rétroactivité de la loi pénale plus dure et de rétroactivité de la loi pénale plus douce, lorsque le Conseil traite de la définition des infractions, comme lors de la censure de l'article 222-33 du code pénal définissant le délit de harcèlement sexuel, après laquelle le législateur a dû adopter rapidement la loi du 6 août 2012.

L'activité du Conseil constitutionnel a triplé depuis 2010, tandis que sa dotation diminue chaque année depuis 2008 avec une baisse totale de 13,2 %. Il conviendrait sans doute, pour les exercices suivants, que ce budget puisse être pérennisé.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion