Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, avant tout, je prie les sénateurs qui vont s'exprimer après moi de bien vouloir excuser mon absence dans la suite de cette discussion car une réunion me contraint à regagner l'Hôtel Matignon.
Je tiens à dire que j'ai été vivement intéressé par le débat de qualité qui s'est engagé cet après-midi sur un texte particulièrement important, dont je soulignerai à la fois la dimension politique et le caractère juridique.
M. Pierre Mauroy vient de conclure son propos en rappelant qu'il pouvait y avoir plusieurs oui - le sien, le mien -tout en souhaitant les voir, non pas semer la confusion, mais s'additionner.
L'Europe, et c'est un point très important, n'est pas partisane ! Vous l'avez dit et vous avez, monsieur le Premier ministre, agi en conséquence en 1983, comme l'avait fait François Mitterrand et, avant lui, le général de Gaulle avec le Chancelier Adenauer, Valéry Giscard d'Estaing avec le Chancelier Schmidt. Mais il ne faut pas oublier non plus que c'est Jacques Chirac qui, devant le Bundestag en l'an 2000, a avancé l'idée de l'élaboration d'une constitution européenne. C'est pourtant sur la base de cette proposition, lancée avec force, que nous pouvons, aujourd'hui, travailler sur un projet de constitution.
Certes, les socialistes, les démocrates chrétiens, mais aussi de nombreuses familles politiques ont participé à ce projet européen qui appartient à notre destin commun.
Aujourd'hui, le Premier ministre de la République tchèque, avec qui j'ai déjeuné, m'a confié que l'opposition de son pays expliquait que, l'Europe étant de droite, il fallait voter non. Ailleurs, on tient le discours strictement opposé. Dans tous les pays, il y a un clivage national, et ce clivage national a tendance à être reporté sur le clivage européen. Or l'Europe n'est ni de droite ni de gauche : l'Europe est notre avenir, notre destin et j'en veux pour preuve le fait que de grandes personnalités, de droite comme de gauche, ont participé à sa construction.
Il nous faut, aujourd'hui, veiller, les uns et les autres, à nous montrer capables, grâce à cette Europe, de résoudre les problèmes qui se posent à la société. Les problèmes sont les mêmes partout. Le problème de l'emploi serait-il de gauche en Espagne au motif que le gouvernement est de gauche, et de droite en France au motif que le gouvernement est de droite ? En fait, il doit être réglé à l'échelle de l'Europe. C'est en ce sens que le traité constitutionnel nous offre de nouveaux moyens pour renforcer la croissance dans l'Union européenne.
Ce traité n'est pas partisan : il doit mobiliser tous ceux qui veulent donner à notre continent une existence internationale. Il doit provoquer non pas la confusion, mais le rassemblement de tous au service d'un projet commun, dans le respect de l'identité de chacun.
Vous avez évoqué les uns et les autres - et j'ai été notamment sensible au plaidoyer de M. Mercier - la nécessité de préserver la liberté institutionnelle du Président de la République. Cet argument ne m'a pas échappé, mais je pense qu'il est important, à l'occasion de cette révision constitutionnelle, de clarifier le débat sur l'entrée de la Turquie dans l'Europe.
Les Français ont besoin de cette clarification et nous n'avons pas peur du débat. Dès lors que la Turquie veut adhérer à l'Union européenne, posons la question et tentons d'y apporter une réponse !
Quelle est la situation ? Les dirigeants de ce grand pays veulent qu'il entre dans l'Europe. C'est désormais au peuple turc de prouver qu'il veut vivre « à l'européenne », qu'il veut transformer la société turque pour qu'elle adhère aux valeurs européennes. Chacun peut aujourd'hui émettre un pronostic : nous verrons bien, dans les années à venir, si le peuple turc suit ses dirigeants et engage une évolution en ce sens. En fin de compte, grâce à la révision constitutionnelle que vous vous apprêtez à voter, mesdames et messieurs les sénateurs, c'est le peuple français qui appréciera les progrès accomplis par la Turquie dans la voie de l'adhésion aux valeurs européennes.