Intervention de François Autain

Réunion du 15 février 2005 à 16h00
Modification du titre xv de la constitution — Discussion d'un projet de loi contitutionnelle

Photo de François AutainFrançois Autain :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, le traité signé à Rome le 29 octobre 2004, qui motive cette révision constitutionnelle, ne peut en aucune façon préparer la France et les pays de l'Union européenne à relever les défis politiques et économiques qui nous attendent.

Véritable instrument de la mondialisation libérale, ce traité, comme ceux qui l'ont précédé depuis Maastricht, ne permettra pas à l'Europe de dominer son avenir et de se battre à armes égales avec les pays émergents, l'Inde et la Chine. Tandis que la part de l'Union européenne dans les exportations mondiales ne cesse de diminuer, l'objectif majeur de la Banque centrale européenne reste la lutte contre l'inflation alors que cette politique monétaire est mortifère pour l'emploi et la croissance.

L'article I-30 du projet de traité établissant une Constitution pour l'Europe dispose que « l'objectif principal du Système européen des banques centrales est de maintenir la stabilité des prix ». Pour notre économie et celle de nos partenaires, ce dogme est une véritable camisole de force. Il nous laisse démunis face à la dévaluation du dollar - plus de 30 % en un an - et met en péril des millions d'emplois.

Par ailleurs, le principe selon lequel « l'Union est un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée » est un obstacle à toute politique industrielle. Toute préférence communautaire, toute restriction à la libre circulation des capitaux vers l'extérieur est prohibée.

En réalité, faute d'un projet politique clair sur le sens à donner à la construction européenne, ce traité est une fuite en avant. Il dévale la pente du déclin sans donner aux pays européens les moyens de dominer leur avenir. Avec l'élargissement à vingt-cinq, puis à vingt-huit, et demain à trente avec la Turquie, c'est le projet d'une Europe politique acteur de ce monde qui disparaît au profit d'une union marchande calquée sur le modèle du Commonwealth britannique. A cet égard, il n'est pas étonnant d'entendre le Premier ministre de Sa Majesté célébrer cette constitution.

La directive Barroso-Bolkestein témoigne de cette dérive préoccupante. La logique de cette directive est effrayante. Elle accroît les risques de dumping social en Europe et de délocalisation des emplois. Demain, des pays dont la législation sociale est peu exigeante pourront hisser le drapeau de complaisance dans l'ensemble des pays européens. Le Gouvernement, qui a approuvé ce texte, tente de nous rassurer. On nous dit que ce n'est pas pour demain, qu'il est encore temps d'amender cette directive ; certains demandent que la santé soit exclue de son champ. En vérité, personne n'est dupe d'une manoeuvre qui vise à gagner du temps. Cette directive, comme celle qui est en préparation à Bruxelles sur la libéralisation des ports maritimes, sera « servie » aux Français après le référendum.

Pour les élus républicains, il n'est qu'un seul mot d'ordre : le retrait pur et simple d'une directive qui célèbre l'Europe du moins-disant social.

II faut d'ailleurs se réjouir de pouvoir combattre ce texte sous l'empire du traité de Nice. Si imparfait que soit ce traité, jusqu'en 2009, les règles prévues quant à la formation d'une majorité rendent possible le rejet de ce projet par la France et l'Allemagne. En revanche, avec le traité constitutionnel, le poids de ces deux pays pionniers dans une Europe à vingt-cinq, puis à trente, sera minoré et leurs voix deviendront minoritaires.

Je livre cet argument à la réflexion de tous ceux qui, à gauche, croient que l'on peut s'opposer à la directive Bolkestein, tout en approuvant les bases juridiques qui la rendent possible. Ceux qui s'apprêtent à voter en faveur de ce texte doivent savoir qu'ils auront, dès 2009, les mains liées, toute révision n'étant possible qu'à l'unanimité.

Evidemment, quelle que soit la force des arguments avancés, il est probable que la logique de nos institutions l'emporte sur la conviction des uns et des autres. Au moment où notre Parlement s'apprête une nouvelle fois à se dessaisir d'une partie des pouvoirs que le peuple français lui a confiés, j'aimerais qu'il se ressaisisse. Mais, à entendre certains des orateurs qui m'ont précédé, je pense qu'il ne faut pas rêver.

C'est donc au peuple français que reviendra, en juin prochain, le soin de refuser cette Europe du déclin et de la fatalité. Je souhaite que, au cours de la campagne qui s'annonce, tous les partis politiques puissent se faire entendre et que toutes les sensibilités puissent s'exprimer librement. J'espère que les Français seront nombreux à rejoindre les comités pour le non qui se constituent dans tous les départements et qui sont animés par des communistes, des socialistes

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