Intervention de Jean Bizet

Réunion du 15 février 2005 à 22h15
Modification du titre xv de la constitution — Discussion d'un projet de loi contitutionnelle

Photo de Jean BizetJean Bizet :

C'est chose faite, ou presque.

Nous sommes effectivement à la veille de l'adoption d'une constitution qui renforcera un grand pays, car l'Union européenne est désormais un grand pays, une confédération d'Etats-nations rassemblant vingt-cinq membres, des grands, mais aussi des moins grands, animés par un même idéal, réunis autour des mêmes valeurs et comptant 450 millions d'hommes et de femmes voulant avant tout conforter ce que les pères fondateurs de cette Europe nous ont légué voilà plus d'un demi-siècle : la paix, la démocratie et le développement économique.

Il y a en effet soixante ans que nous vivons en paix, que nos acquis sociaux ont progressé comme jamais ils ne l'avaient fait au cours des siècles précédents, que le développement économique nous a permis d'atteindre un niveau de vie inégalé à ce jour, mais qui nécessitera encore et toujours d'autres progrès, d'autres sauts technologiques pour faire de cette Europe l'économie de la connaissance la plus performante du monde. C'est la stratégie de Lisbonne, la prochaine grande mission de cette Europe.

Elaborer une constitution est une tâche ambitieuse et difficile, qui mérite d'être effectuée avec le maximum de lisibilité. Le traité établissant une Constitution pour l'Europe va dans ce sens, à mon avis dans le bon sens !

Nous sommes aujourd'hui réunis pour examiner le projet de loi constitutionnelle. Adopter ce texte revient à marquer davantage encore notre engagement européen et notre volonté de mieux faire fonctionner l'Europe.

Cependant, ce vote n'est qu'une étape. II reste encore du chemin à parcourir jusqu'au « oui » au référendum. Nous avons notamment un devoir de communication auprès de nos concitoyens. Il serait en effet illusoire de croire que chacun d'entre eux aura lu les 448 articles et les 36 protocoles de la Constitution. C'est à nous qu'il reviendra d'expliquer ce traité et de compléter ainsi le vote auquel je vous invite.

Ce traité est le fruit d'un compromis entre différents Etats. Certes, il n'est pas parfait, mais je crois sincèrement que ses qualités sont bien supérieures à ses défauts.

Sa première qualité est d'établir un cadre juridique stable, auquel tous les acteurs pourront se référer. Depuis 1986, nous avons signé quatre traités. C'est beaucoup. C'est le signe de l'essoufflement du système qui est actuellement en place. Le cadre ne doit pas être modifié trop souvent si nous voulons pouvoir mener des politiques cohérentes. Je précise cependant que ces politiques feront l'objet d'autres débats ; celui qui nous occupe présentement est de nature constitutionnelle. Or une constitution ne préjuge en rien des politiques qui seront ensuite menées.

La réforme d'aujourd'hui n'a pas du tout la même envergure que celle d'hier. Le traité établissant une Constitution pour l'Europe ne s'inscrit pas dans la continuité du traité de Rome, comme ce fut le cas de tous les traités jusqu'à présent. Du passé, il a, en partie, fait table rase ! Il a reconstruit quelque chose de nouveau en tenant compte des difficultés du présent système.

Cette Constitution pour l'Europe comporte donc de nombreuses avancées significatives : fusion des piliers, droit de pétition pour les citoyens, consécration de la charte des droits fondamentaux... L'énumération serait longue.

Parmi ces avancées, je suis très sensible à la création d'un président du Conseil européen et d'un ministre des affaires étrangères. Parallèlement à ce que nous avons vécu au sein de l'Organisation mondiale du commerce depuis 1995, un seul commissaire ayant en charge le commerce extérieur, il était impératif pour la politique étrangère de l'Union d'avoir la même approche vis-à-vis de la communauté internationale.

Une autre des qualités de cette Constitution est de renforcer le rôle des parlements nationaux au sein de l'Union européenne, ce qui permet de faire taire les critiques selon lesquelles l'Union Européenne étoufferait peu à peu la souveraineté des Etats membres. Bien au contraire, la nouvelle Constitution nous invite à une fructueuse coopération entre l'Union et les Etats.

Il va de soi que, dans un jeu démocratique, le pouvoir se voit opposer des contre-pouvoirs : les parlements nationaux se sont donc vu attribuer de nouvelles prérogatives.

Les parlements nationaux participeront, tout d'abord, au contrôle du principe de subsidiarité, en amont, par un avis et, en aval, grâce à la possibilité d'un recours devant la Cour de justice. Ils pourront, ensuite, refuser la mise en place d'une clause passerelle. Ils seront, enfin, étroitement associés à la mise en oeuvre de l'espace de liberté, de sécurité et de justice.

Même s'il est vrai que la place des parlements nationaux dans la construction de cet espace est encore assez floue, le traité prévoit que des lois européennes viendront préciser la mise en oeuvre de ces associations. Je souhaite que les parlements, notamment par le biais de l'article 88-4 de la Constitution, s'investissent largement dans la définition de leurs prérogatives à ce sujet.

En théorie, il est indéniable que les parlements deviennent des acteurs majeurs de la construction européenne. Mais, vous le savez, un texte est malléable dans son interprétation et plus encore dans sa pratique. Ce texte est d'abord ce que nous en ferons !

Il nous faut saisir les opportunités qui s'offrent à nous. C'est pourquoi nous devons, nous, parlementaires de toute l'Europe, nous efforcer d'assurer la plus large coopération possible. Cette Constitution comporte un véritable enjeu et nous devons en prendre la mesure.

C'est dans cette optique que j'appelle à une étroite collaboration avec, d'une part, l'Assemblée nationale et, d'autre part, les parlements des autres Etats membres.

Tout d'abord, pour déterminer si un texte est contraire au principe de subsidiarité, chaque chambre aura une voix. Si nous estimons réellement qu'un acte viole ce principe, désormais fondamental, nous devrons faire front commun avec l'Assemblée nationale.

Par ailleurs, le Parlement, même bicaméral, doit s'opposer d'une seule voix à une clause passerelle. Nous serons alors amenés à voter une motion dans les mêmes termes que l'Assemblée nationale. Il sera fondamental d'instituer un mécanisme à la fois réactif et très complémentaire entre les deux chambres pour assurer avec efficacité le rôle que nous permet d'exercer désormais le traité constitutionnel.

Avec nos collègues dans toute l'Europe ensuite, nous nous devons de développer le même esprit de collaboration. Chacun au-delà de ses sensibilités propres saura se retrouver sur l'essentiel, le fondamental. La COSAC, qui a la possibilité de donner des avis à la Commission, doit plus que jamais assumer son rôle d'instance de concertation.

Je tiens d'ailleurs à souligner que, depuis quinze ans, les délégations pour l'Union européenne effectuent un travail de fond sur l'ensemble des sujets européens

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