Intervention de Robert Badinter

Réunion du 15 février 2005 à 16h00
Modification du titre xv de la constitution — Discussion d'un projet de loi contitutionnelle

Photo de Robert BadinterRobert Badinter :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi constitutionnelle qui nous est soumis est singulier parce qu'il comprend, dans un même projet, deux révisions : l'une est nécessaire pour que nous puissions soumettre aux Français le traité sur la Constitution européenne dans le cadre du référendum à venir ; l'autre, de nature contingente, concerne la question du référendum devenant obligatoire pour l'adhésion des nouveaux membres à l'Union européenne : il s'agit, soyons clairs, des articles que le doyen Gélard a qualifiés devant la commission des lois d' « articles turcs ».

J'indique tout de suite que, pour ma part, je voterai oui étant profondément européen et considérant que la voie qui doit s'ouvrir est celle d'une Europe fédérale. Sur ce dernier point, le traité ne recueille pas toute ma satisfaction, mais il marque un progrès réel et, comme l'a si bien rappelé Pierre Mauroy, la voie est tracée.

S'agissant de la seconde révision qui se glisse dans la première, à savoir la sanction obligatoire par référendum de l'adhésion des nouveaux membres, telle la Turquie, je rappelle qu'elle sera définitive. Quoi qu'il arrive, elle sera inscrite dans notre Constitution.

Lorsque M. Gélard indiquait tout à l'heure que ce qu'une révision peut faire une autre peut le défaire, je veux croire que ce n'était là qu'argument de juriste ou paradoxe d'homme intelligent.

Sérieusement, monsieur le rapporteur, je ne pense pas que demander au Sénat d'approuver la révision constitutionnelle en indiquant que cela n'a pas d'importance parce que, par un tour de passe-passe, on pourra la faire disparaître lorsqu'on n'en aura plus besoin, soit de nature à faire prendre à coeur par le Parlement les révisions constitutionnelles !

En fait, il s'agit d'une disposition que vous voulez voir adopter et dont vous ne pouvez pas dire qu'elle n'est là qu'à titre temporaire, le temps d'une opération politique.

Cette seconde partie de la révision constitutionnelle, qui est inscrite dans les articles 2 et 4 du projet de loi constitutionnelle, cumule à vrai dire tous les défauts : elle est juridiquement inutile, elle est politiquement inopportune et elle est constitutionnellement détestable.

Cette seconde partie est inutile parce que les deux questions ne sont pas liées. Il n'est en effet nul besoin de régler la question du référendum éventuel sur l'adhésion de la Turquie au moment où seule se pose la question de la révision de la Constitution après la décision du Conseil constitutionnel et pour la rendre conforme aux dispositions du traité qui donnent de nouveaux pouvoirs au Parlement. Cette modification est nécessaire, elle est même indispensable ; il faut y procéder rapidement.

En revanche, s'agissant de la question turque, je dirai, en pastichant Molière : que diable vient-elle faire à cet instant - j'allais dire dans cette galère en pensant à Lépante ?

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