Intervention de Hugues Portelli

Réunion du 15 février 2005 à 22h15
Modification du titre xv de la constitution — Discussion d'un projet de loi contitutionnelle

Photo de Hugues PortelliHugues Portelli :

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi constitutionnelle qui nous est soumis est un acte juridique et politique historique, car il crée les conditions d'une mutation profonde de la construction européenne dans laquelle la France s'est engagée depuis cinquante-cinq ans.

Il aurait pu faire l'objet d'un référendum constituant, plus facile à conduire que la défense et l'illustration d'un texte de deux cent trente pages, mais il est vrai qu'une disposition de ce projet de loi constitutionnelle, étrangère au traité, a été introduite et qu'il vaut peut-être mieux qu'une seule question soit posée au peuple français.

Quelles nouveautés constitutionnelles apporte le traité du 29 octobre 2004 et en quoi justifient-elles une révision de la Constitution ?

Le projet de traité constitutionnel est une codification, une compilation et une rationalisation du droit institutionnel européen en vigueur, mais il donne à ce droit et à ses institutions une force symbolique et normative plus grande, que traduit, notamment, l'introduction de la charte des droits fondamentaux dans le droit positif.

C'est un texte hybride, qui réunit des dispositions de type constitutionnel dans sa première et sa deuxième partie et des dispositions de nature diplomatique dans la troisième, ce qui pose la question de sa nature exacte.

Le Conseil constitutionnel, fidèle à la lecture qu'il fait de la construction européenne depuis l'origine, propose une lecture minimaliste du traité, celle d'une Union européenne simple confédération d'Etats souverains exerçant en commun des compétences transférées.

Le projet de loi constitutionnelle ne fait que traduire cette jurisprudence dans la Constitution et opte donc pour une modification permanente au cas par cas de celle-ci, à chaque révision des traités européens.

Peut-on se contenter de cette lecture minimaliste et de cette entrée constitutionnelle à reculons dans la construction européenne, lorsque l'on sait que cette lecture n'a jamais été celle de la Cour de justice de Luxembourg et que celle-ci n'a pas hésité à affirmer, dès 1964, en pleine présidence du général de Gaulle, dans son arrêt Costa contre Enel, la primauté du droit européen, et, dès 1978, le caractère constituant des traités ?

Le barrage de papier que le Conseil constitutionnel dresse devant la Cour de justice lorsqu'il affirme le caractère confédéral du système communautaire tient d'autant moins que la supériorité de la Constitution française ne sera affirmée qu'en cas de contradiction flagrante d'un acte législatif européen avec des dispositions expresses de la Constitution française.

On peut penser que de tels cas, dans la pratique, ne seront qu'exceptionnels, voire théoriques. Il faut donc se poser la question de savoir quelles seront les vraies conséquences de l'introduction du traité constitutionnel dans le droit public français.

Le fait que le projet de loi constitutionnelle soit mal écrit - ce qui, entre nous, n'est pas une nouveauté !

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