Intervention de Dominique Voynet

Réunion du 15 février 2005 à 22h15
Modification du titre xv de la constitution — Discussion d'un projet de loi contitutionnelle

Photo de Dominique VoynetDominique Voynet :

Au contraire, la situation du monde actuel, notamment sur les plans écologique et économique, ses conflits et ses dérives exigent que nos institutions se stabilisent.

Les politiques européennes ainsi renforcées et démocratiquement mieux légitimées doivent faire émerger sur la scène mondiale d'autres modes de résolution des conflits que la force et l'unilatéralisme, d'autres modèles de gestion des ressources que la fuite en avant et le gaspillage qui caractérisent nos actuelles façons de produire et de consommer.

Nous devons pouvoir réformer notre politique agricole, relancer nos équipements de transports collectifs, mieux prévenir les délocalisations au sein de l'Union européenne par l'harmonisation de nos réglementations sociales, améliorer la coordination de nos politiques de recherche, penser une politique commune de défense fondée sur le droit et la prévention des conflits.

Autrement dit, les formes antérieures de la construction européenne, dans lesquelles l'économique « tirait » le politique en avant, dans lesquelles l'intergouvernemental « tirait » la décision commune au détriment de la représentation directe des peuples, ne conviennent plus à la période actuelle.

Je considère que les réponses apportées par le traité sur le plan institutionnel, si imparfaites soient-elles, fournissent les premières clefs pour ouvrir de nouvelles perspectives à notre continent.

La seconde raison qui m'amènera à voter « oui », c'est le fait que ce texte est finalement assez représentatif, sur la forme comme sur le fond, de l'idée que nous devons nous faire de la démocratie européenne.

D'autres l'ont dit avant moi, ce texte est le fruit d'un compromis : il représente, à un moment donné, le point d'équilibre auquel il est possible de parvenir entre des peuples différents, entre des opinions publiques et des traditions politiques différentes, entre des groupes de pression multiples et, bien sûr, entre des visions parfois opposées de la société.

De ce point d'équilibre, chacun ne retrouvera pas l'intégralité de ce qu'il pouvait attendre. Les Verts, qui auraient apprécié que l'on aille plus loin en matière fiscale ou énergétique, continueront à défendre une vision très fédérale de l'Europe, moins libérale et moins répressive.

Mais je comprends que d'autres, qui ont une vision moins intégrée ou moins régulatrice, puissent s'agacer des avancées bien réelles qui ont été apportées dans le domaine social, dans celui des services publics ou de l'élargissement du contrôle parlementaire.

Ce point d'équilibre, pour insatisfaisant qu'il soit encore, ne ferme aucune porte et ne grave rien dans le marbre, contrairement à ce que j'ai pu lire ici ou là.

Faudrait-il lui préférer le statu quo, c'est-à-dire une situation déséquilibrée et dangereuse, qui n'ouvre pas d'autres perspectives que celles du laisser-faire économique, écologique et social, et qui exclut donc la possibilité de renégocier tout le dispositif « à la hausse ».

Un cadre institutionnel, c'est-à-dire une règle commune pour vivre ensemble à un moment donné, ne fixe pas, en lui-même, le contenu des politiques qui seront suivies.

Il appartient aux peuples, élection après élection, de choisir ces politiques, et les affrontements ainsi que l'expression des divergences entre les programmes retrouvent alors toute leur dignité.

Que des adversaires politiques apprécient, ensemble, un traité constitutionnel européen comme un progrès, qu'ils puissent même le défendre, ensemble, au même moment, à telle ou telle tribune, cela ne signifie nullement qu'ils abdiquent leur propre personnalité.

Cela revient, au contraire, à défendre en Europe une certaine conception de la démocratie qui, depuis toujours et plus particulièrement aujourd'hui, au point où nous en sommes de la réalité des Etats, intègre forcément, à côté de la règle majoritaire, une part de consensus.

Cette façon de procéder peut constituer une référence majeure, bien au-delà de nos frontières, dans un monde qui cherche sa multipolarité et qui tente de construire de nouvelles formes de coopérations régionales.

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, une fois que nous aurons adopté ce texte, il s'agira de convaincre nos propres électeurs.

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