Les deux problèmes sont distincts.
Cette seconde révision est également inopportune.
M. le Premier ministre m'a étonné lorsque, avec son talent habituel, il s'est précipité sur la question turque. Je ne m'y attendais pas. Je ne pensais même pas avoir à en parler, sauf pour évoquer des considérations constitutionnelles, car tel n'est pas l'objet du débat.
Il n'est pas bon de mélanger la question si complexe et si difficile de l'intégration de la Turquie dans l'Union européenne et la question si importante et si immédiate, à laquelle on doit apporter une réponse franche et claire, de l'adoption de la Constitution européenne.
Comme M. le garde des sceaux a eu la loyauté et la franchise de le dire, il s'agit d'opportunité politique. J'ai indiqué pourquoi je ne pouvais partager ce sentiment. Et lorsque l'on dit qu'il s'agit de respecter un engagement du Président de la République, je crois rêver !
Il ne s'agit pas d'une promesse électorale qui aurait été faite devant le pays tout entier. Il ne s'agit pas davantage d'un engagement pris dans le cadre d'un débat qui aurait animé le pays pendant des mois ou des années. A propos de la Turquie, nous avons été, reconnaissons-le, d'une discrétion éblouissante. Ce fut le silence complet.
Voilà pourtant un certain nombre d'années que la question se pose lors de chaque conseil européen. Le conseil européen de 2002 fut d'ailleurs essentiel puisque c'est lui qui a véritablement ouvert la voie.
Il n'y a pas eu de vrai débat au Parlement, sauf à considérer comme tel les quelques heures de débat croupion à l'Assemblée nationale - non suivi d'un vote, cela va sans dire - ou bien le débat dérisoire qui eut lieu ici même alors que le Conseil européen s'était déjà prononcé.
Le Président de la République ne s'est donc pas engagé à l'issue d'un débat. Il s'est engagé en même temps qu'il faisait connaître sa décision, son « oui si ». Comme il connaissait l'inquiétude des Français, il leur a dit : rassurez-vous, c'est vous qui vous prononcerez par voie de référendum.
Toutefois, cette annonce comportait une faille qui a immédiatement été relevée.
Le choix entre le recours au référendum ou la ratification par voie parlementaire est un des pouvoirs du Président de la République, mais il doit l'exercer au moment voulu.
Comme chacun le sait, le processus qui s'est ouvert sera long. Le référendum sur l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne devrait avoir lieu vers 2012 ou 2015. Il concernera, si j'ose dire, nos cadets. En tout état de cause, c'est une évidence, l'actuel Président de la République, à qui je souhaite longue vie, ne sera plus en fonction à ce moment-là, sauf à envisager je ne sais quelle présidence à vie. Et je ne crois pas que cela relève de la révision constitutionnelle !